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Société - Élections à l’ordre des ingénieurs

Comment les partis de l’establishment politique analysent leur défaite

Le CPL, Amal et le Futur reconnaissent la crise de confiance qui existe entre les Libanais et les partis traditionnels, alors que le Hezbollah s’enfonce dans le déni.

Comment les partis de l’establishment politique analysent leur défaite

Après l’annonce des résultats, dimanche, des élections à l’ordre des ingénieurs. Photo Nabil Ismaïl

Pour les partis politiques traditionnels, l’heure est à la réflexion. L’échec cuisant subi aux élections à l’ordre des ingénieurs, dimanche, ne peut s’expliquer à leurs yeux que par le large fossé qui existe entre les citoyens et la classe dirigeante. Celle-ci n’a pas encore digéré ce camouflet qui constitue une sonnette d’alarme et une première manche de la bataille engagée contre les forces de la contestation. Une défaite fulgurante que les analystes ne peuvent s’empêcher de décrypter en perspective des prochaines échéances, notamment les législatives de mai 2022.

Même si certains députés issus des partis politiques traditionnels affirment n’avoir pas été surpris par ces résultats, il n’en reste pas moins que d’autres, le Hezbollah en l’occurrence, cherchent à minimiser la portée de ce scrutin qui n’a pas une véritable signification politique à ses yeux.

L’état de déliquescence dans lequel patauge le pays, l’effondrement économique et la crise de confiance qui s’est exacerbée entre gouvernants et gouvernés sont autant de raisons avancées par les partis au pouvoir pour justifier ce recul historique. Un état des lieux dont la classe politique devrait tirer les enseignements pour rectifier le tir à moins de se voir sérieusement menacée aux prochains tests.

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« Ces élections sont un signal d’alarme pour les partis politiques qui doivent prendre conscience qu’il y a désormais de profonds changements au sein de la société libanaise », commente Kassem Kassir, un analyste proche des milieux du Hezbollah. Il s’agit selon lui d’un indicateur supplémentaire qui vient s’ajouter aux messages envoyés précédemment à l’occasion d’autres élections sectorielles, notamment celles de l’ordre des avocats qui a vu émerger, dans le sillage du mouvement de contestation du 17 octobre, un candidat indépendant et réformateur, Melhem Khalaf.

Le message est d’autant plus inquiétant pour la classe politique que la machine électorale parfaitement huilée qui a organisé le scrutin des ingénieurs sera la même qui sera de nouveau mise à profit lors des prochaines législatives. Avec 67 % des voix recueillies par la coalition regroupant une série de partis proches du mouvement de contestation du 17 octobre, l’opposition, au sens large, peut désormais prétendre pouvoir défier la classe dirigeante lors de ces élections.

Le candidat de la coalition d’opposition au poste de président de l’ordre, Aref Yassine, a remporté 5 798 voix sur 8 615. Un résultat record qui ne peut s’expliquer que par le ras-le-bol général. « La victoire de la liste de la contestation s’inscrit dans la continuité du rejet de la classe politique traditionnelle qui a échoué jusqu’à maintenant à regagner la confiance perdue malgré la sonnette d’alarme tirée à partir du 17 octobre 2019 », commente un député aouniste, Alain Aoun, pour qui une bonne partie des responsables sont toujours dans « un état de déni » comme il dit, sans toutefois préciser lesquels.

Le député évoque ainsi un « vote sanction » qui sera incontestablement au rendez-vous aux différentes échéances à venir si les partis traditionnels ne tirent pas un enseignement de cette consultation syndicale.

Mais c’est sur l’aspect strictement professionnel du scrutin de l’ordre des ingénieurs qu’insiste pour sa part le porte-parole du Hezbollah, Mohammad Afif Naboulsi, pour atténuer le halo de la victoire marquée par la coalition de l’opposition.

« Cela fait bien longtemps que nous (le parti chiite) effectuons une séparation nette entre les élections syndicales et les élections à portée politique. Chaque bataille a son contexte et ses circonstances. Il ne faut surtout pas tirer des conclusions politiques de ce scrutin », dit-il.

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Le Hezbollah a pourtant commencé dès à présent à évaluer ce qui s’est passé et à analyser le revers subi par les partis traditionnels. Tout d’abord, explique le porte-parole, il ne faut pas oublier que le taux de participation était faible, soit 18 % des 60 000 ingénieurs inscrits. Une faible participation qui s’expliquerait, selon la coalition de l’opposition, par le fait que de nombreux ingénieurs ont quitté le pays alors que d’autres n’ont pu voter à cause des frais élevés d’inscription à l’ordre dont ils n’ont pu s’acquitter.

L’autre problème, ajoute M. Naboulsi, est le choix du candidat du courant du Futur, Bassem Oueini, que le mouvement Amal a soutenu mais dont le Hezbollah n’était absolument pas convaincu. C’est ce qui expliquerait largement, selon lui, la défaite des partis traditionnels.

« Si le courant du Futur avait accepté de changer son candidat, les résultats auraient certainement été différents », analyse-t-il, avant d’affirmer que plusieurs ingénieurs du parti chiite ont voté pour la liste d’opposition.

C’est un son de cloche légèrement différent que l’on entend du côté Amal. « Il est clair qu’il y a une profonde crise de confiance entre gouvernants et gouvernés. On le sent un peu plus chaque jour. Les gens sont épuisés et souhaitent obtenir des réponses à leurs revendications », affirme un député du bloc Berry, Fadi Alamé.

Un avis que partage amplement le vice-président du courant du Futur Moustapha Allouche, qui n’attribue aucunement la raison de cette défaite au manque d’organisation ou encore à la dispersion des voix entre les deux candidats. « Les partis (traditionnels) ont échoué à donner un espoir quelconque aux Libanais. Une grande partie des ingénieurs qui ont voté sont extrêmement mécontents de la situation qui prévaut », dit M. Allouche. « Quand bien même les partis politiques se seraient coalisés, ils n’auraient pas fait mieux. Au contraire, ils auraient démontré que même en se constituent en front uni (face à l’opposition), ils n’auraient pas réussi à récolter plus du quart des voix », souligne-t-il.

Pour les partis politiques traditionnels, l’heure est à la réflexion. L’échec cuisant subi aux élections à l’ordre des ingénieurs, dimanche, ne peut s’expliquer à leurs yeux que par le large fossé qui existe entre les citoyens et la classe dirigeante. Celle-ci n’a pas encore digéré ce camouflet qui constitue une sonnette d’alarme et une première manche de la bataille...

commentaires (2)

Le Hezbollah n'est pas dans le déni. Il se croit être supérieur à tous les autres partis politiques et ne considère pas que les élections syndicales aient une quelconque importance, les élections politiques non plus puisque ce sont des pions qui sont élus avec l’aval du Hezbollah. Ce n’est vraiment pas une démocratie dans laquelle nous vivons mais une dictature dirigée par des religieux intransigeants. Triste et dramatique !

TrucMuche

18 h 05, le 20 juillet 2021

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Commentaires (2)

  • Le Hezbollah n'est pas dans le déni. Il se croit être supérieur à tous les autres partis politiques et ne considère pas que les élections syndicales aient une quelconque importance, les élections politiques non plus puisque ce sont des pions qui sont élus avec l’aval du Hezbollah. Ce n’est vraiment pas une démocratie dans laquelle nous vivons mais une dictature dirigée par des religieux intransigeants. Triste et dramatique !

    TrucMuche

    18 h 05, le 20 juillet 2021

  • À peine ÉLU : voilà les CRITIQUES qui fusent de toutes les cotes. Peut-être ESPÉRANCE pour les uns , MALHEUR pour les autres . JAMAIS : attendons voire ! Le critique compare toujours. L’incomparable lui échappe.

    aliosha

    17 h 55, le 20 juillet 2021

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