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Société - Crise au Liban

"Impossible de continuer comme ça" : la pénurie de mazout paralyse plusieurs filières

Les prix des carburants poursuivent leur hausse. 

Un homme entretenant un générateur privé au Liban. Photo Marc Fayad

La pénurie de mazout, qui pèse sur la vie quotidienne des Libanais forcés de vivre plusieurs heures par jour sans courant, continue de paralyser plusieurs secteurs essentiels et administrations dans le pays, plongé dans une grave crise socio-économique. Plusieurs représentants de ces filières dont les opérations sont directement impactées par cette crise, et notamment en ce qui concerne la restauration et  les boulangeries, ont exprimé leurs craintes quant aux répercussions de cette pénurie et exhorté les responsables à réagir. 

Le Liban est embourbé depuis l'automne 2019 dans une crise qualifiée par la Banque mondiale comme étant l'une des pires au monde depuis 1850. A court de devises étrangères, le pays peine à importer suffisamment de fuel pour faire fonctionner ses centrales électriques. Depuis mi-2020, EDL a réduit la production d’électricité, provoquant des rationnements de courant atteignant jusqu’à 23 heures par jour dernièrement. En temps normal, des générateurs privés prennent le relais lors du rationnement du courant fourni par l’État mais en raison des pénuries de mazout, les propriétaires de ces groupes électrogènes sont obligés, eux aussi, de les éteindre plusieurs heures en journée et pendant la nuit, obligeant les Libanais à vivre sans électricité.

Alors que le syndicat des propriétaires d'hôpitaux privés avait averti que plusieurs hôpitaux risquaient d'arrêter leurs générateurs "d'ici quelques heures" faute de mazout, des informations de la chaîne locale MTV font dans ce contexte état de trois établissements de Beyrouth qui auraient prévenu le président du syndicat des hôpitaux privés, Sleimane Haroun, de l'épuisement de leurs stocks de fuel. "La situation des hôpitaux constitue un grand risque pour la vie des patients", a souligné M. Haroun, interrogé par la chaîne. 

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Le président du syndicat des boulangeries du Liban-Nord, Tarek el-Mir, a de son côté annoncé que de nombreux établissements de la région risquaient de fermer leurs portes "dans les prochaines heures", les minoteries n'ayant pu leur livrer de farine en raison de la pénurie de mazout affectant leurs activités. "Nous sommes en pleine crise", a annoncé M. el-Mir lors d'une conférence de presse, mettant en garde contre une fermeture "totale" des boulangeries.

"Impossible de continuer ainsi"
Le président du syndicat des propriétaires de restaurants, de boîtes de nuit, de cafés et de pâtisseries au Liban, Tony Ramy, a, lui, mis en garde contre une paralysie totale du secteur touristique, précisant qu'"il est impossible pour le secteur touristique de continuer ainsi". "Nous avions déjà annoncé un état d'urgence touristique il y a quelques temps en raison des pénuries de mazout, mais personne n'a entendu notre appel", a déploré M. Ramy dans un communiqué. "Tous les responsables refusent de nous fournir du courant et nous empêchent d'avoir recours à des alternatives", a-t-il regretté. Compte tenu de cette situation, le syndicaliste a averti qu'"il est impossible pour le secteur touristique de continuer ainsi (...)", insistant sur le fait que le "coup le plus violent soit porté au secteur en pleine haute saison". "Nous ne parvenons pas à acheter du mazout de manière légale et nous nous en procurons des quantités du marché noir qui ne suffisent que pour quelques heures ", a-t-il également souligné. "Nous avons dépassé toutes les lignes rouges et nous nous trouvons impuissants alors que nous nous enlisons de plus en plus dans les crises" que traverse le pays, a-t-il poursuivi, dénonçant en outre le chantage de certains propriétaires de générateurs qui réclament "trois millions de livres libanaises pour cinq ampères, ou bien ils coupent leur groupe électrogène". M. Ramy a encore indiqué que les grandes chaînes internationales de restaurants "vont fermer la moitié de leurs branches (au Liban) afin d'éviter une fermeture totale".

A Saïda, dans le Sud, des dizaines de restaurants et de snacks ont déjà fermé leurs portes mercredi jusqu'à nouvel ordre en raison des pénuries de mazout. "Au vu des circonstances que traverse le pays, notamment la crise de mazout et l'arrêt des générateurs privés, et pour veiller sur votre sécurité alimentaire, le restaurant sera fermé jusqu'à nouvel ordre", ont affiché plusieurs restaurants sur leurs portes, selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). En raison de l'arrêt des générateurs privés et des longues coupures de courant, les cas d'intoxications alimentaires augmentent dans le pays, l'interruption de la chaîne du froid ne permettant pas de préserver les aliments dans de bonnes conditions.

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Par ailleurs, la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) a annoncé mercredi un arrêt de travail dans ses bureaux de Nabatiyé (au Liban-Sud), son générateur privé ayant épuisé toutes les réserves de mazout disponibles. "En raison des pénuries de mazout, le générateur privé du centre de Nabatiyé a été éteint, ce qui empêche de faire fonctionner les ordinateurs et les ventilateurs du centre". "Nous faisons face à une crise inédite", a déploré le directeur du centre de la CNSS à Nabatiyé, Hussein Soueidane. "Nous sommes impuissants en raison d'une crise qui a paralysé le travail logistique et opérationnel dans les bureaux", a déploré M. Soueidane, précisant qu'"en raison de l'épuisement des stocks de mazout, le générateur privé a été éteint, au moment où le courant électrique est complètement coupé". "Nous ne pouvons pas rester les bras croisés, le citoyen a besoin de papiers", a-t-il regretté.

Blocages de routes

Sur le terrain, des fermetures de routes par des citoyens excédés ont été signalées. Des manifestants ont ainsi bloqué avec des voitures la route à l'entrée nord de Saïda, en direction de Beyrouth, rapporte l'Ani. Notre correspondant dans le Sud, Mountasser Abdallah, rapporte également qu'un groupe de personnes a pénétré de force au sein de la centrale de Zahrani, avant d'être pourchassés par les forces de l'ordre.

Dans le Nord, des manifestants ont coupé la route dans le village de Sir-Denniyé à l'aide de pneus et de gravats devant une station-service pour dénoncer sa fermeture, alors que des automobilistes faisaient la queue pour remplir leur réservoir d'essence. Le propriétaire de la station a annoncé que celle-ci restera fermée mercredi en raison des longues files d'attente et afin d'éviter d'éventuels conflits.

Les appels à l'aide de la part de différents secteurs ont été lancés alors que les prix de l'essence, du mazout et du gaz ont à nouveau augmenté mercredi, selon un communiqué publié par le ministère de l'Energie. Selon cette nouvelle tarification, le prix du bidon d'essence à 95 octane est passé à 77.500 LL après une hausse de 1.900 LL, et celui à 98 octane s'échange désormais à 79.700 LL à la suite d'une augmentation de 2.000 LL. Les 20 litres de mazout se vendent dorénavant à 58.500 contre 57.100 LL jeudi dernier. Après avoir diminué la semaine dernière, le prix de la bonbonne de gaz a également augmenté de 2.200 LL pour atteindre 58.800 LL.

La pénurie de mazout, qui pèse sur la vie quotidienne des Libanais forcés de vivre plusieurs heures par jour sans courant, continue de paralyser plusieurs secteurs essentiels et administrations dans le pays, plongé dans une grave crise socio-économique. Plusieurs représentants de ces filières dont les opérations sont directement impactées par cette crise, et notamment en ce qui concerne...

commentaires (2)

Ce qui se passe était prévisible il y a plusieurs mois et la population reste d’une docilité inexplicable…les boulangeries ferment, les hôpitaux sont paralysés et les politiciens véreux restent de marbre. C’est parfait, continuons…

mokpo

17 h 28, le 11 août 2021

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Commentaires (2)

  • Ce qui se passe était prévisible il y a plusieurs mois et la population reste d’une docilité inexplicable…les boulangeries ferment, les hôpitaux sont paralysés et les politiciens véreux restent de marbre. C’est parfait, continuons…

    mokpo

    17 h 28, le 11 août 2021

  • Pourquoi ne pas lever une fois pour toute ces subventions qui pénalisent, en raison de leur ambiguïté, les tarifs de l'essence ? Après tout, une bonne partie de la population est soumise à une contrebande déjà en place, l'on peut se procurer les dix litres d'essence a pas moins de 100 000 LL. Nous aurions "l'avantage" d'avoir une essence plus chère qu'en Syrie, ce qui nous permettrait d'inverser la tendance et en importer de chez eux...

    C…

    15 h 55, le 11 août 2021

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