Rechercher
Rechercher

Culture - Initiative

« Nabad », pour maintenir la pulsation artistique et culturelle au cœur de Beyrouth

Ce programme interculturel et universitaire, né post-4 août, vise à soutenir les artistes indépendants et les petites entreprises créatives locales extrêmement impactés par les crises multiformes qui frappent le Liban. Entretien avec sa conceptrice et directrice Pamela Chrabieh.

« Nabad », pour maintenir la pulsation artistique et culturelle au cœur de Beyrouth

Pamela Chrabieh et Roula Salibi, le duo directrice et coordinatrice des projets de Nabad.

Dans les jours qui ont suivi la cataclysmique double explosion au port de Beyrouth en août dernier, alors que la ville est encore recouverte de débris de verre et de métal, Pamela Chrabieh, chercheuse, auteure universitaire, artiste et activiste, reçoit un coup de fil du pasteur évangélique et président de L’Université Dar al-Kalima pour les arts et la culture à Bethléem, avec qui elle collabore régulièrement sur des travaux de recherche. Le révérend Dr Mitri Raheb lui fait part de son désir d’apporter un soutien à la communauté artistique et culturelle libanaise impactée par la catastrophe. « Il m’a demandé de réfléchir à ce que l’on pourrait faire. Et très rapidement, il nous est apparu qu’il fallait diriger notre action vers les artistes émergents ou marginalisés, les petites entreprises créatives et les ONG d’art, tous extrêmement fragilisés par les multiples crises libanaises, sinon frappés de plein fouet par la catastrophe du 4 août. D’autant qu’ils étaient dans leur ensemble totalement délaissés par les associations et les organisations internationales qui œuvraient à d’autres priorités sur le terrain », indique-t-elle.

La jeune femme fait aussitôt appel à une collègue et amie, Roula Salibi (directrice artistique et organisatrice du Beirut Cultural Festival), « qui est devenue la coordinatrice des projets de Nabad », pour évaluer les besoins, lister les potentiels bénéficiaires, élaborer les réseaux et les partenariats et établir la première phase de ce programme d’appui au secteur artistique et culturel libanais, qui sera financée par des dons de l’université palestinienne.

Arts de la résistance/résilience

Lancé en novembre 2020, Nabad a déjà entamé sa première série d’interventions dans plusieurs domaines. La dernière en date étant le développement « avec l’agence sprkl.co » d’Arleb, une plateforme numérique dédiée « à la sensibilisation du public local et international à la diversité de la production artistique libanaise ». Inaugurée le 2 février, Arleb présente à cet effet jusqu’au 31 avril sa première exposition en ligne, compilant plus de 500 œuvres de 61 artistes émergents et établis sur le thème de « Beyrouth et les arts de la résistance/résilience ».

Lire aussi

Pour endiguer la fuite des cerveaux créatifs libanais

Une double thématique qui traverse d’ailleurs l’ensemble des autres projets concoctés par le duo Chrabieh-Salibi sur la base de partenariats divers et variés, et dont certains ont été déjà réalisés. À l’instar des ateliers d’art-thérapie, organisés en partenariat avec l’ONG Meadows, dont ont bénéficiés plus d’une centaine d’infirmiers et d’infirmières de l’hôpital Saint-Georges de Beyrouth. « Deux autres, destinés aux jeunes activistes et travailleurs sociaux, sont normalement prévus en mars », signale la directrice du programme. Lequel a aussi aidé la Beirut Jam Sessions à organiser avant le confinement 12 concerts de groupes locaux, dont 6 se sont tenus dans des lieux emblématiques du traumatisme subi par la ville, comme Arthaus à Gemmayzé, tandis que les 6 autres ont été diffusés graduellement sur YouTube.

Arleb, une galerie en ligne destinée à promouvoir l’art libanais dans sa diversité. Photos DR

Promotion, édition, exposition…

Outre les opérations de promotion et de mise en visibilité du travail des artistes, Nabad tente d’offrir aux petites entreprises créatives un soutien technique et financier pour l’élaboration de microprojets. C’est le cas pour la publication par Plan Bey d’un livre consacré à l’architecture traditionnelle de Beyrouth. « Un ouvrage regroupant un panel d’auteurs aux textes intercalés par des illustrations de l’aquarelliste Maha Nasrallah (qui n’est autre que la fille de l’écrivaine Emily Nasrallah). Et dont la sortie est prévue au printemps prochain », précise Chrabieh, avant de signaler un autre projet d’édition, à la parution plus tardive mais mené cette fois directement par elle et sa collègue. « Il s’agit d’un livre en anglais intitulé Beirut Call, qui explore le thème du changement sociétal de Beyrouth à travers les arts et la culture. Il compilera les textes de plus d’une vingtaine de contributeurs/trices de différents domaines : poètes, académiciens, écrivains, intellectuels, photographes, illustrateurs. Il sera imprimé et distribué aux États-Unis par la maison d’édition (américano-libanaise) Elissar Press, qui nous offre son expertise graphique. Et l’intégralité des revenus de sa vente sera reversée pour le financement de projets de soutien de Nabad aux artistes libanais. »

Lire aussi

« Aada’ », ces « Ennemis » du groupe Adonis qui nous font du bien


Parmi les autres initiatives en chantier, il y a aussi la mise sur pied vers la fin du mois de mars, avec l’ONG Haven for Artists (qui œuvre beaucoup avec les populations très marginalisées), d’une exposition de rue à Gemmayzé et Mar Mikhaël. « Il s’agit de portraits accompagnés de vidéos-performances réalisés par de jeunes artistes en hommage aux femmes de ces quartiers dévastés, et notamment les plus âgées d’entre elles, qui n’ont pas abandonné leurs maisons et leur environnement pour apporter un support moral à leur entourage. »

Évidemment, les dates avancées restent tributaires de la situation sanitaire au Liban comme dans le monde. En revanche, le dynamisme déployé par la microéquipe de Nabad pour impulser dans Beyrouth un souffle régénérant en ces temps de destruction et de bouleversements est porteur d’espoir pour toute une communauté de jeunes artistes. En témoignent leurs déclarations dans les interviews postées sur les pages web, Facebook et Instagram de Nabad. Des réseaux au contenu destiné à leur apporter support et visibilité.

Pamela Chrabieh, carte de visite

Docteure en sciences des religions, chercheuse associée à l’Université de Montréal, professeure à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, artiste et iconographe, consultante, activiste et auteure, Pamela Chrabieh, après une dizaine d’années passées au Canada, est revenue au Liban en 2006.

« Je suis quelqu’un de très engagé depuis très longtemps et je ne peux pas penser et lutter sans être sur le terrain », affirme celle dont toutes les entreprises sont portées par « l’espoir d’un changement socio-politique à travers les arts et la culture ».

Cette activiste et militante pour la paix au Liban et au Moyen-Orient, ainsi que pour les droits de l’homme et la défense des droits des femmes, croit profondément au pouvoir de l’art comme vecteur de réalisation de ces combats. Mais également à l’importance de « l’initiation des étudiants au dialogue interreligieux et interculturel pour l’édification de sociétés inclusives ». Partie enseigner à l’Université américaine de Dubaï durant quelques années, elle revient, définitivement cette fois, en 2018. Celle qui reprend à son compte cette formule du philosophe Régis Debray « J’ai toujours été entre le papillonnage et le forage » pour expliquer « son goût du voyage et de l’ouverture au monde qui cohabite avec son fort attachement aux racines » croit à l’urgente nécessité de l’activisme artistique en temps de troubles et de bouleversements. D’où son implication fervente dans Nabad.

Dans les jours qui ont suivi la cataclysmique double explosion au port de Beyrouth en août dernier, alors que la ville est encore recouverte de débris de verre et de métal, Pamela Chrabieh, chercheuse, auteure universitaire, artiste et activiste, reçoit un coup de fil du pasteur évangélique et président de L’Université Dar al-Kalima pour les arts et la culture à Bethléem, avec qui...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut