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Culture - Exposition

Des femmes camélias multiples qui refleurissent la terre

Au Beirut Art Center, un collectif de trois artistes venues de l’art visuel, Mira Adoumier, Carine Doumit et Nour Ouayda, expose son travail jusqu’au 10 septembre. Un dialogue qui circule entre le regard, le sensoriel et l’ouïe.

Des femmes camélias multiples qui refleurissent la terre

Mira Adoumier, Carine Doumit et Nour Ouayda forment le collectif Camélia.

« Lorsque deux corps gravitent l’un autour de l’autre dans l’espace, le domaine des possibles est relativement prévisible. Lorsque les corps sont au nombre de trois, les interactions deviennent plus complexes et différents types de simulations doivent être utilisés pour tracer leurs trajectoires potentielles. »

Le « Comité Camelia » est composé de trois personnes : Mira Adoumier, Nour Ouayda et Carine Doumit, deux réalisatrices et une monteuse. Comme elles ont décidé d’habiter un espace, chaque image, chaque son, chaque mot est multiplié par trois une multitude de fois. En film, installation et poésie, les trois « camélias » traduisent une même vision démultipliée au Beirut Art Center (BAC).

Dialogue polyphonique

Elles ont découvert un jardin apparemment secret où des passages souterrains sont recréés.

Mira Adoumier est une auteure/réalisatrice indépendante basée à Beyrouth et Amsterdam. À travers des œuvres fictives, des essais et des installations vidéo sur les paysages, elle explore la relation entre périphéries et centres, ouvrant des espaces et des strates de réalités possibles et alternatives. Afin de repenser une autre société ? De planter d’autres arbres qui pourraient soutenir la forêt ? Au visiteur de réfléchir lorsqu’il pénètre ces écrans géants où des forêts de différentes régions (Ammouaa, Akkar, Hadath el-Jibbé, Tannourine, Maasser el-Chouf et Barouk pour les plans d’hiver) se côtoient dans une salle du BAC grâce aux films qu’elle a réalisés. « Ces forêts, dit-elle, qui sont à la périphérie de la côte où historiquement tout se passe, nous invitent à monter le plus loin possible pour regarder et mieux repenser le centre. Les arbres nous appellent, nous invitent à pénétrer la forêt et à rejeter les acquis et préjugés erronés et à se refaire une pensée vierge et nouvelle. Une réflexion à la fois sociale et politique, car au Akkar, on a eu tendance à délaisser cette belle région pour ne plus mettre l’accent que sur la côte. Ces paysages permettent de redéfinir le centre qui est actuellement fébrile. D’ailleurs, c’est le travail de ma thèse actuelle à Amsterdam. »

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Nour Ouayda, cinéaste, critique de cinéma et programmatrice, est aussi coéditrice de la revue de cinéma en ligne montréalaise « Hors-champ », et également directrice adjointe de Metropolis Cinema Association à Beyrouth, où elle coordonne également le projet Cinematheque Beirut. À travers ses films et ses écrits, elle a fait des recherches sur la pratique de la dérive au cinéma. « C’est la première exposition publique du collectif, précise Ouayda. On s’est retrouvées nous trois à travailler ensemble sous l’égide de la fleur. »

Pénétrer dans la forêt périphérique pour repenser le centre.

Aller à la recherche de traces

Un dialogue à trois voix qui se nourrissent les unes des autres. « Camélia, poursuit-elle, est une fleur, un arbre, une forêt, une femme multiple. Elle est tout à la fois et un peu nous trois. Nous nous sommes inspirées de la série de Mohammad Soueid Ana fil Camilia qu’il avait filmée dans les années 90. Il était obsédé par une femme de ce nom, mais on n’en sait pas plus sur son identité. Mon installation, plus claire, côtoie les forêts denses d’Adoumier. » Un jardin secret où les plantes et objets font l’objet d’un montage signé Carine Doumit.

La monteuse et scénariste indépendante, basée à Beyrouth et dont le travail comprend une variété de longs-métrages documentaires, d’essais de films et de vidéos expérimentales, a écrit ces textes en s’inspirant du travail « sur la réflexion des forêts filmées par Mira mais aussi des bouts du jardin reconstitué par Nour, et enfin d’autres détails plus personnels que j’ai mélangés », dit-elle. « J’ai donc aidé Mira au montage du film tout en écrivant certains textes qui appuient l’image. Nous travaillons ensemble, mais parfois nous nous lançons la balle l’une à l’autre et chacune de nous la saisit à sa façon. C’est donc un travail de circulation », précise la jeune femme, qui poursuit : « Le geste de montage existe d’ailleurs dans la vidéo ainsi que dans le collage et l’espace, et les trois aiment à travailler sur les archives et les traces. »

Le long des murs invisibles de ce jardin, elles ont tissé les voix polyphoniques de Camélia. Cette femme mystérieuse, entre mythe, fleur et esprit, emmène les trois femmes dans un voyage, mais guide aussi le regard des autres dans un univers bucolique empreint de poésie et de rêves. « Nous sommes, disent-elles ensemble, des artistes qui s’appuient l’une sur l’autre et dont le travail est à la manière d’un catalyseur. » Et pour reprendre une question du texte de Carine Doumit : « Est-ce que le sol retient l’arbre ou l’arbre retient le sol ? » On pourrait répondre que ce « féminin » semble se souder pour mieux s’ancrer dans le sol et le faire refleurir… de camélias.

« Lorsque deux corps gravitent l’un autour de l’autre dans l’espace, le domaine des possibles est relativement prévisible. Lorsque les corps sont au nombre de trois, les interactions deviennent plus complexes et différents types de simulations doivent être utilisés pour tracer leurs trajectoires potentielles. »Le « Comité Camelia » est composé de trois...

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