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Lifestyle - Patrimoine

Le musée de Beyrouth a désormais son livre de référence

Destiné à tout Libanais souhaitant (re)découvrir un patrimoine universel qui couvre des milliers d’années d’histoire, ce très bel ouvrage sera disponible à partir d’aujourd’hui à la boutique du musée.

Le musée de Beyrouth a désormais son livre de référence

Vue générale du sous-sol du musée national de Beyrouth. Photo DR

Le guide du musée national de Beyrouth a été conçu et rédigé par la directrice générale du Conseil général des musées du Liban, Anne-Marie Afeiche, et financé par l’Agence italienne pour la coopération au développement (AICS Beyrouth). Publié en quatre langues, arabe, français, anglais et italien, l’ouvrage a été lancé par le ministre sortant de la Culture, Abbas Mortada, et l’ambassadrice d’Italie au Liban, Nicoletta Bombardieri, au cours d’une cérémonie symbolique organisée au musée national de Beyrouth mercredi dernier. Cette nouvelle publication s’’inscrit dans le cadre de la coopération entre le ministère libanais de la Culture et l’Italie, et constitue le dernier volet du projet de réhabilitation du sous-sol du musée, réalisé entre 2014 et 2016, comme l’a indiqué Mme Bombardieri.

Proposant une synthèse de l’histoire de l’archéologie au Liban, de l’Antiquité à la période ottomane, ce livre aéré et agréable à parcourir se décline en 256 pages illustrées de 75 pièces archéologiques présentées de manière détaillée. Chaque objet choisi par Anne-Marie Afeiche est documenté, avec un inventaire classique qui fournit son identité, un résumé des données existantes, une fiche descriptive et sa représentation photographique. À cela s’ajoutent parfois les données rapportant les conditions de sa découverte. L’ouvrage propose des chapitres courts, efficaces et synthétiques : une période, un mouvement, une œuvre expliquée. La sélection des objets à retenir dans cet ouvrage « a été ardue », selon Anne-Marie Afeiche. « Toutes les œuvres du musée sont des pièces maîtresses, et le choix a été difficile », poursuit-elle, relevant que cet ouvrage vise « à enrichir nos connaissances dans la mesure où les informations sont plus nombreuses et où chaque photo, mise en récit, a une fonction d’aide-mémoire. Mais aussi à faire prendre conscience de la richesse de notre patrimoine, et susciter ainsi la réflexion du lecteur sur sa mémoire, son histoire et sa culture ». « J’ai mis toute mon âme pour écrire ce livre ; par son biais, je lance aujourd’hui ce cri : faites le tour des musées, venez, revenez. Ne succombons pas à l’oubli de notre patrimoine historique, archéologique et muséal », ajoute encore la directrice générale du Conseil général des musées du Liban.

La magnifique mosaïque de Bacchus. Photo DR

Achylle et les Boys

Partant du rez-de-chaussée du musée national qui héberge les grandes pièces – sarcophages, mosaïques, statues et bas-reliefs, dans une répartition chronologique qui va du IIIe millénaire av. J.-C. jusqu’à la période byzantine – Anne-Marie Afeiche propose au lecteur une déambulation entre trois œuvres illustrant les relations étroites entretenues par Byblos et l’Égypte entre les IIIe et Ier millénaires. Ces œuvres portent une inscription hiéroglyphique, comme l’obélisque d’Abi Shemou (145 cm de haut), ou l’exceptionnel sarcophage du roi Ahiram, dont l’inscription phénicienne gravée sur la cuve et le long du couvercle est l’un des plus anciens témoignages de la naissance de l’alphabet que les navigateurs phéniciens vont véhiculer. Également abordée, l’hégémonie perse du milieu du Ier siècle qui se reflète dans l’iconographie et les techniques des œuvres avec, pour exemples notoires, le chapiteau à double protomé de taureau et la Statue masculine (haute de 110 cm). Deux pièces issues de la collection du père George Ford qui avait mis au jour en 1901 à Sidon 25 sarcophages anthropoïdes, des fragments de chapiteaux en marbre et des statues.

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À son tour, l’art grec se manifeste dans les vestiges artistiques découverts sur le site d’Oul el-Amed au Sud-Liban et dans les statuettes d’enfants du Temple Boys d’Eschmoun, à Boustan el-Cheikh près de Sidon, qui a livré des sculptures exceptionnelles en marbre blanc représentant de jeunes garçons, offertes vers 430-420 avant l’ère chrétienne au dieu guérisseur Eschmoun. Tous potelés, ces enfants sont représentés assis ou accroupis, une main posée sur un pigeon, une tortue ou une balle. La directrice générale du Conseil des musées du Liban rappelle que dans l’Antiquité, le temple était au cœur des cités. Phéniciens, Hellènes et Romains y ont laissé de nombreux messages de dévotion, comme parmi les vestiges les plus emblématiques des trônes votifs de la déesse phénicienne Astarté. Ou encore la spectaculaire Tribune d’Eschmoun, un magnifique ensemble de sculptures grecques témoignant de l’hellénisation ancienne de Sidon et où l’on reconnaît Apollon jouant de la cithare et Athéna tenant son casque. La période romaine, qui s’étend du IIe siècle avant J.-C. au IVe siècle de notre ère, est largement représentée par les spectaculaires sarcophages à décor historié, relatant par exemple les amours qui semblent être en état d’ivresse ou encore représentant la légende d’Achille, chef-d’œuvre du musée national (longueur 210 cm, largeur 95 cm) ; des statues de divinités, comme celle d’Hygéia (IIe-IIIe siècle, hauteur 199 cm, marbre) qui ornait le nymphée (bassin recevant une source considérée comme sacrée) de la cité de Byblos ; d’empereurs, de stèles et pavements de mosaïques qui sont autant de témoignages du développement artistique qu’ont connu Tyr, Baalbeck, Beyrouth, Jiyé et Chehim. L’ouvrage donne également, pour le plaisir des yeux, l’occasion de (re)découvrir sur 20 pages les mosaïques du musée, dont une grande partie a été découverte par l’émir Maurice Chéhab au cours du XXe siècle. Neuf photographies offrent un aperçu de la diversité des thèmes et des compositions. Et un plan expose le programme iconographique d’une villa romaine mise au jour à Byblos.

Voir Vénus à la loupe

Cap ensuite sur la galerie supérieure où 1 250 objets archéologiques illustrent les périodes allant de la préhistoire à la période ottomane. Notre coup de cœur va à la Vénus anadyomène (Vénus sortie des eaux) en bronze découverte à Baalbeck et datée du Ier-IIe siècle de l’ère chrétienne. Elle est tout simplement merveilleuse avec ses 14,8 cm de haut, ses formes harmonieuses et son léger déhanchement. Des boucles en or pendent de ses oreilles, un collier en or et émeraude orne son cou, des incrustations d’argent soulignent ses yeux. Il ne reste qu’à imaginer le verre ou la pierre colorée, qui devaient donner vie à l’iris et à la pupille des yeux, pour voir apparaître à la même période Jupiter Héliopolitain (bronze, 14,8 cm). « Il n’y a pas si longtemps de cela, cette même Vénus a été présentée à New York au Metropolitan Museum of Art où elle avait occupé une place de choix au sein de l’exposition », signale Mme Afeiche. Bien plus ancien, le rython (Ve siècle avant J.-C.), vase en terre cuite qui servait à boire en forme de tête de sanglier, portant sur le col une scène de palestre. Il a été découvert à la nécropole de cheikh Zenad dans la région du Akkar, au Liban-Nord, un site qui a livré un ensemble de céramique attique à figures rouges. D’autres pièces ont interpellé l’auteure par leur originalité et leur particularité, mais il serait fastidieux de les énumérer toutes. Les pages de son ouvrage déroulent également l’orfèvrerie byzantine et mamelouke, la petite histoire du soufflage qui a bouleversé l’art de la verrerie, ou encore la céramique islamique et les pièces de monnaie. Tout un univers incrusté dans le bronze, l’or, le marbre ou l’argile pour nous rappeler la pérennité de notre culture et de notre patrimoine archéologique.

La « Vénus sortie des eaux » découverte à Baalbeck. Photo DR

Les arts funéraires sortent de leur silence

Après la restauration en 2010-2011 des fresques de la tombe de Tyr, un chef-d’œuvre de l’art funéraire romain du IIe siècle de notre ère, le gouvernement italien avait débloqué une nouvelle enveloppe de 1 020 000 euros pour étendre l’aménagement muséographique à tout l’étage du sous-sol du musée national de Beyrouth. Ici, c’est une véritable plongée au cœur de l’art funéraire qui s’opère. Les 700 m2 rénovés sont dédiés aux rites et pratiques funéraires, du paléolithique à la période ottomane, en passant par la période byzantine et les découvertes de Asi el-Hadath, vestiges maronites du Moyen Âge. Mais le clou du spectacle demeure les 31 sarcophages anthropoïdes qui offrent une impression de monumentalité et de sacralité à (littéralement) couper le souffle. Leur poids varie entre deux et trois tonnes chacun. Caractéristiques de la sculpture funéraire phénicienne, ils illustrent la synthèse entre le modèle du sarcophage égyptien, qui reproduit la configuration du corps humain, et les formes et techniques de l’art grec pour les têtes sculptées. Tous étaient peints et colorés. Des traces de polychromie sont encore visibles à certains endroits : noire pour la pupille des yeux, ou rouge vermillon pour les lèvres et les cheveux. Les yeux sont accentués par des paupières ourlées. Les lèvres esquissent quelquefois un sourire discret. On remarque aussi une femme, la main posée sur le cœur, tenant une fleur de lotus. Le guide relate leur découverte dans les nécropoles de la région de Saïda, à Aïn el-Héloué, Dakermann et Mgharet Adloun. « Il s’agit de la plus grande collection au monde », signale la directrice générale du Conseil général des musées du Liban, Anne-Marie Afeiche, qui souligne que le Louvre en possède une vingtaine et le musée d’Istanbul en conserve quelques-unes des plus belles. Il est impossible de dresser un tableau exhaustif de toutes les pièces présentées dans ce guide qui résonnent comme une mélodie douce et entêtante, bien après que l’on a refermé le livre. Anne-Marie Afeiche rend ici un véritable hommage à un patrimoine culturel que certains ont tendance à oublier.

À signaler que le texte en français d’Anne-Marie Afeiche a été traduit en arabe par Raghida Samaha et en anglais par Randa Abou Habib. Les photos sont signées Tony Farraj. Rolf A. Stucky et Claude Doumit Serhal, tous deux archéologues, ont officié comme conseillers scientifiques. La conception graphique est signée par l’Italienne Rosa Maria Iglesias Morsilli. Quant à la coordination éditoriale, elle a été réalisée par l’agence Zowart Creative (Rome). Le guide est disponible à la vente à la boutique du musée à 80 000 LL.

Le guide du musée national de Beyrouth a été conçu et rédigé par la directrice générale du Conseil général des musées du Liban, Anne-Marie Afeiche, et financé par l’Agence italienne pour la coopération au développement (AICS Beyrouth). Publié en quatre langues, arabe, français, anglais et italien, l’ouvrage a été lancé par le ministre sortant de la Culture, Abbas Mortada,...

commentaires (2)

Dans le livre de Nina Jidejian (https://www.lorientlejour.com/article/1214003) je pense qu'on dit que la Venus pourrait aussi etre la deesse Ishtar ou Ashtart , deesse phenicienne, mais peut-etre identifie comme Venus par les romains - comme equivalente. En tous cas, le musee de Beyrouth est impressionant.

Stes David

22 h 09, le 09 mars 2021

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Commentaires (2)

  • Dans le livre de Nina Jidejian (https://www.lorientlejour.com/article/1214003) je pense qu'on dit que la Venus pourrait aussi etre la deesse Ishtar ou Ashtart , deesse phenicienne, mais peut-etre identifie comme Venus par les romains - comme equivalente. En tous cas, le musee de Beyrouth est impressionant.

    Stes David

    22 h 09, le 09 mars 2021

  • magnifique!

    Jack Gardner

    16 h 04, le 09 mars 2021

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