Rechercher
Rechercher

Société - Crise

Les avocats maintiennent leur grève de protestation contre l’état de la justice

Le barreau annonce la mise en en place d’un « observatoire de la justice », qui permet à ses membres d’enregistrer les violations constatées durant l’exercice de leurs fonctions.

Les avocats maintiennent leur grève de protestation contre l’état de la justice

Le bâtonnier Melhem Khalaf, entouré de deux membres du Conseil de l’ordre des avocats, Nader Gaspard et Fadi Barakat. Photo Conseil de l’ordre des avocats

Lancé depuis près d’un mois, le soulèvement du conseil de l’ordre des avocats de Beyrouth contre la magistrature est maintenu dans le but de « tenter de relever une justice » que le conseil considère soumise aux parties politiques et aux services de sécurité.Dans ce contexte, le bâtonnier Melhem Khalaf a organisé hier, dans l’amphithéâtre de la Maison de l’avocat, un rassemblement avec plusieurs centaines de membres du barreau pour débattre des difficultés que ces derniers rencontrent dans l’exercice de leur fonction à l’ombre d’« un cumul de dépassements et de violations » qui aiguisent la tension dans leurs relations avec la magistrature, selon un communiqué publié plus tard par les personnes réunies.

Décision a été prise, au cours de ce rassemblement, de maintenir la grève entamée le 28 mai tant que « la magistrature ne corrige pas ses relations avec le conseil de l’ordre », précise le texte. Une décision qui confirme ainsi l’appel lancé vendredi dernier par le conseil de l’ordre pour la poursuite de la grève commencée après l’arrestation manu militari de l’avocat Rami Alleik, qui avait fait l’objet d’une plainte du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) notamment pour outrage à la justice. Le conseil avait vu dans cette appréhension brutale « une violation des lois et un glissement vers l’État policier », reprochant à la magistrature et aux services de sécurité de « manquer de considération » envers l’ordre des avocats. La grève avait été prolongée une première fois le 31 mai après une décision judiciaire d’interdire pendant 2 mois à Me Alleik d’exercer, alors que le conseil de l’ordre affirme que selon la loi il lui revient seul de prendre de telles mesures, puis de nouveau le 4 juin. Quatre jours plus tard, le bâtonnier avait fait part de son retentissant « ras-le bol d’une magistrature soumise, hautaine, improductive, et non libre », lors d’une première rencontre avec ses confrères dans la salle des pas perdus du Palais de justice de Beyrouth. Il y avait appelé à renforcer la justice « face à ceux qui veulent la saper », prônant l’instauration d’une justice indépendante qui serait à l’écart d’ « un cartel politique, judiciaire et sécuritaire ».

Pour mémoire

Quand les deux piliers de la justice ne coordonnent plus


C’est dans le même esprit que la réunion s’est déroulée hier, affirme à L’Orient-Le jour un avocat proche du conseil de l’ordre. « Le bâtonnier et les membres du conseil se sont penchés sur la situation générale du service public de la justice et ont insisté sur la nécessité de la corriger, à travers notamment une réorganisation de l’action judiciaire qui favoriserait les droits des justiciables », affirme-t-il.

« Nous allons poursuivre la grève tant que rien n’est fait pour optimiser les relations avec la magistrature », martèle l’avocat interrogé, soulignant que le conseil s’est dit disposé à se réunir avec toutes les composantes de la justice, en l’occurrence les représentants des magistrats et des auxiliaires de justice, le conseil de l’ordre de Tripoli, ainsi que la ministre de la Justice Marie-Claude Najm, pour remédier à la situation.

Auto-épuration

Des médias avaient évoqué, la semaine dernière, un appel lancé par la ministre à M. Khalaf et au président du CSM, Souheil Abboud, pour se réunir avec elle. Contacté par L’Orient-Le Jour, ce dernier s’est contenté de déclarer qu’« il n’y a pas eu d’accord sur le principe d’une réunion », soulignant cependant que son bureau est ouvert à tout le monde. Selon une source informée, Mme Najm continue à déployer des efforts pour tenter de rapprocher MM. Khalaf et Abboud. Dans les milieux du CSM, on s’étonne du « ton » (virulent) de M. Khalaf, en soulignant que Souheil Abboud avait lancé, depuis l’accès à son poste, une « auto-épuration », en référence aux mesures disciplinaires prises à l’encontre de magistrats corrompus ou réfractaires à la loi.

Ce « nettoyage », qui s’est quelque peu ralenti durant la pandémie du coronavirus, a repris récemment, indique-t-on dans ces mêmes milieux, sans vouloir donner davantage de précisions.

La participation était forte à la réunion tenue à la Maison de l’avocat. Photo conseil de l’ordre des avocats

Pour en revenir à la réunion des avocats, le conseil de l’ordre a annoncé la mise en place d’un « observatoire de la justice », une démarche qui s’inscrit dans le prolongement de son « grand soulèvement » tel qu’il l’a présenté dans son communiqué. Il s’agit d’une plate-forme électronique qui permet aux avocats qui s’y inscrivent d’enregistrer sur leurs téléphones portables toute violation constatée dans l’exercice de leur profession. L’information est ainsi consignée dans la base de données du centre informatique de l’ordre, à partir de laquelle il pourra être procédé à des recours auprès des autorités compétentes.

Le conseil a par ailleurs annoncé avoir réceptionné la mouture de la proposition de loi sur l’indépendance de la justice examinée par la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice. Il doit formuler ses remarques sur le texte avant de le renvoyer au Parlement. « L’appel du bâtonnier semble avoir commencé à porter ses fruits », commente un avocat, sachant que beaucoup de professionnels craignent que le pouvoir politique ne vide de sa substance le texte de loi élaboré depuis plus de trois ans, notamment par des juristes indépendants, au moment de son examen en assemblée plénière.

Lancé depuis près d’un mois, le soulèvement du conseil de l’ordre des avocats de Beyrouth contre la magistrature est maintenu dans le but de « tenter de relever une justice » que le conseil considère soumise aux parties politiques et aux services de sécurité.Dans ce contexte, le bâtonnier Melhem Khalaf a organisé hier, dans l’amphithéâtre de la Maison de l’avocat, un...

commentaires (2)

Tout le monde en vacances.

Esber

17 h 31, le 23 juin 2021

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Tout le monde en vacances.

    Esber

    17 h 31, le 23 juin 2021

  • C'est bien de defendre les privileges corporatistes de la profession d'avocat contre les juges aux ordres des politichiens et les flics arrogants qui se croient au-dessus de la loi. Mais la corruption de la magistrature va beaucoup plus loin et le nettoyage des ecuries d'augias est devenu urgent. J'attends encore le juge courageux qui condamnera a la detention une des crapules qui pillent et appauvrissent sans vergogne les Libanais. "S'il n'y a qu'un seul juste...."

    Michel Trad

    09 h 29, le 23 juin 2021

Retour en haut