Rabi' Sweidan : « Au Liban, on se consacre trop à créer un passé improbable et pas assez à imaginer un futur plausible. » Photo DR
Produit par des talents libanais et lancé sur la plateforme YouTube, Alephia 2053 est le premier long métrage d’animation fictionnel pour adultes en langue arabe. Conçu et développé par Spring Entertainment pour être regardé sur les plateformes digitales, le film est accompagné d’un site internet (https://www.alephia.xyz) permettant ainsi une immersion originale et complète dans le monde dystopique et imaginaire de ce pays fictif durant l’année 2053. Il s’agit de la deuxième création innovante de cette agence créative engagée, après Bidoun Kaid, une série-web multiprimée et qui fut la première expérience interactive du genre au Moyen-Orient.
Des talents libanais réunis
Créé et écrit par Rabi' Sweidan, et réalisé par Jorj Abou Mhaya, Alephia 2053 raconte l’histoire de trois personnages dont les destins vont se croiser afin de libérer un peuple du joug du régime le plus autoritaire et le plus développé de l’histoire. Pour aboutir à une attaque informatique contre les systèmes de surveillance ultrasécurisés, il faudra jouer la carte de la solidarité.
« Alephia 2053 est le premier film du genre (animation), et la seule œuvre de divertissement en arabe qui se projette dans un futur possible, précise Rabi' Sweidan. J’ai toujours pensé que dans le monde arabe, on se consacre trop à créer un passé improbable et pas assez à imaginer un futur plausible. J’ai eu l’idée de créer ce film à vision futuriste pour les générations à venir, d’où le titre Alephia 2053. Si l’idée était la mienne, poursuit-il, la concrétisation a été le fruit d’un travail collectif dans le cadre de l’entreprise Spring Communications dont les bureaux sont basés à Beyrouth, Paris, Dubaï et Londres. Nous avons des milliers d’heures de divertissement à travers le Moyen-Orient qui ré-imaginent, et parfois créent un passé erroné et glorieux ; et pourtant rien sur l’avenir », ajoute Rabi' Sweidan, qui est aussi coproducteur exécutif. « Bercés depuis l’enfance par les bandes dessinées et la littérature dystopique, ces histoires n’étaient pas les nôtres, elles ne racontaient pas notre culture. C’est pourquoi nous avons pensé réaliser ce film qui est “de nous et pour nous”. Et si nous avons voulu avoir recours à l’animation pour raconter notre histoire, c’est parce que ce médium donne plus de liberté d’expression et que le message gagne en puissance. » Rabi' Sweidan ajoute que lorsque ce projet « a été monté, nous n’avions pas pensé spécifiquement au Liban même. Nous voulions traduire une vérité humaine. Puis nous avons rassemblé les talents exceptionnels qui existent au Liban pour développer quelque chose de particulier au Moyen-Orient ».
« Alephia 2053 », thriller dystopique animé entièrement réalisé au Liban.
Un graphisme qui brise les genres
L’illustrateur Jorj Abou Mhaya, dont le premier ouvrage illustré, Ville avoisinant la Terre, publié en langue arabe par les éditions Dar Onboz, avait remporté le prix du meilleur album du Festival international de la bande dessinée d’Alger, a réalisé le graphisme innovant qui permet à chaque pays arabe de s’y retrouver, alors que le contenu peut se rapprocher de tout pays totalitaire qui opprime son peuple. Aux teintes grisâtres et bleutées, l’image est désaturée, délavée, « c’est parce que la culture du monde arabe n’a plus d’âme depuis longtemps. On la lui a extraite », indique Sweidan.
Contrairement à tout autre projet d’animation à gros budget au Moyen-Orient, Alephia 2053 s’appuie aussi sur d’autres talents locaux. Pour Marwan Harb, coproducteur exécutif, il y avait une volonté « de sortir du format classique et des standards du genre. La conception des personnages, l’identité visuelle, et la partie graphique de l’animation ont toutes été effectuées par des Libanais, notamment la bande-son créée par Karim Khneisser et le casting des voix off qui regroupe certains acteurs connus comme Khaled el-Sayed, Ali Saad et Gihan Malla ». « Alephia 2053 était un réel défi, confie Rabi' Sweidan. Plus de trois millions de vues durant les deux premières semaines de lancement du film, c’était plus que nous ne l’imaginions. C’est un projet de travail et d’amour qui n’a aucun objectif politique mais qui porte une observation émotionnelle et sociale sur nos sociétés et qui vise à laisser un legs à nos enfants. Aujourd’hui, trois millions de vues, demains six millions, qui sait ? Et peut être plus tard dans un festival ou deux ? Qui sait ? Nous l’espérons », conclut Rabi' Sweidan. Croisons les doigts...
commentaires (0)
Commenter