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Culture - Septième art

Lorsque le cinéma est une double vision du réel

Premier long métrage du jeune réalisateur libanais Karim Kassem, « Only the Winds » (« Seuls les vents ») propose une expérience cinématographique nouvelle à l’identité singulière.

Lorsque le cinéma est une double vision du réel

L’affiche du film de Karim Kassem. Photo DR

Un cinéaste, établi à New York, revient au Liban pour mener des recherches dans une école pour aveugles située dans la montagne libanaise afin de proposer une idée de film. Lorsqu’il arrive à Beyrouth, il est atteint d’une maladie chronique qui affecte ses yeux. Contraint après son opération de les couvrir avec des patchs, il se lance dans une introspection pour essayer de comprendre ce qu’est vraiment la cécité et qui est vraiment aveugle. C’est en commençant à faire des repérages pour trouver l’Institut pour aveugles et aller à leur rencontre que le réalisateur va essayer de comprendre la nature humaine. Qu’elle est donc sa quête ? Le but de son voyage ? En visitant des classes pour trouver les personnages de son film, le cinéaste, qui interprète son propre rôle, commence à se rapprocher de Lynn, une aveugle de 10 ans qui rêve de devenir chanteuse. L’imagination de la petite fille l’emmène au-delà des frontières du visible et fait voguer l’imaginaire de Karim Kassem sur ce qu’il y a de l’autre côté du miroir.

Changement de direction

Tourné un peu avant la révolution du 17 octobre, Only the Winds a déjà été retenu, pour sa singularité, en Suisse par le festival Visions du réel et aux Pays-Bas par le Rotterdam Film Festival.

Né à Beyrouth il y a trente ans, Karim Kassem signe un premier long métrage intrigant. « Dans ce film, je n’impose rien, je pose des énigmes et laisse toutes les options ouvertes. Chacun peut l’interpréter à sa façon », dit-il, revendiquant l’absence du sujet au sens traditionnel du terme. Après des études de Communication Arts à la Lebanese American University (LAU) de Beyrouth, le jeune homme s’était envolé pour New York d’où il continuera à faire la navette avec le Liban. Après les films publicitaires et les clips musicaux, il s’oriente vers la mise en scène. Ce film est une occasion pour lui de se questionner et d’interroger également le public.

Un premier long métrage pour Karim Kassem, réalisateur de trente ans. Photo DR

Une quête sans fin

Ce long métrage au format hybride (ni documentaire ni fiction) a des contours insaisissables, que ce soit dans le lieu ou dans le temps, et tangue entre le réel et l’utopie. Même si le script était bien élaboré, le cinéaste a laissé autant d’espace que possible à l’incertitude et à la spontanéité. « J’ai travaillé de très près avec le directeur de la photographie Mohammad Hissi qui filmait lui-même quand j’avais les yeux bandés. Il était donc mes yeux. Pour moi, une seule priorité comptait : toujours placer les acteurs au centre du cadre », explique Karim Kassem. Pour le réalisateur, la perte de la vue pendant quelques jours a été bien sûr l’étincelle qui a initié cette aventure cinématographique. Autre particularité du film : Lynn, l’actrice principale, croyait qu’elle jouait déjà un rôle, alors qu’elle était en phase de préparation de ce rôle. « Ce film a un seul sujet, qui est la vie, voire l’existence ou la conscience d’exister. Moi-même, durant le tournage, je changeais ma quête de directions. Je savais où aller, mais les moyens d’y arriver étaient permutables », souligne le cinéaste.

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« Quand on pense à la vie, on se demande ce que signifie “l’être humain” et quel but avons-nous sur cette planète », dit Karim Kassem, épris de métaphysique. « Le cinéma nous permet d’expérimenter la nature de notre être et de l’assumer », poursuit-il. « La cécité était donc pour ce film spécifique un angle qui repose sur un processus méditatif dans lequel je voulais me plonger. Pour écouter davantage, remettre en question mes propres recherches et mon identité dans un cadre d’incertitude. Comme la révolution se déroule en parallèle de ce récit non linéaire, elle semble être l’écho de nos cœurs et de nos esprits pendant que nous pensons à notre avenir lointain. Des questions qui n’ont pas nécessairement de réponses, tout comme l’Univers n’a aucune obligation de sens. » « La cécité, poursuit le trentenaire, nous permet de penser au-delà d’une réalité normale, au-delà de la couleur et même au-delà du son. »

Aussitôt cette aventure terminée (pour lui, car le film continue de voyager vers d’autres festivals), le cinéaste est déjà passé à deux autres projets.

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« Mon rêve a toujours été de tourner un film muet – tout comme Maroun Baghdadi qui en rêvait mais qui n’a jamais eu l’occasion de le faire. Akhtabout (La pieuvre), qui va se terminer bientôt, en est un. Il parle de l’explosion du port. Encore une fois, d’une manière métaphysique, précise-t-il. Je venais d’arriver de l’aéroport et j’étais en train de m’installer chez moi lorsque l’explosion a eu lieu. Je sais qu’il était presque indécent de faire un film au moment même, mais c’était mon instinct de survie car j’ai failli mourir ce jour-là. J’ai choisi de faire ce film muet car la parole n’avait pas sa place à ce moment-là. »

Un cinéaste, établi à New York, revient au Liban pour mener des recherches dans une école pour aveugles située dans la montagne libanaise afin de proposer une idée de film. Lorsqu’il arrive à Beyrouth, il est atteint d’une maladie chronique qui affecte ses yeux. Contraint après son opération de les couvrir avec des patchs, il se lance dans une introspection pour essayer de comprendre...

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