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Lifestyle - La Mode

Les caftans fous d’Amal Azhari

D’une simplicité intemporelle et universelle, vaste, confortable, adapté aux variations climatiques, le caftan est le vêtement le plus répandu au monde. Après avoir fait des études en design graphique à l’Université Notre-Dame de Louaïzé, Amal Azhari décide d’utiliser les grandes toiles mouvantes du caftan pour y imprimer sa vision.

Les caftans fous d’Amal Azhari

Amal Azhari, « Renaissance », « Sleeping With the Enemy ». Photos DR

On est en 2005 quand Amal Azhari fonde sa maison de couture. L’année suivante, elle défile déjà en « off » de la Semaine de la mode parisienne, et les commandes pleuvent. La griffe se confirme, se répand dans une vingtaine de pays et, dès lors, pas un événement, un mariage, une beach party, une soirée d’avant-crise où l’on ne reconnaisse l’une ou l’autre de ses créations, portée par des élégantes de tous crins, amusées de se prêter au jeu des improbables mixages culturels propres à la créatrice. Le caftan est le vêtement qui sied à toutes les femmes, quelle que soit leur silhouette, et qui s’adapte à tous les moments de la journée, personnalisable à souhait. Sa saison de prédilection est forcément l’été où, vaporeux, loin de la peau, il joue la fraîcheur et la sensualité. Voici donc venue la saison où Amal Azhari caparaçonne ses chevaux de bataille. Une nouvelle collection est prête à quitter l’atelier-showroom refait à neuf de Saïfi où s’activent à nouveau une vingtaine de petites mains. La structure est modeste, mais la clientèle fidèle. Après des lignes où s’est parfois faufilée une série de manteaux en néoprène de couleurs vives brodés d’un impressionnant dragon dans le dos et doublés de sérigraphies de dessins d’enfants, après des collections borderline dont l’une était même baptisée « La cage aux folles », après, surtout, la double explosion du 4 août où la créatrice a eu les deux jambes profondément lacérées par la chute de la verrière haute de 14m du local niché dans une maison traditionnelle, voici, émergeant dans un froissement de papier de soie, la collection courage.

Surmonter les cauchemars

Blessée, traumatisée, ayant vu la mort en face comme des centaines de milliers d’habitants de Beyrouth, Amal Azhari obéit à ce réflexe de fuite qui compense celui qu’on n’a pas pu avoir à temps. Elle va poser ses bagages à Istanbul où, dans les limbes et l’entre-deux d’une réalité impossible à fuir, travailler sera son unique planche de salut. Le résultat de cette période laborieuse, dents serrées, va s’appeler – sans surprise – Renaissance, comme presque tout ce qui a été produit par des artistes et créateurs libanais depuis le fatidique 4 août. Pendant ce temps, atelier et boutique sont en reconstruction et la créatrice soigne ses cicatrices en attendant de surmonter les cauchemars qui la poursuivent. Elle ne tiendra pas plus longtemps loin de sa source. La voilà de retour, juste parce que c’est plus fort qu’elle. Avec deux fois plus de malles qu’à son départ, elle se prépare à de nouveaux commencements.

Des ponts de soie entre deux cultures

Celle qui s’est mis en tête de participer à la pérennisation du caftan en le modernisant au point de lui faire refléter, non seulement l’air du temps, mais l’instant présent, va remettre au goût du jour la technique d’impression ottomane de l’ikat en l’appliquant à des illustrations de son cru, visages, silhouettes inspirés de la toile de Jouy ou compositions abstraites. La voilà une fois de plus créant des ponts de soie entre Orient et Occident avec une audace débridée, n’écoutant que ses muses tantôt folles, tantôt tristes, mais toujours héroïques, et traçant sans filtre les figures qu’elles lui dictent : entre les lignes de l’ikat se profilent des visages consternés et des regards sombres.

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La mode n’a pas son mot à dire dans l’infinie liberté du caftan. Une capsule va même trouver sa place au sein même de cette collection patrimoniale. Elle porte un titre qui définit la vie des Libanais postrévolution, postexplosion, momentanément résignés par impuissance mais n’en pensant pas moins : Sleeping With the Enemy. On y décèle des fleurs penchées et des oiseaux tristes dans des cages ouvertes dont ils ne trouvent pas la porte, et des ruines somptueuses comme des vanités. Tout cela est exprimé dans une palette joyeuse : la vie continue et l’histoire peut réserver des surprises. Ces caftans, comme les tapis que filaient les femmes des tribus anciennes, racontent le vécu de celle qui les compose. Ce qui ne les empêche pas, avec leur allure 70’s, de répondre parfaitement au besoin de confort, de légèreté et de liberté de notre humanité de l’an 20, accablée par plusieurs mois de pandémie.

Instagram: @amalazhariofficial

On est en 2005 quand Amal Azhari fonde sa maison de couture. L’année suivante, elle défile déjà en « off » de la Semaine de la mode parisienne, et les commandes pleuvent. La griffe se confirme, se répand dans une vingtaine de pays et, dès lors, pas un événement, un mariage, une beach party, une soirée d’avant-crise où l’on ne reconnaisse l’une ou l’autre de ses...

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