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Culture - Spectacle

Ali Chahrour : Le retour sur scène est pétri d’une immense émotion

Après plus d’un an d’absence et d’éloignement, le danseur chorégraphe réunit à nouveau son équipe pour finaliser une création entamée en 2019. « Kama rawatha oummi » (« Du temps où ma mère racontait ») sera présentée en première mondiale le 29 avril 2021, marquant la Journée internationale de la danse, au théâtre al-Madina, à Beyrouth.

Ali Chahrour : Le retour sur scène est pétri d’une immense émotion

« Du temps où ma mère racontait », de Ali Chahrour : un hommage rendu à toutes les femmes. Photo Myriam Boulos

« Qui peut faire appel au cœur des hommes avec plus d’efficacité que la femme ? » disait le grand Mahatma Gandhi. Dans sa nouvelle performance présentée après sa trilogie sur la mort, et après un an et demi d’absence, ce sont « Elles » que le chorégraphe Ali Chahrour a décidé de chanter et de danser. Ces femmes qui, par leurs combats internes, par l’intelligence du cœur et par leur bon sens, réussissent à braver toutes les difficultés et à surmonter toutes les tragédies. Ce sont ces femmes qui dans leur âme et dans leur chair prennent sur elles pour aider chaque membre de la famille à traverser les aléas de la vie, à aller toujours plus loin, au bon endroit. « On ne sait rien des petites guerres internes logées dans les demeures de Beyrouth et de sa banlieue », relève Ali Chahrour qui a décidé de parler d’elles et pour elles dans Kama rawatha oummi (Du temps où ma mère racontait) présentée en première mondiale le 29 avril, à l’occasion de la Journée internationale de la danse, au théâtre al-Madina, à Beyrouth.

Hassan et Abbas, deux destins opposés

Nous sommes loin de la fiction, presque dans le théâtre-réalité. D’abord, le récit de Fatima, la tante de Ali, qui a vu son fils partir renouveler ses papiers en Syrie et qui n’en est jamais revenu. Nous sommes en 2013, et la mère du disparu ne fera jamais son deuil, bien que les autorités syriennes lui aient renvoyé ses affaires personnelles en lui affirmant qu’il était mort. Mais Fatima attend et se consume. Et un jour, sa douleur aura eu raison de son cœur, il flanche sans jamais avoir pu rebattre à l’unisson avec son fils. Fatima était atteinte d’un cancer, mais pour Ali Chahrour, la raison de sa mort est tout autre. « Je ne crois pas, affirme-t-il, que ma tante Fatima soit morte d’un cancer des poumons. Ce qui a eu raison d’elle, c’est la perte de tout espoir de retrouver son fils Hassan. Une autopsie post mortem aurait sûrement révélé que son cœur n’était plus là et qu’il a été simplement extirpé. »

Pour mémoire

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Abbas a eu plus de chance que Hassan. Sa mère Leila s’est farouchement opposée à son départ pour le combat. Elle l’a quelque part sauvé. Mais le récit de cette mère et son fils, présents tous les deux sur scène, narre l’histoire d’un enfant sauvé par sa mère et par la danse.

Au moment de prendre la décision de partir, Ali avait tenté de dissuader son cousin. « Viens danser avec nous, retrouver l’amour sur scène et vivre une aventure qui te grandira. Ou pars mourir », lui avait-il dit. Abbas a alors fait son choix : ce sera la vie sur les planches. « Le faire danser sur scène avec sa mère, dont il est très proche, dans une gestuelle tendre et affectueuse, était un défi. » Pour Ali Chahrour, qui indique avoir très peu travaillé avec des professionnels de la danse, chaque corps est porteur de possibles. « Il n’est pas nécessaire d’avoir une technique ou des heures d’apprentissage derrière soi, j’aime que chaque corps me dévoile ses douleurs et ses joies, à ma charge de les transformer. Aucune de mes chorégraphies n’est minutée comme une horloge. Pour moi, tout ce que l’on offre sur les planches est vrai. »

Pour Ali Chahrour qui indique avoir très peu travaillé avec des professionnels de la danse, chaque corps est porteur de possibles. Photo Myriam Boulos

Ses femmes sont toutes les femmes

Outre le fait qu’elle soit maman, la femme joue un rôle fondamental dans la cellule familiale. Elle en est le moteur et la base, et lorsque Ali Chahrour parle des femmes de sa famille, c’est un hommage rendu à toutes les femmes. « On ne parle pas assez de leurs combats et de leur résilience, surtout dans cette partie du monde, le Moyen-Orient. » Et d’ajouter : « Toutes les maisons ont leurs histoires internes, mais le pays et ses affres nous ont emportés ailleurs, là où rien n’a de sens. Ce spectacle est un travail sur la mémoire et sa survie, sur la préservation des souvenirs. Certaines familles persistent et demeurent pour raconter et chanter sur scène. Elles dansent pour subsister et conserver ce qui reste. » « Mais le spectacle, ajoute Ali Chahrour, demeure empreint d’une violente réalité à laquelle il nous faut faire face, et le public avec nous. »

Le retour à la vie

Quel acteur, quel danseur, quel chanteur, quel musicien n’a pas rêvé ce moment ? Retrouver les planches et le public après le confinement. « Le retour sur scène est pétri d’une immense émotion, avoue le chorégraphe et danseur, nous étions tiraillés entre nous enlacer ou nous agenouiller pour sentir les planches. La traversée du désert fut très longue et éprouvante. Les espaces d’entraînement étaient détruits, nos voix étouffées, nos corps paralysés, et nous avions oublié la chaleur et l’odeur du théâtre. » Ali Chahrour poursuit sur sa lancée : « Nous sommes certes de retour, mais nous ne sommes pas indemnes. Vidés de l’intérieur, ce n’est plus la même passion qui nous anime. Il faudra du temps pour panser nos blessures. Outre la pandémie, ce pays nous a tout pris. Surtout notre joie de vivre ! » D’ailleurs, les événements politiques et sociaux n’échappent pas au chorégraphe. Ils seront relatés à travers la conversation entre Leila et son fils. Et si le contexte politique est amené sous un angle très personnel, il ouvre aussi sur des questions plus universelles. « Reste à espérer que le spectacle aura lieu, ajoute Ali Chahrour, car dans ce pays, nous ne sommes à l’abri de rien. »

Pour Ali Chahrour qui indique avoir très peu travaillé avec des professionnels de la danse, chaque corps est porteur de possibles. Photo Myriam Boulos

Et nous d’espérer avec lui…

Cette performance mise en scène et chorégraphiée par Ali Chahrour, coproduite par Chadi Aoun,

coscénographiée par Guillaume Tesson, réunit Leila Chahrour, la maman, avec son fils Abbas el-Maoula (18 ans). À leurs côtés, Ali Chahrour, chorégraphe et danseur, l’actrice syrienne Hala Omran, ainsi que les musiciens Ali Hout et Abed Kobeissy. L’approche musicale de la performance fait référence aux chansons de ces mêmes familles lors d’occasions de chagrin et de joie. « Fatima possédait une très belle voix, et il arrivait souvent à son fils de l’accompagner », se souvient Ali Chahrour, dont le spectacle, en sublimant l’amour et les femmes, honore également l’héritage culturel et musical arabe.

Théâtre al-Madina

Du 29 avril au 2 mai, à 18h.

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