Les incendies qui s’étaient déclarés mercredi après-midi dans la localité de Kobeyate, avant de s’étendre vers d’autres villages du Akkar, n’étaient toujours pas complètement maîtrisés hier, malgré les efforts de l’armée, de la Défense civile et de la population locale. Alors qu’il s’était calmé pendant un moment, l’incendie dévastateur de Kobeyate a repris de plus belle hier, aggravé par des vents forts. Il était « partiellement maîtrisé » dans l’après-midi, selon la Défense civile, mais les flammes continuaient de se propager dans d’autres secteurs plus à l’est, notamment à Jabal Akroum et Andqet. Ces incendies en série, qui se sont étendus au Hermel, dans la Békaa, et même dans certains villages syriens, ont fait au total un mort et plusieurs blessés depuis mercredi.
Dépassés par la situation, les habitants de Kobeyate ont appelé à l’aide, sur les réseaux sociaux, les propriétaires de citernes d’eau qui seraient prêts à ravitailler les soldats du feu. D’autres appels ont été lancés en ligne pour des donations de bouteilles d’eau potable à offrir aux volontaires de la Défense civile ainsi qu’aux habitants du village dont les maisons sont cernées par les flammes. Outre l’énorme incendie de Kobeyate, de larges espaces verts ont pris feu hier aux abords de la localité de Daoura, dévastant de larges superficies d’une forêt de pins, d’oliviers et de chênes. Un autre sinistre s’est déclaré dans le village de Beino, avant d’être maîtrisé par les habitants. Les feux ont même atteint Akkar el-Atika et se sont rapprochés des habitations.
Les habitants de Kfartoun et d’Akroum ont appelé les autorités et l’armée à intervenir urgemment pour cerner le feu qui s’approchait des habitations, les cas d’intoxication se multipliant en raison de la fumée dégagée par les incendies. La troupe a de son côté annoncé avoir envoyé quatre hélicoptères pour lutter contre les flammes à Jabal Akroum. Le maire de Andqet a pour sa part exhorté les autorités à « faire appel au plus vite aux pays amis pour assurer le recours à de grands hélicoptères capables de combattre le feu ». Ce qui n’est pas sans rappeler le triste épisode des appareils Sikorski immobilisés au sol lors des terribles incendies du 15 octobre 2019, deux jours avant la thaoura, faute d’entretien. Le ministre de l’Environnement de l’époque, Fady Jreissati, avait annoncé que le ministère comptait acheter deux nouveaux Sikorski. Sauf que cette opération, comme tout le reste ou presque, est restée lettre morte.
Dans d’autres régions du pays, la localité de Mazboud (Iqlim el-Kharroub) a elle aussi été touchée par un important sinistre hier après-midi. Des incendies ont également été signalés à Adloun et Erzay, dans le caza de Saïda.
Des incendies criminels ?
« Nous sommes allés aider nos voisins à Kobeyate, puis nous avons appris que les feux s’étendaient jusqu’à chez nous », confie à L’Orient-Le Jour Fahd Bou Ali, un habitant d’Akroum. « L’incendie est énorme à Akroum et nous n’avons pas encore pu le maîtriser. Pour l’instant, les pertes sont matérielles. De nombreux espaces verts ont été décimés, du bétail a péri et les feux pourraient atteindre bientôt les terrains agricoles », ajoute-t-il. Critiquant la mauvaise gestion des incendies au Liban, Georges Mitri, professeur associé à l’Université de Balamand et directeur du programme Terre et ressources naturelles, rappelle qu’un plan national de lutte contre les feux de forêt existe depuis 2009 mais qu’il n’a jamais été appliqué. « Il y a même un plan local de lutte contre les feux de forêt qui inclut Kobeyate, mais qui n’a jamais été mis en œuvre non plus », écrit-il sur les réseaux sociaux. « Les feux ont repris dans certaines régions et même avec les hélicoptères nous n’arrivons pas à les éteindre, explique pour sa part à L’Orient-Le Jour Mohammad Arabi, expert en développement communautaire, membre de la direction du Lebanese Eco Movement et représentant du Comité de l’environnement du Akkar. Certains endroits sont impossibles à atteindre par les véhicules de la Défense civile. Les pertes sont énormes. Ce sont des pins et des chênes qui ont été principalement décimés, ainsi que des oliviers, notamment à Beino. » Quant à l’origine des incendies, Mohammad Arabi doute qu’il puisse s’agir de feux de forêt déclenchés par des causes naturelles. « Ces incendies sont suspects. Les premières images montrent une fumée noir et blanc, qui pourrait être le résultat d’une explosion. Il pourrait s’agir d’une voiture qui transportait de l’essence ou du mazout qui a pris feu ou d’un entrepôt de carburant qui a explosé », ajoute-t-il.
Manque de moyens de la Défense civile
Présente sur place malgré le manque de moyens dont elle souffre depuis des années, la Défense civile a assuré dans un communiqué avoir réussi dans l’après-midi, en coopération avec l’armée libanaise, à maîtriser partiellement l’incendie au niveau de Kobeyate. Les soldats du feu ont par ailleurs indiqué que des foyers restaient actifs dans les localités avoisinantes de Qatlaba, Machrouh el-Akhdar, Qamiaa et Andqet. « La force du vent a provoqué la propagation rapide du feu vers Akroum et Rouaïmeh, ainsi que vers le village de Bsatine, dans le Hermel, et jusqu’au territoire syrien », a ajouté la Défense civile. Les volontaires poursuivent leurs opérations, accompagnés de quatre hélicoptères militaires, malgré les difficultés rencontrées, ajoute le texte, qui cite notamment l’accès compliqué à certaines zones et la chaleur. La direction de la Défense civile a en outre annoncé que trois de ses bénévoles avaient été légèrement blessés depuis hier soir. Plusieurs équipes de secouristes de la Croix-Rouge se sont également déployées, ayant recours à 13 voitures de secours. La défense civile syrienne et des hélicoptères syriens sont également intervenus pour éteindre le feu qui s’étendait le long de la frontière.
Contacté par L’Orient-Le Jour, un volontaire de la Défense civile basé près de la capitale a dénoncé le manque de véhicules adaptés, mais aussi le manque de ressources humaines. « Notre équipe s’est rendue de Beyrouth jusqu’au Akkar pour porter secours aux habitants de la région grâce aux véhicules fonctionnant au mazout que nous possédons. L’armée ne nous fournit que ce carburant-là. Nous n’avons pas pu mettre à profit nos véhicules qui fonctionnent à l’essence et qui auraient pu nous être utiles », révèle ce volontaire de la première heure, sous le couvert de l’anonymat. Les véhicules de la Défense civile sont souvent à l’arrêt faute d’entretien ou parce que les centres n’ont tout simplement pas le budget nécessaire pour se procurer du carburant. Dans certains cas, ce sont les volontaires qui se cotisent pour payer l’essence.
« Non seulement nous n’avons pas assez de matériel, mais nous manquons de personnel, poursuit ce volontaire. S’il y avait assez de pompiers sur place dès le déclenchement des incendies, je pense que nous aurions pu maîtriser le feu », ajoute-t-il. Les membres de la Défense civile ne sont pas rémunérés par les autorités, à la différence des pompiers, ce qui entrave les opérations de recrutement.
« Les véhicules de la Défense civile auraient dû avoir des réserves de carburant. De plus, deux ou trois véhicules sont tombés en panne », déplore pour sa part le père Nassim Kastoun, un curé de Kobeyate.
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L’état libanais a toujours été incapable de remédier aux problèmes de tout genre bien avant la crise, nous les avons vu a l’œuvre lors des incendies où les avions des pompiers sensés éteindre le feu sont restés cloués au sol faute d’entretien. On peut accuser le peuple de tout, mais par décence pointons les manquements de cet état qui a toujours failli à tous ses devoirs, c’est un acte démocratique dans un pays qui ne l’est plus grâce aux vendus et à leurs supporters.
Sissi zayyat
12 h 57, le 12 août 2021