Aux environs de 11 000/11 500 livres pour un dollar hier matin, le taux livre/dollar a affiché une hausse aussi violente que suspecte sur le marché parallèle dans le sillage de la réunion qui s’est tenue à Baabda dans le courant de l’après-midi entre le président Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri. Une rencontre lors de laquelle les deux hommes n’ont pas pu s’entendre sur la composition d’un nouveau gouvernement, en plein contexte de crise et huit mois après la démission de celui dirigé par Hassane Diab, lequel avait tiré sa révérence quelques jours après la double explosion meurtrière qui a ravagé Beyrouth le 4 août.
Alors que les informations concernant la teneur de leurs échanges acrimonieux continuaient d’être égrenées dans les médias dans l’heure suivant la réunion, plusieurs plateformes et groupes de discussions en ligne suivant l’évolution du taux dollar/livre relayaient en effet des taux en hausse de 2 000 à 4 000 livres au moins, en fonction des sources et en très peu de temps.
Différences d’une région à l’autre
Vers 16h, le site Lirarate.com rapportait que le taux avait atteint la barre des 14 000 livres un dollar sur le marché parallèle (à la vente) après une hausse de 1 000 points en… 8 minutes. Dans la foulée, des informations relayées sur différents groupes faisaient état de fortes différences entre les taux pratiqués à Beyrouth (12 500 à 13 000 livres), au Liban-Nord (15 000 à 16 000 livres) ou encore à Chtaura dans la Békaa (14 000 à 14 500 livres), une fourchette très proche de celle communiquée par notre correspondante à Chtaura, Sarah Abdallah (14 000 à 14 200). Dans la région de Beyrouth et du Metn, le taux communiqué par un agent du marché noir contacté était entre 12 000 et 13 000 livres.
Peu d’informations ont en revanche filtré sur l’évolution des taux au Liban-Sud. Contacté, notre correspondant dans la région, Mountasser Abdallah, a rapporté que les agents agréés de la région avaient fermé leurs portes avant la fin de la réunion entre Michel Aoun et Saad Hariri pour éviter de servir malgré eux de faire-valoir aux spéculateurs. Selon ces derniers, le taux pratiqué par les agents illégaux aurait très rapidement grimpé à 15 000 livres après le discours de Saad Hariri avant de progressivement redescendre aux environs de 14 000 en cours d’après-midi.
Si l’opacité du marché noir rend difficile toute tentative de lecture des facteurs objectifs qui influent sur le taux dollar/livre, échappant à tout contrôle depuis le début de la crise, le fait que les fluctuations aient été aussi fortes dans un laps de temps aussi court alimente logiquement les soupçons de manipulation flagrante des taux, comme le soulignent deux sources anonymes qui suivent quotidiennement l’évolution du marché parallèle.
« On ne peut pas tirer de conclusions définitives sans avoir de données sur les volumes en jeu. Mais la variation est vraiment trop excessive et s’est manifestée trop rapidement pour qu’il soit possible de l’attribuer à un jeu normal de l’offre et de la demande », juge l’une des deux sources. « L’explication la plus probable est que cette hausse a été provoquée par des agents qui ont massivement parié sur l’échec de la réunion et qui ont tenté d’entraîner le marché avec eux », renchérit la seconde, ajoutant que le fait que la hausse se soit tassée au bout de quelques heures était un signe qu’une majorité d’agents économiques n’avaient pas suivi le mouvement.
Jeu de l’offre et de la demande
Une conclusion partagée par les administrateurs de la plateformeLebaneselira.org qui ont rapidement publié un message d’alerte évoquant une très probable manipulation des taux sur le marché « tirant partie de la crise politique pour exécuter des opérations de type » pump and dump « (littéralement » pomper et décharger «, une expression anglophone décrivant les techniques consistant à faire artificiellement grimper les taux). La plateforme, qui avait déjà publié ce type de message auparavant, a en outre appelé ses utilisateurs à prendre du recul face à toutes les sources faisant état de variations de l’ordre de 1 000 points en l’espace de quelques minutes. Dans une analyse publiée par Le Commerce du Levant le 18 mars, l’économiste Fouad Khoury-Hélou avait pour sa part expliqué en détails dans quelle mesure une dévaluation de la livre libanaise pouvait constituer une « arme de négociation économique » dans la perspective d’une vaste restructuration financière du pays.
Enfin, l’initiative de la Banque du Liban (BDL), annoncée vendredi dernier par la présidence et visant à permettre aux banques d’effectuer et d’enregistrer des opérations de change sur une plateforme électronique prévue à cet effet afin de limiter l’influence du marché noir, n’a toujours pas livré ses secrets. « Nous attendons toujours les directives de la BDL pour savoir à quoi nous attendre », confie un banquier sous couvert d’anonymat. Seule nouveauté : la publication de deux communiqués par la BDL demandant respectivement aux banques et aux agents de change de s’inscrire sur la plateforme électronique prévue à cet effet – baptisée Sayrafa. Les agents de change devaient d’ailleurs y être tous inscrits depuis son lancement en juin dernier et la BDL a menacé de radier ceux qui ne le feraient pas avant le 16 avril.
Si le fait d’encourager les banques à suppléer les agents de change dans le contexte actuel peut être perçu comme une initiative potentiellement positive, certains observateurs, à l’image du PDG de FFA Private Bank Jean Riachi, craignent qu’elle soit inopérante si ses modalités ne créent pas les conditions nécessaires pour que le taux soit effectivement déterminé par le jeu de l’offre et de la demande. Dans un message publié au cours du week-end écoulé sur son compte Twitter, le banquier a notamment jugé que le fait de limiter les types d’opérations autorisées et les catégories de personnes pouvant acheter des dollars auprès de leurs banques n’allait pas laisser d’autres choix aux agents exclus que de continuer de se fournir sur le marché noir. Il a également appelé la BDL à limiter ses interventions sur ce marché à la mitigation des fluctuations sur les périodes de forte volatilité.Le taux dollar/livre évolue depuis le début de la crise aux antipodes de la parité de 1 507,5 livres pour un dollar qui était stabilisé depuis les années 1990 par la BDL. Après avoir entamé les deux premiers mois de l’année à un niveau relativement statique, en dessous de 9 000 livres, le taux a commencé à s’affoler début mars, atteignant un pic à 15 000 livres il y a une semaine avant de se replier aux environs de 11 000 quelques jours plus tard. La BDL a par ailleurs démenti, dans un communiqué publié dans la soirée, les rumeurs indiquant que son initiative concernant les banques ne serait pas lancée avant qu’un gouvernement ne soit formé, comme le relayaient certains médias.
commentaires (3)
il est temps que l'armee prenne le pouvoir Ca suffit ces marrionnettes a la tete du pays et cet enterre sous terre qui se veut le calife du Liban AGISSEZ MR JOSEPH AOUN AVANT QUE LE PEUPLE SE SOULEVE , EN MASSE , ET ARME A LA MAIN IL AGISSE LUI MEME
LA VERITE
14 h 50, le 23 mars 2021