Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - « Je vous parle de Gaza »

Rasha : Je dis aux enfants de ne pas pleurer, mais au fond de moi, je suis cassée

Après sept jours de conflit entre l’État hébreu et le Hamas, les bombardements contre la bande de Gaza, sous blocus depuis 2007 et qui abrite près de deux millions de civils, se font de plus en plus intenses. Un territoire où plus de la moitié de la population a moins de 18 ans et où le chômage chez les jeunes est rampant. Une ville, sous le joug du Hamas, où les habitants ont désormais le sentiment d’être pris pour cible à n’importe quel moment, de jour comme de nuit, sans pouvoir espérer fuir. Au moins 200 personnes, dont 59 enfants, ont péri dans l’enclave palestinienne depuis le 10 mai. « L’Orient-Le Jour » a décidé de donner la parole à ces Gazaouis qui témoignent à la première personne de leur quotidien sous un déluge de feu israélien. Chaque jour, pendant une semaine, un homme ou une femme racontera sa vie dans l’enfer de Gaza. Aujourd’hui, le témoignage de Rasha Abushaban, 35 ans, travailleuse humanitaire.

Rasha : Je dis aux enfants de ne pas pleurer, mais au fond de moi, je suis cassée

Rasha Abushaban, 35 ans, travailleuse humanitaire. Photo DR

« Mes neveux et nièces me demandent tout le temps ce qui se passe. “3amté (ma tante), pourquoi les Juifs font ça ? quand ça va s’arrêter” ? Je ne sais pas quoi leur répondre, alors je leur dis que les bombes sont des feux d’artifice, qu’il ne faut pas en avoir peur. Mais peut-être qu’il faudrait leur dire la vérité parce qu’ils seront témoins, comme moi, d’autres guerres de ce genre à l’avenir, puisque la communauté internationale ne bouge pas un petit doigt pour arrêter Israël. Je dis aux enfants de ne pas pleurer. Mais au fond de moi, je suis cassée. Je pleure, je hurle et je tremble comme eux lorsque les bombes nous font sursauter en pleine nuit. Celle de samedi à dimanche a été la pire de ma vie. J’habite le quartier Rimal à Gaza, et depuis la fenêtre de ma chambre, j’ai pu voir des obus tomber sur des bâtiments gouvernementaux qui nous entourent. Lorsque les bombes tombent, tout l’immeuble se met à trembler. On entend aussi les enfants de mes frères, qui habitent l’étage du dessus, hurler. Et quand ça s’arrête, je reste sur le qui-vive, dans une angoisse latente. J’ai mal au dos, aux épaules, à la tête et au ventre tout le temps depuis une semaine.

Lire aussi

Omar : C’est terrible de voir son ancien immeuble se faire pulvériser en direct à la télévision

Cette nuit-là, j’ai retrouvé ma mère au sol. Elle était tombée du lit. Mon père était assis dans le salon. Je les ai ramenés tous les deux dans le couloir. Ils sont vieux et j’ai toujours peur pour eux. J’essaie de les distraire, de dire à ma mère qu’elle me verra mariée et avec des enfants. Ils se sentent coupables d’être encore en vie alors que des gens proches de chez nous ont péri. Je me suis mise à regarder les nouvelles sur mon téléphone. Je ne reconnais plus ces rues que j’ai tellement arpentées, aujourd’hui défigurées. Ma ville a changé de visage. Mais je découvre surtout des noms que je connais parmi les victimes. Sur mon fil Facebook, je ne compte plus les messages de condoléances sur les pages de mes amis ou de leur familles. C’est un crève-cœur. J’ai fait ma prière du fajr puis je me suis écroulée de fatigue. À mon réveil, je devais travailler pour gérer, entre autres, la question des déplacés, pour leur trouver des abris ou coordonner au niveau alimentaire. Comment aider au mieux la population affectée alors qu’on en fait soi-même partie ? Il faut vraiment qu’un cessez-le-feu soit décrété parce que beaucoup de familles n’ont pratiquement plus de provisions à la maison. C’est la course pour trouver une pharmacie ouverte. J’ai besoin de produits hygiéniques mais je n’ai pas accès aux choses basiques. Le soir venu, mon corps et ma tête se mettent en mode survie et j’ai du mal à m’endormir en pensant à ce qui nous attend. Alors je rentre dans des salles sur le réseau social Clubhouse, où je peux témoigner de ce qui se passe ici. Mais je reste fébrile et je regarde régulièrement à travers la fenêtre. J’ai le sentiment que les vies palestiniennes ne comptent pas... »

« Mes neveux et nièces me demandent tout le temps ce qui se passe. “3amté (ma tante), pourquoi les Juifs font ça ? quand ça va s’arrêter” ? Je ne sais pas quoi leur répondre, alors je leur dis que les bombes sont des feux d’artifice, qu’il ne faut pas en avoir peur. Mais peut-être qu’il faudrait leur dire la vérité parce qu’ils seront témoins, comme moi, d’autres...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut