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Politique - Éclairage

La loi pour l’indépendance de la justice pourrait devenir prochainement une réalité

Les parlementaires ont achevé l’élaboration du projet de réforme qui permettrait de neutraliser l’ingérence politique dans le système judiciaire. Avant-dernière étape avant qu’il soit soumis au Parlement.

La loi pour l’indépendance de la justice pourrait devenir prochainement une réalité

Le siège du Parlement libanais, dans le centre-ville de Beyrouth. Photo d’archives AFP

Vient-on de franchir un pas vers la fin de la mainmise des pouvoirs politiques sur la justice ? Plus de deux ans et demi après avoir été proposé par un groupe de neuf députés, le projet de réforme destiné à renforcer l’indépendance et la transparence de la justice a enfin fini d’être élaboré par un sous-comité spécial au sein de la commission de l’Administration et de la Justice. Cette proposition de loi confectionnée et portée initialement par le Legal Agenda, une organisation qui œuvre activement pour l’assainissement des instances judiciaires au Liban, doit à présent être approuvée par l’ensemble de cette commission présidée par le député Georges Adwan avant d’être soumise à l’Assemblée nationale. « Ce projet de loi est visionnaire. Il s’est inspiré des applications que l’on trouve dans les démocraties internationales », déclare Georges Adwan à L’Orient-Le Jour. Le député FL a énuméré les avancées qui, selon lui, réduisent fortement le poids de l’ingérence et du copinage qui interviennent habituellement dans la nomination et le travail des juges libanais.

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Le projet confierait à ce titre aux juges la responsabilité d’élire sept des dix membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), alors que le système actuel consacre au gouvernement la tâche d’en désigner huit sur les dix. Du point de vue financier, le CSM se verrait allouer un budget spécifique au sein du budget général attribué au ministère de la Justice. « Cela va permettre de résoudre les gros problèmes financiers auxquels il fait face puisque ses demandes de fonds sont très souvent ignorées », précise Georges Adwan. L’autre évolution concerne l’élargissement du rôle de l’Inspection judiciaire. Celle-ci pourrait exercer une surveillance accrue des juges avec le déploiement d’inspecteurs dans toutes les régions du pays pour suivre les affaires en cours. De plus, les magistrats pourraient dorénavant être évalués par l’Inspection à la lumière d’une série de critères de productivité, comme la présence ou le nombre de jugements prononcés, qui seraient tous réunis dans un fichier retraçant le travail de chaque magistrat. « Ainsi, lors des permutations ou de nominations à des postes vacants, les juges pourraient choisir des magistrats sur la base de critères objectifs de compétence et non en fonction de leur relation interpersonnelle avec untel ou untel », indique Georges Adwan.

Toujours dans cette volonté de réduire l’interférence du politique, l’Inspection judiciaire, après avoir déféré un juge qui aurait commis une faute devant le conseil de discipline, pourrait dans ce projet de loi décider de suspendre le magistrat incriminé sans l’accord du ministre de la Justice comme c’est le cas actuellement. « Je ne suis pas contre que ce pouvoir soit retiré des mains du ministre qui est une autorité politique. Il faut garder les affaires de la justice dans la justice », affirme la ministre sortante de la justice à l’OLJ. Toutefois Marie Claude Najm ignore ce qui a été finalement retenu ou modifié de la proposition initiale par le sous-comité spéciale qui n’a toujours pas rendu son texte public. Elle rappelle avoir porté la proposition de réforme à bout de bras, et insisté auprès de la commission que si certains points du projet initial étaient modifiés à la suite des discussions, il faudrait absolument veiller à ne pas toucher l'essence du projet.

Une commission lente et opaque

Artisan de la réforme avec le Legal Agenda qu’il dirige, Nizar Saghieh se méfie de l’apologie du projet de loi faite par le député Georges Adwan, lui qui avait déjà déclaré en 2019 que celle-ci serait « l’année de l’indépendance de la justice ». Interrogé par L’OLJ, l’avocat militant s’est refusé à commenter toutes les avancées mises en avant par le président de la commission. Tout comme la ministre de la Justice, il n’a toujours pas eu accès aux propositions formulées par les parlementaires. « Tant que nous n’avons pas eu le texte, tout cela n’est pour nous que des paroles », affirme Nizar Saghieh. « Pourtant, c’est maintenant que l’on peut encore intervenir et apporter des rectifications si nécessaire. » Plusieurs reproches sont adressés à l’encontre du sous-comité qui a le projet entre les mains depuis 2019. Tout d’abord la lenteur de son travail. Elle est justifiée par le président de la commission par les événements liés à la révolution, l’épidémie du coronavirus et l’explosion du port de Beyrouth qui aurait détruit de nombreux bureaux. « Mais malgré tout nous avons travaillé intensément pour terminer ce projet de loi. Le travail qu’on a consacré prouve que l’on est déterminé à le soumettre », défend Georges Adwan.

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Mais des soupçons d’opacité pèsent sur ces travaux. Le Legal Agenda, qui n’a été convié qu’à un seul débat qu’il a boycotté, a critiqué la méthodologie de ces commissions parlementaires « secrètes » dont les discussions sont inaccessibles au public. Des pratiques contraires aux principes de la démocratie, estime l’ONG qui appelle à assainir le processus législatif. « Nous avons soumis le projet aux députés, ils ont le devoir de nous informer de ce qu’ils en ont fait », affirme à L’OLJ Nizar Saghieh. L’annonce de Georges Adwan et du prochain examen du texte par la commission de la Justice est tout de même un pas important. Elle donne au moins aux acteurs de la société civile qui militent depuis longtemps pour la cause et à celles et ceux qui ont porté la voix d’une justice indépendante pendant la révolution de 2019 le mérite d’avoir mis le projet de réforme dans l’agenda du Parlement. La loi pour une indépendance de la justice devient bel et bien une affaire tangible mais son adoption par l’Assemblée n’est pas non plus une garantie de son application.

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Des organisations comme le Legal Agenda insistent pour une inspection minutieuse de tous les articles rédigés par les députés à la lueur de standards internationaux. « Les avancées énumérées par le député Adwan méritent beaucoup de réflexions, on ne peut pas les commenter comme ça. Le domaine de la justice est très délicat, il faut pouvoir étudier toutes les nuances. Il y a toujours un petit piège qui peut tout annuler », insiste Nizar Saghieh. À l’orée d’une aussi vaste réforme, aucune faille ne saurait être tolérée par les organisations qui veilleront à ce que toutes les garanties de l’indépendance de la justice y figurent. À l’instar de ce qui a été fait en Tunisie et dans les pays de l’Europe de l’Est après l’effondrement de l’URSS, le Legal Agenda milite pour qu’elle passe au crible de la Commission de Venise, instance européenne dont la mission est d’aider ceux qui souhaitent mettre leurs structures juridiques et institutionnelles en conformité avec les normes et l’expérience internationales.

Vient-on de franchir un pas vers la fin de la mainmise des pouvoirs politiques sur la justice ? Plus de deux ans et demi après avoir été proposé par un groupe de neuf députés, le projet de réforme destiné à renforcer l’indépendance et la transparence de la justice a enfin fini d’être élaboré par un sous-comité spécial au sein de la commission de l’Administration et de la...

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RÉDUISENT LE POIDS DE L'INGÉRENCE ! "À VISAGE DÉCOUVERT" VOUS VOULIEZ DIRE ?

Gebran Eid

11 h 47, le 20 mai 2021

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Commentaires (1)

  • RÉDUISENT LE POIDS DE L'INGÉRENCE ! "À VISAGE DÉCOUVERT" VOUS VOULIEZ DIRE ?

    Gebran Eid

    11 h 47, le 20 mai 2021

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