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Économie - Électricité

L’effet domino de la pénurie de mazout a bel et bien commencé

La BDL annonce qu'à partir d'aujourd'hui, elle fournira les devises aux importateurs de carburant au "taux du marché parallèle".

L’effet domino de la pénurie de mazout a bel et bien commencé

Nombre de commerces et d’institutions ont fermé leurs portes hier en raison de leur incapacité à s’approvisionner en électricité. Photo João Sousa.

Malgré les innombrables appels au secours lancés ces derniers jours par plusieurs secteurs, les conséquences de la pénurie de mazout au Liban, qui a entraîné un début de black-out forcé dès le week-end dernier, sont tombées en cascade hier. Si les hôpitaux avaient déjà mis en garde dimanche contre une imminente « catastrophe sanitaire », d’autres secteurs ont à nouveau tiré la sonnette d’alarme, tandis que se multipliaient les annonces de fermeture. Un énième développement dans la crise de l’électricité annoncée depuis plusieurs mois et à laquelle les autorités n’ont encore apporté aucune solution concrète, laissant les Libanais broyer du noir, tandis que le marché parallèle de mazout, où nombre de propriétaires de générateurs s’approvisionnent à des prix beaucoup plus élevés que ceux fixés de manière hebdomadaire par le ministère de l’Énergie et de l’Eau, flambe.

Vers une levée des subventions sur le carburant

Réunis hier à Baabda lors d’une réunion du Conseil supérieur de défense, le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, et le ministre sortant de l’Énergie, Raymond Ghajar, ont fait le point sur la situation. Le premier a finalement admis, selon notre correspondante au palais présidentiel, Hoda Chédid, que son institution n’était plus en capacité de subventionner les importations de carburant en raison de la fonte de ses réserves, tandis que le second a proposé de présenter une loi au Parlement « pour demander l’ouverture de crédits pour le fournisseur public, Électricité du Liban (EDL), afin d’acheter du fuel ».

En fin de journée, la BDL a ainsi annoncé qu'à partir d'aujourd'hui, elle fournira les devises aux importateurs de carburant au "taux du marché parallèle", sans préciser s'il s'agira de celui de la plate-forme Sayrafa d'un autre taux de change. Il s'agira en principe du "même mécanisme" que celui adopté auparavant, selon le communiqué de la BDL

Une option qui entraînerait une augmentation des tarifs mais que le ministre a qualifiée de « moins chère pour les citoyens », soulignant que « si les subventions sont levées, le prix sera flottant mais unifié », a affirmé Raymond Ghajar.

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Toujours selon lui, la capacité actuelle d’EDL « ne dépasse pas les 750 mégawatts », alors qu’il en faudrait « 3 000 » pour répondre aux besoins du pic estival. Une avance de 200 millions de dollars à EDL avait été adoptée fin mars par le Parlement pour permettre à l’office d’acheter du carburant, mais cette avance n’a en principe pas encore été complètement décaissée. Il resterait environ un quart de la somme, selon une source proche du dossier. Le ministre sortant avait également signé fin juillet à Bagdad un accord avec l’Irak devant permettre au Liban de se fournir en carburant pour alimenter ses centrales électriques. Le fuel irakien ne pouvant pas être utilisé par les centrales électriques libanaises en raison notamment de sa teneur élevée en soufre, les quantités fournies serviront donc de monnaie d’échange qui permettront au Liban d’acheter du carburant compatible auprès d’autres fournisseurs. À ce propos, le bureau de presse du ministre a publié hier un communiqué, y plaidant non coupable du retard de l’arrivée du carburant irakien au Liban en invoquant « la transparence absolue » de l’accord signé et la durée « d’un mois » pour finaliser l’ensemble des procédures.

Nouveau coup dur pour le tourisme

C’est dans ce contexte déliquescent que Tony Ramy, président du syndicat des propriétaires de restaurant, de boîte de nuit, de café et de pâtisserie au Liban, a mis en garde contre une paralysie totale du secteur touristique, et ce malgré « un état d’urgence touristique annoncé il y a quelques temps » que les responsables refusent d’entendre, a-t-il déploré dans un communiqué. Une situation portant le « coup le plus violent au secteur en pleine haute saison », alors que celui-ci se remet à peine de la pandémie de Covid-19 et de la catastrophe du 4 août 2020 dans la capitale. « Nous avons franchi toutes les lignes rouges », a regretté le syndicaliste.

Alors qu’EDL ne fournit presque plus d’électricité, les groupes électrogènes privés ont suivi le mouvement d’un rationnement extrême de leur approvisionnement. « Nous ne parvenons pas à acheter du mazout de manière légale, nous nous en procurons des quantités sur le marché noir qui ne suffisent que pour quelques heures », a souligné Tony Ramy, dénonçant en outre le chantage de certains propriétaires de générateurs chez qui ils sont abonnés. Enfin, il a indiqué que les grandes chaînes internationales de restaurants « vont fermer la moitié de leurs branches (au Liban) afin d’éviter une fermeture totale », alors que nombre de commerces annonçaient hier leur fermeture ou une réduction drastique de leurs heures d’ouverture.

Fermetures en cascade

Ainsi, à Saïda (Liban-Sud), des dizaines de restaurants ont fermé leurs portes hier jusqu’à nouvel ordre. « Au vu des circonstances que traverse le pays, notamment la crise de mazout et l’arrêt des générateurs privés, et pour veiller sur votre sécurité alimentaire, le restaurant sera fermé jusqu’à nouvel ordre », ont affiché plusieurs enseignes sur leurs portes, selon l’Agence nationale d’information (ANI, officielle). Concomitamment avec l’arrêt des générateurs privés et aux longues coupures de courant, les cas d’intoxications alimentaires augmentent dans le pays.

Toujours dans le Sud, les bureaux de la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS) à Nabatiyé ont aussi annoncé hier un arrêt de travail, les réserves de mazout de leur générateur privé étant épuisées. Au nord du pays, le président du syndicat des boulangeries du Liban-Nord, Tarek el-Mir, a, lui, informé que de nombreux établissements de la région risquaient de fermer leurs portes « dans les prochaines heures », les minoteries n’ayant pu leur livrer de farine en raison de la pénurie de mazout affectant leurs activités. Le syndicaliste a aussi mis en garde contre une fermeture « totale » des boulangeries.

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Sur le terrain, des blocages de routes par des citoyens excédés ont été signalés. Des manifestants ont ainsi bloqué avec des voitures la route à l’entrée nord de Saïda, en direction de Beyrouth, a relayé l’ANI. Notre correspondant dans le Sud, Mountasser Abdallah, a également rapporté qu’un groupe de personnes a pénétré de force au sein de la centrale de Zahrani, avant d’être pourchassé par les forces de l’ordre. Dans le Nord, des manifestants ont coupé la route à Sir-Denniyé à l’aide de pneus et de gravats devant une station-service pour dénoncer sa fermeture, alors que des automobilistes y faisaient la queue.

Les appels à l’aide de la part de différents secteurs ont été lancés alors que les prix officiels de l’essence, du mazout et du gaz ont à nouveau augmenté hier. Les 20 litres d’essence 95 octane sont ainsi passés à 77 500 livres (+1 900 livres) et ceux à 98 octane s’échangent désormais à 79 700 livres (+2 000 livres). Les 20 litres de mazout se vendent dorénavant à 58 500 livres (+ 1 400 livres) alors que la bonbonne de gaz est désormais vendue à 58 800 livres (+ 2 200 livres).

Malgré les innombrables appels au secours lancés ces derniers jours par plusieurs secteurs, les conséquences de la pénurie de mazout au Liban, qui a entraîné un début de black-out forcé dès le week-end dernier, sont tombées en cascade hier. Si les hôpitaux avaient déjà mis en garde dimanche contre une imminente « catastrophe sanitaire », d’autres secteurs ont à nouveau...

commentaires (3)

Encore un nouveau facteur qui pousse à plébisciter le recours définitif aux énergies renouvelables.

Elie Choueifaty

12 h 47, le 13 août 2021

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Commentaires (3)

  • Encore un nouveau facteur qui pousse à plébisciter le recours définitif aux énergies renouvelables.

    Elie Choueifaty

    12 h 47, le 13 août 2021

  • je conseil au Libanais qui le peuvent d’investir dans le solaire, unique alternative au monopole des generateurs.

    Nadim Audi

    16 h 45, le 12 août 2021

  • Et le gros président ne veut toujours pas de gouvernement. Il veut perpétuer le pourrissement. Quel grand homme!

    Sissi zayyat

    12 h 33, le 12 août 2021

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