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Société - Violence domestique

« Je vis dans la peur constante que mon mari me tue »

Depuis le début du Covid-19 en février dernier, le nombre d’appels à l’aide de femmes a presque doublé. En un an, 1 468 appels ont été reçus au numéro d’urgence des FSI, contre 747 l’année d’avant.

« Je vis dans la peur constante que mon mari me tue »

Des silhouettes représentant des femmes tuées par leur conjoint avaient été exposées, à la place de l’Étoile, lors d’un sit-in organisé par Kafa en 2018. Photo d’archives AFP/Anwar Amro

Depuis que Zeina Kanjo a été retrouvée étouffée à son domicile conjugal, fin janvier, Noura* vit dans la hantise de subir le même sort. Mariée depuis cinq ans, la jeune femme de 28 ans, qui en est à ses secondes noces, confie qu’elle subit des violences de la part de son mari, de quinze ans son aîné, depuis leur première rencontre. Aujourd’hui, Noura dit vivre « dans une peur constante ». « Je redoute que lors de l’une de ses colères, il finisse par me tuer. » Noura affirme s’être mariée sous la contrainte. « Je ne l’aimais pas, raconte-t-elle. Il ne lésinait pas sur les moyens pour arriver à ses fins. Menaces, intimidation. Il a même déposé une plainte contre moi, sans fondements, pour atteinte aux mœurs au poste de gendarmerie de Hobeiche. J’ai fini par céder. » Après le mariage, son mari continue à la menacer. « Il n’hésitait pas non plus à brandir son arme sur moi, poursuit Noura. Il est de nationalité saoudienne et a des connections avec des partis politiques. Il est convaincu qu’il a un pouvoir sur moi et qu’il peut me malmener, d’autant plus que je suis syrienne. Une fois, il m’a même emprisonnée pendant six mois à la maison. J’étais interdite de toute connexion avec le monde extérieur. »

Cette mère d’une fille de dix ans issue de sa première union et d’un garçon de deux ans et quatre mois raconte que son mari n’a aucun problème à la frapper et l’insulter devant ses petits. « Ma fille a développé un traumatisme, déplore-t-elle. Elle est terrorisée par sa présence. Quant à mon fils, il est devenu agressif. »

Pour mémoire

Zeina Kanjo, nouvelle victime de la violence conjugale

Avant le confinement, Noura trouvait encore le moyen d’avoir un peu de paix. « Il s’absentait pendant plusieurs mois, précise-t-elle. Il passait son temps chez ses maîtresses ou avec ses amis à jouer aux jeux de hasard. Mais avec le bouclage, il est rentré à la maison. Il réclame ses “droits conjugaux”. Il veut me prendre de force. Si je refuse, il me bat. Avec lui, tout se fait par la contrainte. Le problème, c’est qu’en raison du confinement, il ne peut pas sortir. Il s’acharne alors contre moi. Il a tout cassé à la maison. »

Hausse des nouveaux cas

Avec le bouclage renforcé imposé depuis plus d’un mois pour lutter contre l’explosion des cas de Covid-19 au Liban, une recrudescence de la violence domestique a été signalée. Le 30 janvier, Zeina Kanjo a été retrouvée morte au domicile conjugal et son mari, suspecté de l’avoir tuée, a pris la fuite. Plus récemment, il y a une semaine, Lara a été admise aux soins intensifs d’un hôpital du Mont-Liban après avoir été poignardée par son mari.

« La violence domestique a beaucoup augmenté avec la pandémie », constate Céline el-Kik, responsable du centre de soutien aux femmes victimes de violence domestique à l’ONG Kafa. « Rien que dans notre centre, les appels de femmes demandant de l’aide ont triplé en une année, poursuit-elle. Les nouveaux cas ont aussi augmenté. En 2020, nous avons reçu 1 360 nouveaux cas de femmes victimes de violence domestique contre environ 970 cas en 2019. » Une hausse a été également constatée du côté des Forces de sécurité intérieure. Selon une source bien informée, le nombre d’appels réceptionnés en un an sur la ligne verte mise à la disposition des femmes victimes de violence (le 1745) a augmenté de 96,5 % entre fin février 2020 et fin février 2021. « Le nombre de plaintes est ainsi passé de 747 avant le 20 février 2020 à 1 468 en l’espace d’un an, souligne la source précitée. Dans la majorité des cas, la violence est physique. » En cause, principalement « la promiscuité prolongée entre la femme et son agresseur », explique Mme el-Kik. « À cela s’ajoutent la crise financière et économique ainsi que le chômage qui en découle, poursuit-elle. Certains ont perdu leur emploi, d’autres touchent un demi-salaire. La tension est donc accrue. Mais quoi qu’il en soit, rien ne justifie la violence. »

Suivi à distance

Pour venir en aide aux femmes victimes de violence domestique, Kafa a dû s’adapter à la nouvelle réalité imposée par le Covid-19. « Nous assurons nos services à distance, affirme Mme el-Kik. En cas de violence physique, nous accompagnons la femme chez un médecin légiste pour documenter la violence, même si elle ne veut pas porter plainte dans l’immédiat. Le problème se posait au niveau des femmes qui avaient besoin d’être déplacées vers un abri. En raison de la pandémie, nous avions du mal à leur trouver des places. L’ONG leur a alors assuré un endroit où elles peuvent observer une quarantaine de deux semaines. Elle leur fait passer aussi un test PCR avant de les diriger vers un abri. »

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Avec un bémol toutefois. « Le suivi légal, social et psychologique nécessite que la femme dispose d’un espace privé, soutient Mme el-Kik. Comme le mari se trouve souvent à la maison, nous essayons de trouver le meilleur moyen pour assurer ce suivi. Les séances de thérapie psychologique toutefois continuaient à être tenues au cabinet. Avec le bouclage, seuls les cas urgents bénéficient des séances à distance. »

Mais comment cette aide peut-elle être fournie à distance, alors que la femme est sujette aux menaces? Gisèle Nader, psychothérapeute, explique qu’en général, « un plan de secours sur le plan légal et psychologique est mis en place pour chaque femme, selon son cas et le caractère de son agresseur ». « Je prépare psychiquement la femme à la manière dont elle doit agir pour se protéger au cas où elle est victime de violence, ajoute-t-elle. Malheureusement, ce n’est pas possible avec les nouveaux cas. Avec ces dernières, nous travaillons dans l’urgence. Et l’aide se fait au cas par cas. » Mme Nader se souvient ainsi de la série de messages qu’une femme lui avait envoyés à l’aube, vers 4 heures. « Son mari était ivre et brandissait un revolver en sa direction, raconte-t-elle. Pendant des heures, j’ai communiqué avec elle par WhatsApp pour éviter que son mari ne sache qu’elle demande de l’aide. Je me suis assurée que ses enfants étaient hors danger. Je lui ai donné des conseils pour se protéger, jusqu’à ce qu’il se soit calmé. Cette femme a pu échapper au pire. Avec le bouclage malheureusement, les chances de fuir s’amenuisent. »

Un code unifié de statut personnel

Pour Leila Awada, avocate et cofondatrice de Kafa, le problème que rencontrent les ONG pour assurer une protection aux femmes ne se pose pas au niveau de la loi, mais des magistrats. « En raison du bouclage renforcé, il a été décidé que les juges des référés travaillent en ligne, souligne-t-elle. Vu l’absence d’un mécanisme unifié pour les formalités judiciaires, chaque magistrat agit à sa guise. Aussi, certains refusent-ils de recevoir des plaintes en ligne et exigent que celles-ci soient déposées au tribunal, alors que d’autres font tout pour faciliter le travail et aider la femme victime de violence domestique. Malheureusement, les procédures juridiques dépendent de la sensibilité des juges au dossier de la violence domestique. La loi (n°293 votée en 2014 et amendée en décembre 2020) n’a pas réussi à changer la mentalité de nombreux juges ni des institutions étatiques. »

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Me Awada estime ainsi que le vrai problème réside dans « l’absence d’une politique de protection et de prévention ». « On attend que le crime ait lieu pour intervenir et sanctionner le coupable, constate-t-elle. Cela ne peut pas assurer une protection aux femmes et aux enfants. D’où l’importance d’un code unifié du statut personnel qui rétablira l’équilibre des pouvoirs au sein du couple, d’autant que les lois communautaires qui régissent le statut personnel sont discriminatoires à l’égard de la femme. Elles consacrent le pouvoir absolu de l’homme au sein de la famille. Seul un code unifié du statut personnel peut mettre fin à cette situation. Dans le cas contraire, on continuera à traiter les conséquences de la violence, sans pouvoir vraiment la prévenir. »

* Le prénom a été modifié

Depuis que Zeina Kanjo a été retrouvée étouffée à son domicile conjugal, fin janvier, Noura* vit dans la hantise de subir le même sort. Mariée depuis cinq ans, la jeune femme de 28 ans, qui en est à ses secondes noces, confie qu’elle subit des violences de la part de son mari, de quinze ans son aîné, depuis leur première rencontre. Aujourd’hui, Noura dit vivre « dans une...

commentaires (4)

Rien ne peut justifier qu’un homme (un vrai) puisse battre sa femme ou n’importe quelle femme ; il n’y a qu’un LÂCHE pour faire ça pour se venger de son infirmité à pouvoir aimer, aimer c’est avant tout respecter. Qui est donc la FEMME? la FEMME c’est notre Maman, notre grand-mère , notre femme, notre fille, petite fille etc… Comment lever la main sur la personne qui nous aime? et qui nous a donné la vie en dépit de ses souffrances… qui nous à allaiter et nous a élevé. Impossible pour une personne digne de ce nom d’oublier ou de nier tous ces biens faits et se permet d’insulter de toucher ou pire de frapper une femme et surtout si c’était sa femme ! cet individu dénué de courage s’appelle tout simplement un LÂCHE! Une femme est faite pour être aimée respectée écoutée chouchoutée et adulée. Point !

Le Point du Jour.

20 h 33, le 18 février 2021

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Commentaires (4)

  • Rien ne peut justifier qu’un homme (un vrai) puisse battre sa femme ou n’importe quelle femme ; il n’y a qu’un LÂCHE pour faire ça pour se venger de son infirmité à pouvoir aimer, aimer c’est avant tout respecter. Qui est donc la FEMME? la FEMME c’est notre Maman, notre grand-mère , notre femme, notre fille, petite fille etc… Comment lever la main sur la personne qui nous aime? et qui nous a donné la vie en dépit de ses souffrances… qui nous à allaiter et nous a élevé. Impossible pour une personne digne de ce nom d’oublier ou de nier tous ces biens faits et se permet d’insulter de toucher ou pire de frapper une femme et surtout si c’était sa femme ! cet individu dénué de courage s’appelle tout simplement un LÂCHE! Une femme est faite pour être aimée respectée écoutée chouchoutée et adulée. Point !

    Le Point du Jour.

    20 h 33, le 18 février 2021

  • d’autant que les lois communautaires qui régissent le statut personnel sont discriminatoires à l’égard de la femme. Elles consacrent le pouvoir absolu de l’homme au sein de la famille. Seul un code unifié du statut personnel peut mettre fin à cette situation. Dans le cas contraire, on continuera à traiter les conséquences de la violence, sans pouvoir vraiment la prévenir. » un pays laic donne le meme droit (homme femme) il est temps que les femmes descendent dans la rue pour reclamer leurs droits sinon l homme sauvage a encore de l avenir devant lui , car les lois et les droits sont inventer par l homme .

    youssef barada

    11 h 10, le 18 février 2021

  • L,ANIMAL LE PLUS CRUEL CAR IL SAIT CE QU,IL FAIT. L,HOMME QUI NE RESPECTE PAS SA FEMME ET LA MALTRAITE EST UN VAURIEN QUI NE DEVRAIT PAS VIVRE ET EXISTER.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 57, le 18 février 2021

  • Quelle honte , quelle lâcheté , Plus je connais l homme, plus je respecte mon chien.....

    Robert Moumdjian

    05 h 05, le 18 février 2021

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