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Économie - Explosions du port

À Beyrouth, une délégation du MEDEF se penche sur la reconstruction

En mission de reconnaissance, la task force Ville durable a conclu hier une visite de trois jours visant à observer le terrain. Elle a fait le point hier lors d’une conférence de presse à la Résidence des Pins.

À Beyrouth, une délégation du MEDEF se penche sur la reconstruction

Le président de la Task Force Ville durable du Mouvement des entreprises de France à l’international (MEDEF international), Gérard Wolf, hier à la Résidence des Pins. Photo P.H.B.

Le chantier de la reconstruction du port de Beyrouth et des quartiers environnants, détruits le 4 août dernier par une terrible double explosion meurtrière, continue d’attirer les entrepreneurs, malgré la passe catastrophique que traverse le Liban sur les plans économique, financier et institutionnel.

Alors que plusieurs acteurs se sont déjà positionnés depuis le printemps avec des propositions ciblant le chantier dans sa globalité ou certaines de ses composantes, une délégation d’entreprises dépêchée sous l’égide de la « task force Ville durable » du Mouvement des entreprises de France à l’international (Medef international, une des associations liées à l’organisation patronale française) a conclu hier une visite de trois jours visant à étudier le terrain et à « rendre audible » une certaine approche de la reconstruction de la ville. Programmée depuis plusieurs mois, cette visite a été longtemps ajournée, notamment en raison de la crise sanitaire mondiale.

Lors d’un point presse hier soir à la Résidence des Pins à Beyrouth, le président de la task force Gérard Wolf est revenu sur cette mission de reconnaissance dont le but affiché est de proposer des projets pour faire de Beyrouth une « ville portuaire durable », un concept qui « rentre dans le domaine d’expertise » de l’association. « Il y a eu un progrès par rapport (à la période qui a directement suivi l’explosion) : plus personne ne dit qu’il faut commencer par réparer le port (…). On ne peut pas réparer les quais sans réparer la ville », a-t-il déclaré. Soulignant l’importance pour son organisation que les chantiers soient confiés par le biais d’appels d’offres transparents, il a cependant indiqué que le lancement des projets n’était pas « pour demain matin », en faisant référence aux « conditions politiques au sens large » dans le pays. Il n’a enfin pas précisé de date concernant un éventuel retour de la délégation au Liban. Interrogé sur le fait que les entreprises françaises ne sont pas les seules ni les premières à avoir proposé une autre vision pour reconstruire le port et la ville, Gérard Wolf a simplement souligné le fait que les approches étaient « différentes ».

420 entreprises

La task force Ville durable représente plus particulièrement 420 entreprises françaises de toutes tailles investies dans plusieurs « secteurs de l’urbain » et disposant d’une « forte capacité de projection sur l’ensemble des marchés à l’international », selon les informations disponibles sur son site Internet et complétées par Gérard Wolf. Un certain nombre d’entre elles sont déjà présentes au Liban, à l’image de Recygroup, qui travaille sur le traitement des silos du port, ou d’EDF, qui collabore avec Électricité du Liban. Membre du MEDEF international, le transporteur et logisticien français CMA CGM, très implanté au Liban, ne fait pas partie de la task force mais a souvent échangé avec elle. Selon Gérard Wolf, l’organisation fonctionne selon sept ensembles de métiers : la déconstruction (les immeubles en ruine) ; les hôpitaux et les écoles ; l’eau et assainissement; la gestion des déchets; l’énergie; le transport ; et enfin la réhabilitation du patrimoine historique.

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À Beyrouth depuis lundi, la délégation du MEDEF a rencontré plusieurs responsables locaux dont la ministre sortante de la Défense et vice-présidente du Conseil des ministres, Zeina Acar, qui occupe également depuis mai le poste de ministre des Affaires étrangères par intérim – en remplacement de Charbel Wehbé qui avait été relevé de ses fonctions à sa demande, après des propos controversés ciblant l’Arabie saoudite.


Les quartiers environnant le port de Beyrouth, et détruits par l’explosion du 4 août, font partie du chantier de reconstruction qui intéresse nombre d’entrepreneurs. Photo J.R.B.


À la recherche d’interlocuteurs fiables

Des réunions avec le gouverneur de Beyrouth, Marwan Abboud, le ministre sortant de l’Économie et du Commerce, Raoul Nehmé, celui des Travaux publics et des Transports, Michel Najjar, la direction du port de Beyrouth ou encore celle d’Électricité du Liban étaient au programme de la délégation. Cette dernière a également rencontré les représentants de plusieurs organisations financières internationales établies dans le pays dont la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement ou la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Enfin, à l’initiative de l’ambassade de France, une rencontre avec les membres de l’Association des industriels libanais, puis avec le Rassemblement des dirigeants et chefs d’entreprise libanais, dirigé depuis le début du mois par une nouvelle équipe menée par l’entrepreneur Nicolas Boukather, ont également eu lieu.

« Il s’agit d’un premier contact et il a été très fructueux. Les soutiens internationaux du Liban sont à la recherche d’interlocuteurs fiables et décidés à agir. Or, comme la classe dirigeante s’est révélée incapable de gérer la crise, le choix de se tourner vers une partie du secteur privé est aujourd’hui l’option la plus sûre », a commenté une source proche du dossier. Lors d’une réunion mardi au Grand sérail entre le Premier ministre sortant, Hassane Diab, et de nombreux diplomates, l’ambassadrice de France, Anne Grillo, avait souligné que l’effondrement que connaît actuellement le pays était « le résultat délibéré d’une mauvaise gestion depuis des années ». Elle répondait au chef de l’exécutif libanais qui avait jugé que conditionner les aides internationales à la mise sur pied d’une nouvelle équipe et à la mise en œuvre de réformes représentait aujourd’hui une « menace pour la vie des Libanais et l’entité libanaise », sans pour autant affecter « les corrompus ». Le gouvernement de Hassane Diab a démissionné une semaine après la catastrophe du 4 août et n’a toujours pas été remplacé, notamment en raison des conflits politiques autour de la composition du futur exécutif.

Pour mémoire

Des entrepreneurs veulent reconstruire le port de Beyrouth sans alourdir la dette

Hasard du calendrier, c’est également cette semaine que l’alliance composée d’entrepreneurs de travaux publics libanais, menée par le président de leur syndicat Maroun Hélou, et l’ancien président de l’opérateur du terminal conteneur de Tripoli (Liban-Nord), Antoine E. Amatouri, a présenté à la direction du port de Beyrouth son propre plan pour la reconstruction de la zone portuaire, dont les contours sont évoqués depuis mars. Selon l’Agence nationale d’information lundi, ce plan qui s’étend sur trois ans, et que les promoteurs espèrent financer via les revenus du port, devait être transmis au ministre des Travaux publics.

Au printemps, plusieurs autres acteurs avaient présenté leurs propositions ou leurs approches pour reconstruire la zone portuaire, voire ses environs, dont un groupement rassemblant plusieurs entreprises allemandes, le français CMA CGM ou encore le bureau d’étude d’un architecte local, Charbel Abou Jaoudé. Pour rappel, l’appel d’offres annoncé depuis plus d’un an pour remettre en jeu la gestion du terminal conteneurs de Beyrouth et auxquels plusieurs sociétés internationales souhaitent participer a lui aussi été paralysé pour des raisons inconnues.

Enfin, le syndicat des agents maritimes a appelé hier dans un communiqué les autorités à « agir rapidement afin de sauver la sécurité alimentaire et le commerce international » via le port de Beyrouth, en raison de la détérioration des conditions de travail et du matériel. Des propos qui interviennent au lendemain d’une première déclaration de la Chambre internationale de navigation de Beyrouth, qui rassemble plus de 45 agences maritimes opérant dans la capitale, et qui avait réitéré sa crainte de voir le port « paralysé » pour ces mêmes raisons. Alors que la Chambre avait fait mention de « six » grues sur 16 encore en fonction, le syndicat a, lui, parlé de « cinq ». Ce dernier a de plus levé le voile sur les montants nécessaires pour « relancer » le terminal conteneurs, soulignant la nécessité de sécuriser « un million de dollars par mois » et le paiement de « 7 milliards de dollars d’arriérés à l’étranger ».

Baisse des revenus du port de Beyrouth à fin avril, hausse de ceux de Tripoli
Les revenus du port de Beyrouth ont baissé de 6,2 % au cours des quatre premiers mois de l’année en glissement annuel, selon le Lebanon this Week publié par Byblos Bank, atteignant 35,4 millions de dollars, contre 37,8 millions sur la même période en 2020. Ainsi, 1,66 million de tonnes de marchandises y ont transité, en hausse de 12,8 % en glissement annuel (1,47 million de tonnes), dont 1,4 million d’importations (+15,4 % au même rythme) représentant 85,5 % du total des marchandises. En tout, ce sont 418 navires qui ont transité au port de la capitale libanaise entre janvier et avril derniers, soit une baisse de 18,4 % par rapport aux 512 bâtiments y ayant accosté à la même période l’année dernière. En rythme mensuel, les revenus du port ont atteint 7,6 millions de dollars en avril, soit une baisse de 30 % par rapport aux 10,8 millions de dollars en mars.
Le déclin des revenus du port de Beyrouth et la contraction de son activité sont dus aux crises qu’a connues le Liban en 2020, la crise économique et financière impactant les liquidités disponibles en devises et les importations, à la pandémie de Covid-19, en passant par la double explosion en son sein, le 4 août 2020, qui avait entraîné un arrêt de son activité huit jours durant et quelque 300 millions de dollars de dégâts, selon la Banque mondiale fin août.
Les revenus du port de Tripoli (Liban-Nord) ont, eux, atteint 7,7 millions de dollars sur les quatre premiers mois de l’année, soit un bond de 121,5 % par rapport aux 3,5 millions de dollars en rythme annuel. Quelque 899 210 tonnes de marchandises y ont transité, en hausse de 76,6 % par rapport aux quatre premiers mois de 2020 (509 208 tonnes), dont 657 122 tonnes d’importations. Des importations représentant 72 % du total, soit en augmentation de 76,3 % en glissement annuel (372 742 tonnes). Au total, ce sont 241 navires qui ont accosté au port de Tripoli entre janvier et avril derniers, en hausse de 50,6 % comparé aux 160 bâtiments y ayant transité sur la même période en 2020. Les revenus du port de Tripoli ont augmenté de 3,4 % en glissement mensuel, atteignant 1,92 million de dollars en avril, contre 1,86 million en mars.
Le chantier de la reconstruction du port de Beyrouth et des quartiers environnants, détruits le 4 août dernier par une terrible double explosion meurtrière, continue d’attirer les entrepreneurs, malgré la passe catastrophique que traverse le Liban sur les plans économique, financier et institutionnel.
Alors que plusieurs acteurs se sont déjà positionnés depuis le printemps avec des...

commentaires (3)

Il est incorrect d'opposer l'Etat et le public d'une part et le marché d'autre part. Le Liban représente un marché dans lequel les représentants "publics" sont soit à la tête de marchés économiques, soit aux manettes derrière les entrepreneurs. Dans ce type de montage, l'argent ne doit servir uniquement à prendre en charge le coût des prestations et la main d'oeuvre. Politicien au Liban est le meilleur moyen de faire de l'argent à vie et il n'existe aucune règle relative au blanchiment, à la fraude, etc... Par ailleurs, l'investissement de l'international devrait faire réfléchir car cela rentre en contradiction avec toute cette diaspora qui fuit le marché libanais en raison des abus et des pots de vin

Georges Olivier

00 h 07, le 09 juillet 2021

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Commentaires (3)

  • Il est incorrect d'opposer l'Etat et le public d'une part et le marché d'autre part. Le Liban représente un marché dans lequel les représentants "publics" sont soit à la tête de marchés économiques, soit aux manettes derrière les entrepreneurs. Dans ce type de montage, l'argent ne doit servir uniquement à prendre en charge le coût des prestations et la main d'oeuvre. Politicien au Liban est le meilleur moyen de faire de l'argent à vie et il n'existe aucune règle relative au blanchiment, à la fraude, etc... Par ailleurs, l'investissement de l'international devrait faire réfléchir car cela rentre en contradiction avec toute cette diaspora qui fuit le marché libanais en raison des abus et des pots de vin

    Georges Olivier

    00 h 07, le 09 juillet 2021

  • Des projets sur papier, on peut en pondre des dizaines. Mais avec quel argent on paye ? Et qui seraient les interlocuteurs de l’administration libanaise qui sont tous des corrompus et incompétents.

    Lecteur excédé par la censure

    11 h 06, le 08 juillet 2021

  • absolument criminel de commencer des travaux de rehabilitation ou reconstruction de n'importe quel secteur avant l'assainissement des l administration publique, de ses divers reglements et lois faits sur mesure -mesure des entrepreneurs de travaux publiques, des fonctionnaires et des politiques -qui sont a l'affut de nouvelles mannes ! ceci dit faut surtout pas se fier -aveuglement- a des Ste quellles qu'elles soient PARCE QUE ETRANGERES.

    Gaby SIOUFI

    09 h 30, le 08 juillet 2021

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