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Lifestyle - Patrimoine

Avec « Baalbek Reborn », Héliopolis s’expose dans son apogée du IIIe siècle

La reconstruction numérique de l’acropole dévoile le chantier monumental des temples romains les plus spectaculaires du Proche-Orient, classés au patrimoine mondial de l’Unesco.

Avec « Baalbek Reborn », Héliopolis s’expose dans son apogée du IIIe siècle

La cour d’autel actuelle. Photo Flyover Zone Productions et l’Institut archéologique allemand

Baalbek Reborn : Temples (Baalbeck ressuscité : temples) propose un tour virtuel à 360° en 3D mis en œuvre conjointement par l’Institut archéologique allemand, la Direction générale des antiquités (DGA) et la société américaine Flyover Zone spécialisée dans les visites virtuelles de sites archéologiques. Gratuite, cette application permet de visiter l’un des plus grands sites religieux romains du monde, à la fois tel qu’il apparaît aujourd’hui et tel qu’il était à son apogée en l’an 215 après J.-C., à l’époque romaine. Des panoramas à 360 degrés de l’acropole et de ses temples ont été réalisés par des drones puis reconstitués en 3D en haute résolution. Sur l’application, une visite guidée de 40 minutes s’accompagne de commentaires audio disponibles en 4 langues (français, anglais, allemand et arabe) élaborés par des experts de l’Institut archéologique allemand qui ont étudié le site depuis plus de vingt ans. Ils proposent en 38 arrêts d’explorer l’acropole de manière immersive, et d’acquérir une compréhension globale de son histoire, de son architecture et de son organisation intérieure. À chaque arrêt, il est possible d’utiliser la fonction Time Warp pour alterner entre les vues des ruines actuelles et les reconstitutions virtuelles.

Pour mémoire

La Direction générale des antiquités s’affaire malgré les crises

Financé par le milliardaire koweïtien Bassam Alghanim, à la mémoire de ses parents, Yusuf et Ilham Alghanim, le projet a été lancé le 31 mars en direct via l’application Zoom par le ministre sortant de la Culture, Abbas Mortada ; le directeur de la Direction générale des antiquités (DGA), Sarkis Khoury ; la directrice du département du Proche-Orient à l’Institut allemand d’archéologie, Margarete van Ess ; l’archéologue responsable de Baalbeck à la DGA, Laure Salloum, et le coordinateur du projet, l’architecte et archéologue allemand Henning Burwitz. Ce dernier avait d’ailleurs déclaré au quotidien émirati The National : « Si vous pensez que Rome est géniale, c’est que vous n’avez pas encore découvert Baalbeck ! » Présent également, Bernard Frischer, fondateur et président de la société Flyover Zone, a souligné lors du lancement qu’aucune liste des destinations touristiques importantes du monde ne serait complète sans Baalbeck. Pour nous, ce projet a été un rêve devenu réalité. Nous espérons que les internautes du monde entier téléchargeront l’application, et qu’elle aiguise leur appétit pour visiter le site lorsque la pandémie de Covid-19 passera et que les voyages internationaux seront à nouveau possibles. »

La cour d’autel reconstruite numériquement. Photo Flyover Zone Productions et l’Institut archéologique allemand

Le gigantisme romain

Fondé à l’origine par les Phéniciens en l’honneur du dieu Baal puis dédié au dieu du Soleil Hélios au temps des Grecs, le site est devenu la plus grande acropole du monde romain. Il comporte trois sanctuaires principaux, ceux de Jupiter, de Bacchus et de Vénus. Baalbeck, l’un des sanctuaires les plus célébrés du monde antique, progressivement couvert de constructions monumentales édifiées durant plus de deux siècles, dévoile l’impressionnante architecture romaine à l’époque impériale. La ville était conçue sur un plan classique. Les rues s’y organisaient en damier sur la base de deux grandes artères, le decumanus (axe ouest-est d’une ville romaine, NDLR) et le cardo (axe nord-sud, NDLR). C’est plus particulièrement devant le gigantesque temple de Jupiter héliopolitain que l’on se retrouve à court de superlatifs : rien moins que le plus grand et le plus beau des sanctuaires romains du Levant. Ses structures impressionnantes et la majesté de son cadre en font un lieu exceptionnel.

Pour mémoire

Niha, Temnine et Ksarnaba : la splendeur des temples méconnus de la Békaa

Les travaux commencés sous le règne d’Auguste, vers 14 av. J.-C., se sont prolongés jusqu’à la fin du IIe siècle de notre ère. Son échelle gigantesque, ses énormes blocs de pierre, l’ornement architectural élaboré, et la composition ingénieuse de la masse et de l’espace sont considérés comme l’une des plus grandes réalisations de l’architecture romaine. Symbolisant la magnificence de la civilisation antique, il mesurait 88 mètres par 48, s’élevait à 33 m de hauteur jusqu’au sommet du fronton, et comptait des colonnes de 20 mètres de haut et 2,20m de diamètre. Il était périptère, c’est-à-dire entouré de rangées de colonnes sur toutes ses faces : dix colonnes en façade et dix-neuf sur les côtés. Il comportait un pronaos (entrée ou hall, NDLR), de la même largeur que le naos (la partie intérieure centrale, NDLR) où trônait la statue de la divinité. On pouvait accéder au temple par un escalier monumental conduisant à un portique à douze colonnes encadré de deux tours.Au centre de la grande cour (134 x 112 m), s’élevaient un autel pour les sacrifices et une tour flanquée de deux colonnes de granit rouge et gris dont il ne reste que de rares vestiges. À proximité, la cour hexagonale de 50 mètres de long, à ciel ouvert, construite dans la première moitié du IIIe siècle, était entourée à l’origine d’un portique de 30 colonnes et de quatre exèdres (espaces garnis de sièges ou de bancs de pierre, NDLR) richement décorés.

Exhumée à Baalbeck, la figurine de Jupiter héliopolitain acquise en 1939 par le Louvre. Photo sous licence Creative Commons / Wikinade

La figurine de Jupiter, dite « bronze Sursock »

Le tour virtuel continue avec la visite de l’imposant temple de Bacchus (IIe siècle après J.-C.) et celui dédié à Vénus (temple rond), qui se singularise par l’originalité de son plan, ainsi que par le raffinement et l’harmonie de ses formes, dans une cité où les autres sanctuaires sont marqués de gigantisme. Ces temples ont été construits avec des blocs provenant de la colline Cheikh Abdallah située à 800 mètres des ruines romaines. Sur cette colline, qui abrite une carrière antique de pierre calcaire conglomérée, a d’ailleurs été exhumé en 2014 un monolithe plus large et plus massif que celui connu sous le nom de hajar al-hibla : un parallélépipède de 5,5 mètres de côté sur 20 mètres de long et six mètres de large, pesant environ 1 200 tonnes. Last but not least, les archéologues présentent la statue culte de Jupiter héliopolitain, prêtée par le musée du Louvre. Elle a été exhumée en plusieurs fragments sur le site de Baalbeck, le bras droit jamais retrouvé. Ayant d’abord appartenu au collectionneur Charles Sursock, c’est sous le nom de « Bronze Sursock » que les spécialistes la désignent aujourd’hui. En 1939, la figurine d’une hauteur de 38,4cm, 14,5cm de largeur et 12,7cm d’épaisseur est acquise par le département des antiquités orientales du Louvre. Jupiter est représenté en dieu de l’orage, coiffé d’un calathos (casque de jonc ou d’osier entrelacé, qui avait la forme d’un calice à large ouverture) et est serré dans une sorte de gaine sur laquelle figurent un disque ailé, des rosaces et des bustes de divinités : Hélios, Séléné, Athéna, Hermès, Zeus, Héra, Cronos et une tête de lion. Il est debout sur une base représentant la Tyché d’Héliopolis, divinité de la fortune, de la prospérité et de la destinée de la cité, couronnée de fleurs, tenant un gouvernail et une corne d’abondance. Devant le groupe, une cupule destinée à placer des offrandes ou des demandes d’oracles est encadrée de deux taureaux. Au revers, un disque ailé, un aigle, une fleur de lys et des rosaces, une tête de bélier, une croix de Saint-André combinée avec quatre points. Datée de 100-200 après J.-C., la figurine en bronze est revêtue de dorure. Signalons que l’application Baalbek Reborn : Temples est téléchargeable sur les smartphones et les tablettes (Android, iOS), les PC et les ordinateurs portables (Mac, Windows 10), ainsi que les casques de réalité virtuelle (Oculus Go, Oculus Quest, Oculus Rift, Oculus Rift-S, HTC Vive). Si l’expérience virtuelle est riche en informations, rien ne remplace une visite physique sur le site de Baalbeck, toujours à couper le souffle.

Les temples de Bacchus et Jupiter. Photo DAI, OA, I.Wagner

Aider à reconstruire Beyrouth

La Direction générale des antiquités au Liban, avec ses experts en patrimoine culturel, lance une série de cours de formation professionnelle sur les métiers du patrimoine. Ils engloberont des compétences telles que la menuiserie traditionnelle, la maçonnerie en pierre, la fabrication de toitures en bois et le plâtrage à la chaux. L’ONG Arcenciel, créée en 1985 pendant la guerre civile libanaise, recevra les dons et gérera cette formation dans le cadre de sa mission de soutien au développement durable, à l’éducation et à l’emploi, la promotion du patrimoine bâti au Liban et la réhabilitation des maisons historiques touchées par la double explosion du 4 août 2020. Ces formations se dérouleront dans l’une des maisons patrimoniales les plus endommagées de Beyrouth dont les murs de maçonnerie et les triples arcades, aujourd’hui en état d’effondrement, symbolisent depuis longtemps l’architecture du XIXe siècle de la ville. Ce projet représentera l’un des premiers efforts professionnels pour préserver et raviver un savoir-faire artisanal en voie de disparition. Non seulement il sauvera une maison patrimoniale unique, mais il permettra surtout de raviver et de rendre habitables les habitations qui, depuis le 4 août, ont été abandonnées. Il servira également de formation et d’expérience éducative nécessaires à une centaine de jeunes, artisans et ouvriers afin de créer une main-d’œuvre qualifiée pour soutenir les projets de restauration de Beyrouth. En faisant revivre le savoir-faire traditionnel, la formation permettra d’ouvrir la voie à de meilleures pratiques de restauration tout en sensibilisant à la préservation du patrimoine.

Baalbek Reborn : Temples (Baalbeck ressuscité : temples) propose un tour virtuel à 360° en 3D mis en œuvre conjointement par l’Institut archéologique allemand, la Direction générale des antiquités (DGA) et la société américaine Flyover Zone spécialisée dans les visites virtuelles de sites archéologiques. Gratuite, cette application permet de visiter l’un des plus grands sites...

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