Rechercher
Rechercher

Politique - Éclairage

Dans la banlieue sud de Beyrouth, le journalisme est « déconseillé »

Les membres du parti chiite prétextent des raisons sécuritaires pour justifier l’arrestation et l’interrogation de journalistes étrangers.

Dans la banlieue sud de Beyrouth, le journalisme est « déconseillé »

Un quartier de la banlieue sud de Beyrouth. Photo João Sousa

L’« arrestation », lundi, de deux journalistes étrangers dans la banlieue sud de Beyrouth par des hommes qui se sont identifiés comme des agents du Hezbollah a secoué les milieux de la presse et les ambassades concernées. Si l’affaire n’est pas inédite – ce n’est pas la première fois que des journalistes sont interceptés et interrogés dans le fief du Hezbollah –, elle met en lumière la paranoïa de plus en plus aiguë du parti chiite qui se sent menacé par la moindre enquête menée dans ce qu’il considère être « ses quartiers généraux ».

Matthew Kynaston, 33 ans, journaliste britannique du site nowlebanon, a été « arrêté » lundi alors qu’il couvrait la crise des carburants dans la zone de l’ancienne route de l’aéroport, au niveau de la station al-Aytam. Il était en compagnie d’une journaliste free-lance allemande, Stella Männer. Selon nowlebanon, deux hommes ont exigé de voir le passeport et le téléphone du journaliste britannique. Dans son dernier message à sa hiérarchie, envoyé vers 15 heures, celui-ci a précisé que les agents qui le détenaient ne le laissaient pas partir. Les deux journalistes ont ensuite été conduits au restaurant al-Saha, où ils ont été retenus et interrogés pendant quelques heures avant d’être remis à la Sûreté générale, dont ils ne sortiront que vers 22 heures.

L'éditorial de Issa Goraïeb

Les robinsons du cèdre

Dès que l’information a été ébruitée, les réseaux sociaux se sont emballés. Les internautes se sont déchaînés contre le Hezbollah accusé de s’en prendre à des journalistes étrangers et de fouler au pied la sacro-sainte liberté de presse. Un phénomène qui a vraisemblablement contribué à accélérer leur libération. Le Hezbollah et, à plus forte raison, la Sûreté générale – qui n’a jamais donné suite à nos appels – tentent d’éviter la mauvaise publicité que cette affaire a générée.

« Un crime »

Makram Rabah, un analyste politique qui contribue au site nowlebanon, n’y va pas par quatre chemins pour qualifier l’intervention du parti de « kidnapping ». Lors de l’arrestation des journalistes, il a eu l’occasion de parler au téléphone avec les membres du parti qui avaient intercepté ses collègues. « Ils ont refusé d’admettre que les deux journalistes étaient retenus contre leur volonté. “Ils sont avec nous dans un restaurant”, m’ont-ils dit avant de prétexter des raisons sécuritaires, justifiées, selon eux, par le passage du convoi d’Ismaïl Haniyé (le chef du bureau politique de Hamas) », confie M. Rabah à L’Orient-Le Jour.

Le leader palestinien se trouvait depuis dimanche au Liban en tournée officielle. Mais ce ne serait vraisemblablement pas la raison, ou du moins l’unique raison, justifiant ce regain de paranoïa de la part du parti de Dieu. Selon une source informée qui vit dans la banlieue sud, le parti ne voulait surtout pas que des journalistes viennent fouiner dans l’envers du décor de la crise du carburant qui frappe leur quartier aussi lourdement que dans le reste du pays. Il y a une dizaine de jours, des affrontements entre des miliciens d’Amal et des membres du Hezbollah ont eu lieu dans une station d’essence située à proximité, sur l’ancienne route de l’aéroport. Un incident grave qui a nécessité l’intervention de l’armée. Les tiraillements entre les deux formations chiites sont un sujet très délicat que le tandem cherche souvent à garder loin des projecteurs.

Pour le directeur exécutif de SKeyes, Ayman Mehanna, « le fait qu’une partie non officielle puisse priver des citoyens de leur liberté de mouvement est illégal. C’est en soi un crime qui doit être puni ». Le comble, commente encore le responsable de l’association, est qu’au lieu de livrer ceux qui ont arrêté les journalistes, ce sont ces derniers qui sont livrés aux autorités libanaises et interrogés.

Politique de l’autruche

Cet incident n’est pas le premier du genre. À maintes reprises, des journalistes, étrangers ou même libanais, ont été « interceptés » dans les localités où le Hezbollah est prédominant. C’était notamment le cas en août 2013, lorsque Josh Wood, un journaliste américain qui était basé à Beyrouth, s’est fait arrêter par le Hezbollah puis livrer aux autorités libanaises. En 2014, Yassir Mani Benchelah, un photographe algérien de renom, a été également retenu dans un scénario similaire.

Ayman Mehanna raconte un épisode qu’il a lui-même vécu avril 2014, alors qu’il se trouvait à bord d’un taxi avec une équipe de télévision française, au niveau du rond-point de Haret Hreik. Le véhicule a été encerclé par des motocyclistes et les passagers à bord ont été interpellés pendant deux heures après que leurs papiers ont été confisqués. « Le plus révoltant est que l’interrogatoire s’est déroulé deux heures durant, devant un agent des Forces de sécurité intérieure », se désole M. Mehanna.

Le décryptage de Scarlett HADDAD

Le Hezbollah... en mode électoral

Dans les milieux du Hezbollah, on préfère pratiquer la politique de l’autruche. Interrogé, le bureau de presse du parti banalise l’affaire : « Nous ne sommes pas au courant de ce qui s’est passé lundi dernier. Les deux journalistes n’ont pas demandé une autorisation auprès de notre bureau pour aller sur place. Ils ont dû refuser de coopérer avec nous », indique à L’OLJ la responsable presse du parti, Rana Sahili. Verrouillée par le parti depuis des années, la banlieue sud est difficilement accessible aux journalistes désireux d’exercer librement leur profession. Ces derniers, quelle que soit leur nationalité, doivent soumettre au bureau de presse une demande écrite, une photocopie de leur carte d’identité ou passeport, et une autre de leur carte de presse. Ils doivent également mettre par écrit le sujet qu’ils comptent couvrir et les localités qu’ils souhaitent visiter. Le requérant est passé au crible par les responsables de presse, et ses articles scrutés à la loupe. L’heureux élu aura le droit à une autorisation et, le plus souvent, à un garde du corps qui l’accompagnera. Pour tenter de justifier sa paranoïa à ce niveau, le parti de Dieu entretient l’idée que sous le couvert d’un média, le journaliste puisse servir « d’agent secret ». Une crainte qui s’est accentuée depuis que le mécontentement populaire a atteint les bases du parti. Quant à l’État libanais, force est de constater qu’il est le parfait complice de cet état de fait.

L’« arrestation », lundi, de deux journalistes étrangers dans la banlieue sud de Beyrouth par des hommes qui se sont identifiés comme des agents du Hezbollah a secoué les milieux de la presse et les ambassades concernées. Si l’affaire n’est pas inédite – ce n’est pas la première fois que des journalistes sont interceptés et interrogés dans le fief du Hezbollah –,...

commentaires (17)

Nous y voilà ! Enfin les données sont claires, la vérité n’est pas bonne à dire, interdite dans le pays du Cèdre depuis quelques décénnies. L’Iran via le Hezb a mis la main basse sur le pays. Et depuis un certain temps elle s’applique malheureusement aussi à lorientlejour. Pour que nos commentaires soient pris en compte il faudra peut-être aller sur les réseaux sociaux. A ce jour j’ai refusé de sauter le pas. Car le grand risque c’est de ne plus avoir de médias pour dénoncer les abus en tous genres. C’est à L’orientlejour de faire le choix entre laisser faire ses modérateurs, inconscients du tort qu’ils se font à eux-mêmes, en censurant de manière arbitraire des commentaires qui va à l’encontre de leur idéal. Je dis ce que je pense et je pense ce que je dis. Si ce commentaire est censuré cela prouvera que j’ai raison. Si non il y aurait donc une lueur d’espoir que la modération prenne en compte ce que les lecteurs dénoncent en vain. J’avoue honteusement que je ne suis guère optimiste du résultat attendu.

Le Point du Jour.

09 h 28, le 01 juillet 2021

Tous les commentaires

Commentaires (17)

  • Nous y voilà ! Enfin les données sont claires, la vérité n’est pas bonne à dire, interdite dans le pays du Cèdre depuis quelques décénnies. L’Iran via le Hezb a mis la main basse sur le pays. Et depuis un certain temps elle s’applique malheureusement aussi à lorientlejour. Pour que nos commentaires soient pris en compte il faudra peut-être aller sur les réseaux sociaux. A ce jour j’ai refusé de sauter le pas. Car le grand risque c’est de ne plus avoir de médias pour dénoncer les abus en tous genres. C’est à L’orientlejour de faire le choix entre laisser faire ses modérateurs, inconscients du tort qu’ils se font à eux-mêmes, en censurant de manière arbitraire des commentaires qui va à l’encontre de leur idéal. Je dis ce que je pense et je pense ce que je dis. Si ce commentaire est censuré cela prouvera que j’ai raison. Si non il y aurait donc une lueur d’espoir que la modération prenne en compte ce que les lecteurs dénoncent en vain. J’avoue honteusement que je ne suis guère optimiste du résultat attendu.

    Le Point du Jour.

    09 h 28, le 01 juillet 2021

  • Nous avons passé , ma fille , son mari et moi , de l’Italie , dans la banlieue sud de Beyrouth, j’ai eu honte de montrer Beyrouth a mon gendre italien on dirait Bombay . Il voulait connaître le Liban ou ma fille est née. Heureusement il a visité le Liban et sa montagne ??

    Eleni Caridopoulou

    20 h 02, le 30 juin 2021

  • VOUS PENSEZ ENCORE QUE CELA ETTONNE ENCORE UN LIBANAIS? CELA SE PASSE TOUS LES JOURS AVEC DES CITOYENS LIBANAIS ET PERSONNE N'EN PARLE MAIS QUAND C'EST DES ETRANGERS ET DES JOURNALISTES CELA FAIT LA PREMIERE PAGE DES JOURNAUX ET DES TELEVISIONS.MIEUX ENCORE CELA QUE DE LES VOIR DISPARAITRE COMME AU TEMPS DES PALESTINIENS OU DES SYRIENS AU LIBAN

    LA VERITE

    16 h 31, le 30 juin 2021

  • Evolution selon Darwin... Obscurantisme puis despotisme, wil habél aal jérrar...

    Wlek Sanferlou

    15 h 14, le 30 juin 2021

  • pour avoir été en fonction au Liban je peux dire qu'il est plus dur d'avoir un "permis" pour filmer le centre ville de Beyrouth (Municipalité/parlement/armée/solidere) qu'en Banlieue sud ou dans des zones de la sorte...

    WEHBE Rouba

    14 h 39, le 30 juin 2021

  • Messieurs Dames du nowlebanon : voilà la bonne occasion de faire une enquête des stations gentilles de CHEZ NOUS ( ! ) et comparaitre avec les sales de LA LEUR ( ? ) Complétez votre article en mettant en valeur la mentalité dégénérescente de notre société …Merci

    aliosha

    14 h 19, le 30 juin 2021

  • J'ai moi meme été arrété en 2010 ( j'avais 17 ans ) dans la zone portuaire en face de l aéroport pour prise de photo illégale des avions atterrissant avec en arrière plan le soleil et le bout de la corniche... Détention 1H dans un immeuble désaffecté; privation de mes droits; bandage des yeux; puis remise à la police locale; et pour finir transfert au QG de l'armée

    sarraf antoine

    13 h 00, le 30 juin 2021

  • Dans la banlieue sud, les ténèbres ont depuis longtemps pénétrés les cœurs et défigurés les âmes . La puanteur règne et tout est sombre.

    Wow

    12 h 12, le 30 juin 2021

  • Le journaliste est étonné que les arrestations et les interrogations de ces voyous se fassent sous le contrôle des agents des FSI. Mais cela fait longtemps que cette institution est confisquée comme étroites les autres par ce parti et son partenaire Amal pour leurs protections personnelles. On vole le peuple et on arrose les fonctionnaires utiles et les partisans avec le surplus des recettes pillées sous le regard complice de tous les politiciens qu’on a pris le soin de faire participer au pillage pour qu’ils la bouclent. Voilà le système infaillible de ces vendus qui a fonctionné à merveille puisque le peuple sait mais ne réagit pas. Pour eux ils peuvent aller encore plus loin dans leur vice, dépouiller les citoyens du peu qui leur reste en leur fournissant des denrées achetées avec leur argent à des prix majorés en leur demandant de leur être reconnaissants et à la fermer sous peine de vide politique ou de guerre fratricide. Le journalisme pour eux est un danger qu’il faut à tout prix combattre, quitte à commettre des bourdes puisque de toute façon ils savent qu’ils ne seront jamais condamnés ni inquiétés. Ils pourront prétendre à un fait commis par des électrons libres dans leurs régions. La machine est bien rodée et ils ont toujours gagné la partie, M. Slim est la dernière preuve de leur impunité qui ne fait que les renforcer.

    Sissi zayyat

    11 h 13, le 30 juin 2021

  • et si d'autre parties/partis appliquaient la meme politique que hezb """Les deux journalistes n’ont pas demandé une autorisation auprès de notre bureau pour aller sur place"", exigeants la soumission d'une demande pareille chacun dans leur fiefs?

    Gaby SIOUFI

    10 h 40, le 30 juin 2021

  • Malheureusement l'appareil sécuritaire de l'état n'en est pas un, ce sont des miliciens à la solde des pourris qui gouvernent.

    Christine KHALIL

    10 h 30, le 30 juin 2021

  • Mais qu'ils se la garde leur Banlieue-Sud degoutante. J'espere qu'un jour la reciproque sera vraie et qu'ils arretront de venir voler et piller chez nous ! Marre a la fin !

    Lebinlon

    10 h 23, le 30 juin 2021

  • Mais pourquoi tenez vous encore au vivre ensemble avec eux ? Qu'ils fassent leur pays iranland ou hezbokistan, et on fera le notre Surtout ne pas se mélanger avec ces gens la, laissons les pourrir sur place, fermons le reste du pays sur eux, et on verra bien la ou l'herbe sera plus fraîche... si herbe il en reste.

    Aboumatta

    09 h 35, le 30 juin 2021

  • Au lieu de faire le joli coeur dans des missions diplomatiques auto-designees au Koweit, au Vatican ou je ne sais ou, le gallone Abbas Ibrahim ferait mieux d'effectuer le travail pour lequel il est paye avec nos impots.

    Michel Trad

    09 h 24, le 30 juin 2021

  • Les kidnappeurs du Hezb auraient du etre arretes. Ils sont connus. Le restaurant "Saha", dont les locaux ont servis a sequestrer les personnes enlevees, devrait etre ferme pour les besoins de l'enquete et son patron interroge par la police. Mais, avant tout, les responsables securitaires de la zone (armee, FSI, Surete Generale) devraient etre sanctionnes severement pour leur laxisme et peut etre meme leur complicite avec les kidnappeurs.

    Michel Trad

    08 h 53, le 30 juin 2021

  • La banlieue Sud: pire que les camps palestiniens… zone de non-droit échappant à l’Etat, de trafic, de contrebande, etc…!

    LeRougeEtLeNoir

    07 h 11, le 30 juin 2021

  • Des bandits kidnappent des journalistes effectuant leur travail, les retiennent pendant plusieurs heures. avant de les remettre entre les mains de la Sûreté générale. Et lâ, on pourrait s'attendre à ce que les ravisseurs soient arrêtés, mais non! Nous ne sommes pas au Liban, mais au Hezbollahland: les bandits repartent bien tranquillement, et ce sont les victimes qui sont retenues encore plusieurs heures au poste de la SG!

    Yves Prevost

    07 h 02, le 30 juin 2021

Retour en haut