Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - Égypte

Lourde condamnation pour les « filles de TikTok »

La condamnation à plusieurs années de prison de deux jeunes créatrices de contenus destinés aux réseaux sociaux pour atteinte aux bonnes mœurs a relancé la polémique quant à la répression des droits des femmes dans le pays.

Lourde condamnation pour les « filles de TikTok »

Les influenceuses égyptiennes Hanine Hossam (à gauche) et Mawada el-Adham (à droite) apparaissent en vidéo sur leurs comptes TikTok. Khaled Desouki/AFP

Depuis plus d’un an, « l’affaire des filles TikTok » ne cesse d’être commentée par les médias égyptiens et de diviser les conservateurs et les défenseurs des droits des femmes. Ces jeunes femmes sont accusées par certains de comportement inapproprié et déviant, tandis qu’elles sont considérées par d’autres comme victimes de l’acharnement des autorités égyptiennes qui innocentent trop facilement, en parallèle, harceleurs et violeurs.

Dimanche dernier, l’affaire a de nouveau suscité l’indignation des groupes féministes et des défenseurs des libertés individuelles : accusées d’avoir utilisé « des filles dans des actes contraires aux principes et aux valeurs de la société égyptienne dans le but d’en tirer des avantages matériels », les influenceuses Hanine Hossam et Mawada el-Adham, âgées de 19 et 22 ans, ont été respectivement condamnées par la Cour pénale du Caire à 10 et 6 ans de prison et à une amende de 200 000 livres égyptiennes (environ 12 000 dollars).Sur les réseaux sociaux égyptiens, de nombreuses personnalités publiques et militantes ont critiqué la sévérité du verdict et le manque de clarté des motifs invoqués par les autorités. « Qu’entendent-elles par valeurs sociétales ? Qu’il faut accepter l’injustice tant qu’elle n’est pas dirigée contre soi ? Qu’il faut quitter complètement la politique pour éviter l’oppression ? » a dénoncé sur Twitter l’acteur et activiste égyptien Amr Waked. « La peine est sévère, c’est vrai, mais elle est dissuasive. Le but est qu’elles ne recommencent pas leurs actions. C’est une déviation qu’il faut éradiquer », a défendu de son côté un internaute.

Trafic sexuel en ligne

Ce jugement intervient après une longue série de rebondissements dans cette affaire qui a débuté en avril 2020. Hanine Hossam, étudiante en archéologie à l’université du Caire, suivie par plus de sept millions d’internautes sur l’ensemble de ses réseaux sociaux, publie alors des vidéos dans lesquelles elle apparaît en train de chanter et de danser. Contactée par l’application de vidéos Likee, où les utilisateurs sont rémunérés en fonction du nombre de vues, l’influenceuse accepte de faire 20 vidéos en échange de 400 dollars. L’une d’elles lui vaudra d’être arrêtée. Hanine y invite les jeunes femmes de plus de 18 ans qui la suivent à attirer des personnes sur la plateforme en échange de revenus pouvant aller de 36 à 3 000 dollars. Il suffit pour cela de rejoindre l’application, de diffuser du contenu au moins 30 heures par mois et d’établir des liens avec le public. Il n’en fallait pas plus pour que la police des mœurs arrête la jeune femme, sous l’accusation de trafic sexuel en ligne.

Lire aussi

Le mouvement « #metoo » égyptien, l’autre révolution

Peu après, c’est au tour de Mawada el-Adham de faire les frais de la justice conservatrice égyptienne. La jeune femme aux trois millions de followers sur TikTok, qui a également signé un contrat avec Likee, est arrêtée en mai pour des vidéos dans lesquelles elle danse dans une tenue jugée inappropriée « qui souligne ses formes et ses parties intimes », accusée d’inciter d’autres femmes à suivre son exemple. Condamnées en juillet 2020 à deux ans de prison pour « violation des valeurs familiales », les deux stars des réseaux sociaux sont acquittées en appel en janvier, avant d’être poursuivies à nouveau pour « trafic d’êtres humains ». Lundi matin, Hanine Hossam a publié une vidéo sur TikTok dans laquelle elle implore le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi de réexaminer son cas. « Je suis littéralement en train de mourir. Sauvez-moi. Ma mère est sur le point d’avoir un accident vasculaire cérébral après la décision », a supplié la jeune femme en larmes. Trois autres employés de Likee ont également été condamnés dimanche à six ans de prison et à une amende.

Motifs vagues

Depuis l’arrivée au pouvoir de M. Sissi en 2013, les femmes dénoncent régulièrement la répression de leurs droits qui se serait intensifiée au fil des ans. Fin avril 2020, les autorités du pays ont arrêté au moins 15 personnalités sur les réseaux sociaux pour des motifs vagues comme la violation de la « moralité publique » et « l’atteinte aux valeurs familiales », rapportait en août Human rights watch.

Le verdict rendu dimanche intervient alors que les autorités égyptiennes n’ont toujours pas mené d’enquête transparente et complète sur le viol collectif d’une femme à l’hôtel Fairmont du Caire en 2014, signalé à la justice il y a plus de 10 mois. Plusieurs organisations de défense des droits humains accusent Le Caire de faire traîner les investigations, alors que quatre suspects sont toujours en détention provisoire, et d’avoir au contraire décidé de poursuivre plusieurs témoins de l’affaire, des femmes et des personnes LGBT, sur des accusations fictives. « La justice égyptienne est à deux vitesses. L’acharnement des autorités sur les cas de Hanine et Mawada n’est pas étonnant », déplore une internaute sur Twitter.

Depuis plus d’un an, « l’affaire des filles TikTok » ne cesse d’être commentée par les médias égyptiens et de diviser les conservateurs et les défenseurs des droits des femmes. Ces jeunes femmes sont accusées par certains de comportement inapproprié et déviant, tandis qu’elles sont considérées par d’autres comme victimes de l’acharnement des autorités...

commentaires (2)

En Iran elles auraient été décapitées.....

Eleni Caridopoulou

19 h 51, le 25 juin 2021

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • En Iran elles auraient été décapitées.....

    Eleni Caridopoulou

    19 h 51, le 25 juin 2021

  • Des siècles en arrière! On se croirait en Iran!

    Yves Prevost

    07 h 12, le 24 juin 2021

Retour en haut