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Moyen-Orient - Éclairage

Le doute plane sur les causes de la mort de deux hauts commandants des gardiens de la révolution

Les autorités iraniennes ont donné plusieurs versions sur le décès de deux généraux du corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) à deux jours d’intervalle.

Le doute plane sur les causes de la mort de deux hauts commandants des gardiens de la révolution

Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad (au centre) assiste avec le commandant des gardiens de la révolution Yahya Rahim Safavi (à droite) et le haut responsable du Bassidj Mohammad Hejazi (à gauche) à un défilé organisé par la milice du Bassidj au mausolée de l’ayatollah Khomeyni, juste à l’extérieur de Téhéran, en novembre 2006. Atta Kenare/AFP via Getty Images

Il s’agirait, selon plusieurs observateurs, de la perte la plus importante enregistrée par le corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) depuis l’assassinat, en janvier 2020, de Kassem Soleimani, commandant de la branche extérieure de l’organisation, la force al-Qods. Les médias iraniens ont annoncé le 18 avril la mort du général de brigade Mohammad Hosseinzadeh Hejazi, 65 ans, qui officiait comme chef adjoint de la force al-Qods. Selon le communiqué des gardiens de la révolution, le haut commandant serait mort d’une crise cardiaque. Pourtant, Mohammad Hosseinzadeh Hejazi y est qualifié de « martyr », laissant entendre qu’il serait mort dans l’exercice de ses fonctions. S’exprimant ce jour-là, le porte-parole et responsable des relations publiques du CGRI, Ramezan Sharif, a indiqué que la principale cause de la mort de Hejazi était son exposition à des armes chimiques durant la guerre Iran-Irak des années 1980, d’où le terme de « martyr ». Une version qui a semé le doute chez de nombreux citoyens iranien, alors que le guide suprême Ali Khamenei et le ministre de la Défense Amir Hatami se sont contentés par la suite de déclarer que le chef adjoint était « décédé ».

« Les gens meurent de causes naturelles, même dans les régimes autoritaires. Cela est particulièrement vrai pour les anciens combattants ayant des antécédents d’exposition aux armes chimiques dans leur jeunesse », observe Ali Alfoneh, spécialiste de l’Iran et chercheur auprès de l’Arab Gulf States Institute basé à Washington. « Cependant, comme les régimes autoritaires mentent systématiquement sur tout, l’opinion publique n’est ni disposée ni capable de croire à la vérité occasionnelle », poursuit le chercheur.

Mais c’est surtout la publication sur Twitter du fils d’un commandant reconnu du CGRI à Ispahan tué au cours de la guerre Iran-Irak qui a conduit à des spéculations sur la cause véritable de la mort de Hejazi. « La cause de la mort de Hejazi n’est pas une maladie cardiaque », a écrit Mohammad-Mehdi Hemmat dans un tweet qui comprenait le hashtag #martyr ainsi qu’une photo de lui avec Mohammad Hosseinzadeh Hejazi. Un tweet qui a été supprimé depuis.

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Hejazi a été propulsé au commandement adjoint de la force al-Qods l’an dernier, à la suite de l’arrivée du commandant en chef Esmaïl Qaani, après la mort de Soleimani. « En sa qualité d’adjoint de la force al-Qods, lui et le commandant en chef Qaani étaient engagés dans une réorganisation institutionnelle après l’assassinat de Soleimani », note Ali Alfoneh. Sur les réseaux sociaux iraniens, certains utilisateurs ont notamment suggéré que Hejazi avait été tué dans le gouvernorat de Ma’rib, au Yémen, alors que ce dernier aurait entretenu des relations avec les mercenaires iraniens au Yémen, au Liban et en Syrie. « Il a joué un rôle déterminant dans la politique étrangère de l’Iran au Liban ainsi qu’en Syrie », observe Ardavan Khoshnood, spécialiste de l’Iran et professeur associé à l’Université de Lund, en Suède.

Ayant rejoint le CGRI en mai 1979 après la victoire de la révolution islamique, Mohammad Hosseinzadeh Hejazi a occupé plusieurs postes importants au sein de l’organisation, parmi lesquels celui de commandant de la force intérieure des gardiens de la révolution. « Hejazi était un bâtisseur d’institutions qui a réorganisé la milice Bassidj en Iran pour réprimer avec succès les manifestations politiques » antirégime de 2009, explique Ali Alfoneh, selon qui « il a essayé de répliquer le modèle Bassidj en Syrie, mais avec moins de succès ». Il aurait notamment « géré efficacement les usines d’assemblage de missiles du Hezbollah », poursuit le chercheur.

Un autre général mort

Les rumeurs autour du décès de Hejazi ont d’autant plus fait parler d’elles qu’un autre général de brigade, Mohammad Ali Haghbin, a également trouvé la mort deux jours plus tard. Commandant au sein de la force al-Qods de la province du Nord iranien de Guilan, il avait notamment été stationné en Syrie et en Irak, et avait servi sous le commandement de Soleimani. Selon les médias d’État, Haghbin serait décédé du Covid-19, alors que le nombre quotidien de morts liées à l’épidémie a récemment passé la barre des cent. Après l’annonce du décès de Mohammad Ali Haghbin, plusieurs images montrant le commandant allongé dans un lit d’hôpital, branché à un appareil respiratoire, les deux jambes entièrement couvertes de bandage, ont circulé sur les réseaux sociaux. Dans la foulée s’est propagée la rumeur selon laquelle il aurait succombé à des blessures subies sur un théâtre de guerre, comme en Syrie ou au Yémen. La photo a été effacée depuis.

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D’autres rumeurs mettent en avant la responsabilité d’Israël dans ces morts, qui aurait cherché à éliminer deux personnalités actives en Iran, mais aussi au Liban et en Syrie. Depuis le déclenchement en 2011 de la guerre en Syrie, l’État hébreu aurait mené des centaines de frappes contre des positions du pouvoir syrien et de ses alliés, dans l’objectif d’empêcher la Syrie de devenir la tête de pont de l’Iran.

Alors que Hejazi est, aux yeux d’Israël, le principal artisan du projet iranien de fabrication de missiles à guidage de précision pour le Hezbollah, la responsabilité d’Israël dans sa disparition serait tout particulièrement pointée du doigt. Selon plusieurs médias israéliens, Hejazi aurait également été l’un des planificateurs présumés de l’attentat meurtrier à la voiture piégée de 1994 contre le centre juif Amia de Buenos Aires qui a coûté la vie à 84 personnes.« Compte tenu de l’augmentation des tensions israélo-iraniennes, de la centralité du conflit syrien dans les attributions de Hejazi – notamment son lien avec le programme des missiles à guidage de précision – et de Haghbin – notamment ses performances sur le champ de bataille en Syrie – et de la publicité accrue concernant les opérations israéliennes contre des cibles iraniennes en Syrie, une éventuelle responsabilité d’Israël ne peut être écartée purement et simplement, mais ne peut être non plus affirmée en l’absence de preuves », note Behnam Ben Taleblu, chercheur à la Fondation pour la défense des démocraties (FDD).

Aux yeux de plusieurs observateurs, ces deux morts sont un coup dur pour le CGRI, et ce d’autant plus qu’elles surviennent plus d’un an seulement après l’assassinat de Soleimani par une frappe de drone ordonnée par l’ancien président américain Donald Trump. « Il n’y aura pas de vide au sein du leadership. Cpendant, si la mort de Hejazi et peut-être aussi celle de Haghbin sont dues à une erreur, alors la force al-Qods a un gros problème et nous assisterons à une purge de sécurité dans l’organisation », estime Ardavan Khoshnood, pour qui « bien que l’Iran dispose d’un appareil de renseignements puissant, complexe et compliqué, sa communauté de contre-espionnage est très pauvre ».

Ces derniers mois, la République islamique semble ainsi avoir essuyé plusieurs revers, parmi lesquels l’assassinat en décembre dernier de l’une des figures-clés du programme nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh, imputé à Israël, ainsi que l’attaque ce mois-ci contre son usine d’enrichissement d’uranium à Natanz, dont l’État hébreu est également soupçonné d’être l’auteur. « Certes, il y a un travail intensif pour projeter une image de force, mais la cohésion et l’agressivité du CGRI ne doivent pas être confondues avec de l’invincibilité », observe Behnam Ben Taleblu.

Alors que le successeur de Hejazi, Mohammad Reza Fallahzadeh, a été nommé dans les 24 heures suivant sa mort, le nouveau chef adjoint de la force al-Qods semble être l’un des commandants supérieurs les moins connus du CGRI. Ce dernier, qui a également servi dans la guerre Iran-Irak, a notamment participé à la bataille d’Alep en Syrie, en 2016. « Sous Esmaïl Qaani, l’organisation opte pour une empreinte médiatique beaucoup plus petite que sous son prédécesseur, Kassem Soleimani. Celui qui est commandant adjoint est susceptible de faire de même », estime le chercheur.

Il s’agirait, selon plusieurs observateurs, de la perte la plus importante enregistrée par le corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) depuis l’assassinat, en janvier 2020, de Kassem Soleimani, commandant de la branche extérieure de l’organisation, la force al-Qods. Les médias iraniens ont annoncé le 18 avril la mort du général de brigade Mohammad Hosseinzadeh Hejazi, 65...

commentaires (4)

"... Hejazi aurait également été l’un des planificateurs présumés de l’attentat meurtrier à la voiture piégée de 1994 contre le centre juif Amia de Buenos Aires ..." - qui croit encore à cette fable?

Gros Gnon

14 h 02, le 26 avril 2021

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Commentaires (4)

  • "... Hejazi aurait également été l’un des planificateurs présumés de l’attentat meurtrier à la voiture piégée de 1994 contre le centre juif Amia de Buenos Aires ..." - qui croit encore à cette fable?

    Gros Gnon

    14 h 02, le 26 avril 2021

  • UN BON ET SÉRIEUX REPORTAGE SE FAIT SUR PLACE -EN IRAN - ET NON À PARTIR D'UN BUREAU A BEYROUTH. SI ON A PEUR D'Y ALLER (??) C'EST QU'ON NE SAIT RIEN. DE PLUS SI LA RÉFÉRENCE EST LA BBC OU CNN OU FRANCE 24 C'EST LA CATASTROPHE.

    aliosha

    11 h 57, le 26 avril 2021

  • Au prochain tremblement de terre en Iran, les enturbannés vont désigner Israël comme responsable et vont crier vengeance. Et notre barbu 6-feet-under fera la même chose, l'index levé. Cela fait des années que les forces iraniennes et leurs collègues syriens se font taper dessus quasi quotidiennement par Israël et la seule réaction de ces nullards est d'ériger des statues de leurs martyrs et de menacer le doigt levé.

    Robert Malek

    03 h 06, le 26 avril 2021

  • Enfin de bonnes nouvelles ! que dieu maudisse les assassins pour l'éternité. AMEN

    Le Point du Jour.

    01 h 00, le 26 avril 2021

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