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Société - Reportage

« C’est une mort lente pour le secteur de la restauration »

Malgré la réouverture des restaurants, les clients n’étaient pas au rendez-vous hier.

« C’est une mort lente pour le secteur de la restauration »

Les terrasses hier étaient presque vides malgré la réouverture des restaurants. Mahmoud Tawil/Photo d’archives

À Gemmayzé, Mar Mikhaël et Badaro, les terrasses étaient presque vides hier malgré la réouverture des restaurants au premier jour de la quatrième phase de déconfinement. « Ya hala (Bienvenue) », lance le manager du Chef, restaurant emblématique de Gemmayzé, à un homme en scooter. À l’intérieur, vers 14h30, cinq personnes seulement sont attablées. C’est pourtant l’un des restaurants les plus populaires du quartier. La crainte du coronavirus n’y est pas pour grand-chose. C’est plutôt l’hyperinflation, avec un dollar qui a atteint la semaine dernière les 15 000 livres libanaises, qui décourage les clients potentiels. Une instabilité qui met à mal les restaurateurs. Le Chef s’est vu forcé de doubler les prix de son menu. « Avant, les clients mangeaient pour 20 000 livres, aujourd’hui ils paient 40 000 LL minimum », s’indigne Charbel Bassil, le manager du restaurant. Le plus grand challenge est de pouvoir proposer aux clients une offre abordable ou raisonnable, poursuit Maya Bekhaazi Noun, secrétaire générale du syndicat des restaurants. « La majorité des fournisseurs demande à être payée en dollar. Rares sont ceux qui acceptent des paiements en livre libanaise à cause de la variation du taux », observe-t-elle.

Dans ces conditions, beaucoup de restaurants n’ont même pas ouvert leurs portes. D’autant que les mesures sanitaires sont strictes : fermeture à 19h, capacité de 75 % à l’extérieur, 50 % à l’intérieur, à condition que le lieu soit complètement aéré (soit en ouvrant fenêtres et portes, soit par un système de filtration spécial). Les tables doivent être espacées de deux mètres de distance et ne peuvent accueillir plus de six personnes. « Les mesures manquent de précision, tout est fait à l’aveuglette. Le 50 % et le 75 % de capacité ne sont pas assez précis. Les restaurants de petite taille ne devraient pas ouvrir à nouveau, par exemple », estime Salim Adib, professeur d’épidémiologie et de santé publique à l’Université américaine de Beyrouth (AUB). « Le virus est coriace et nous ne connaissons pas le variant. Même si les cas baissent, ils dépassent toujours les 2 000 et 3 000 par jour, ce qui est conséquent. Ce n’est pas le moment d’aller dans les restaurants », ajoute le professeur Adib.

« Je m’attendais à voir du monde après deux mois de bouclage »

À l’heure du déjeuner, l’ambiance est similaire dans le quartier de Badaro. « Certains restaurants n’ont pas rouvert parce qu’ils ne parviennent plus à fixer le prix des produits, d’autres ont complètement fermé et ceux qui ont ouvert sont en mode survie. C’est une mort lente pour le secteur de la restauration », martèle Maya Bekhaazi Noun. Micky Abou Merhi, le gérant de Kissproof, a décidé d’ouvrir mercredi. « Nous ne sommes pas encore prêts, nous attendons de voir comment le taux de change évolue pour fixer les prix car la valeur des produits achetés chez le fournisseur fluctue », explique-t-il, assis à une table en terrasse de son établissement. « La situation est catastrophique, nous ne faisons plus de marge. La clientèle va évidemment baisser à cause de la diminution du pouvoir d’achat, puis s’ajoute à cela le coronavirus et la situation du pays. C’est un cercle vicieux », poursuit-il. Autre challenge pour le secteur : le manque de liquidités. « Sur les plateformes et dans les restaurants, certains paient par carte bancaire, ce qui nous prive de liquidités », explique Maya Bekhaazi Noun.

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Dans un resto-bar caché par des plantes, certains clients pénètrent dans l’établissement après que leur température ait été prise. À l’intérieur, le gérant, Élio Panayot, se demande si la clientèle acceptera les nouveaux prix. « Les gens sont insouciants concernant le coronavirus. Pour le prix, les clients s’adaptent », se rassure-t-il. Pour tenter de limiter la casse côté spiritueux, il a dû retirer certains cocktails de sa carte ou réaliser son propre gin maison. « Certains ont dû enlever des produits de leur menu ou utilisent des ingrédients alternatifs », explique Maya Bekhaazi Noun.

« Je m’attendais à voir du monde après deux mois de bouclage », regrette Peter Moussen, le manager du Newbury à Badaro. Pour la secrétaire générale du syndicat des restaurants, « les Libanais ont peur et sont déprimés. À cause de la situation économique et politique du pays, ils dépensent moins ». À l’une des tables d’un resto-bar, les discussions tournent autour du taux de change. « Nous sommes venus pour nous défouler après ce bouclage. Pour une bière ou un café, je ne fais pas attention ; par contre pour les plats, je demande les prix », avance Samir, 41 ans, qui travaille dans le secteur hospitalier. Face à l’inflation, il admet que ses habitudes vont changer. « Au lieu de nous rendre deux à trois fois par semaine au restaurant, nous irons une à deux fois. Nous pouvons choisir des plats moins chers ou les partager », dit-il en souriant.

À Gemmayzé, Mar Mikhaël et Badaro, les terrasses étaient presque vides hier malgré la réouverture des restaurants au premier jour de la quatrième phase de déconfinement. « Ya hala (Bienvenue) », lance le manager du Chef, restaurant emblématique de Gemmayzé, à un homme en scooter. À l’intérieur, vers 14h30, cinq personnes seulement sont attablées. C’est pourtant...

commentaires (3)

La crise financière a certainement affecté les restos mais pour être juste, on ne peut juger des dégâts (et il y en a pour sur) en se basant sur le premier jour d'ouverture, un lundi, des horaires réduits, un mauvais temps, et des taux super élevés de contaminations de sars-cov2. Attendons un peu pour avoir une image plus claire.

Salim Naufal / SOFTNET ENGINEERING

12 h 49, le 23 mars 2021

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Commentaires (3)

  • La crise financière a certainement affecté les restos mais pour être juste, on ne peut juger des dégâts (et il y en a pour sur) en se basant sur le premier jour d'ouverture, un lundi, des horaires réduits, un mauvais temps, et des taux super élevés de contaminations de sars-cov2. Attendons un peu pour avoir une image plus claire.

    Salim Naufal / SOFTNET ENGINEERING

    12 h 49, le 23 mars 2021

  • Vraie giffle pour un peuple naif

    Antoine Sabbagha

    11 h 45, le 23 mars 2021

  • C,EST L,AGONIE DU PEUPLE LIBANAIS. DANS D,AUTRES PAYS DU MONDE DES PRESIDENTS DIGNES DE CE NOM DEMISSIONNENT POUR SAUVER LEURS PATRIES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 49, le 23 mars 2021

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