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Il était libre Lokman Slim

Hier, nous avons perdu un contributeur. Nous avons perdu un auteur. Certains, au sein de la rédaction, ont perdu un ami.

Quatre balles dans la tête, une dans le dos, au détour d’un chemin au Liban-Sud. Il faut noter avec quelle lâcheté les assassins de Lokman Slim ont opéré. D’un côté, un homme dans sa Toyota Corolla de location, armé de ses mots et de ses convictions. Peut-être avait-il une cigarette entre les doigts aussi... De l’autre, celui qui, entre chien et loup, exécutant probablement les ordres de commanditaires incapables de s’élever à la hauteur du verbe, a appuyé sur la gâchette.

Ce n’est pas qu’un homme, hier, que l’on a assassiné au Liban. En abattant Lokman Slim, cet intellectuel, cet écrivain, ce chercheur, éditeur, militant, qui revendiquait haut et fort sa liberté de penser, ce sont des principes et des valeurs que ses assassins visaient.

Lokman Slim était un fervent critique du Hezbollah et du confessionnalisme politique en général, un ardent défenseur de la laïcité et de la démocratie. Pour les hommes de l’Iran, Lokman Slim était celui des Américains…

Peu importe, finalement, ce que pensait Lokman Slim. Et il est probable que pour lui, l’essentiel n’était pas de convaincre ses interlocuteurs.

L’essentiel était ailleurs. L’essentiel, c’était la liberté de pouvoir dire, être, débattre, penser surtout. De penser par soi-même, contre soi-même, de penser en tant qu’individu, libre de tout carcan, de toute appartenance imposée. Une liberté fondamentalement intolérable pour ceux, au premier rang desquels le Hezbollah, qui estiment qu’une appartenance communautaire, héritée à la naissance, oblige et contraint. D’autant plus intolérable quand celui qui la brandit, cette liberté, est chiite. Et Lokman Slim l’était.

Cette liberté de pensée et d’expression, ce refus des camisoles de force intellectuelles et mortifères ont valu à M. Slim tant de menaces. « Traître et collabo », « Gloire à ceux qui le réduiront au silence », « Le Hezbollah est l’honneur de la oumma », pouvait-on lire, entre autres, sur les murs de sa maison, fin 2019, alors qu’il était la cible d’une virulente campagne d’intimidation. À l’époque, il avait fait assumer « aux forces du fait accompli, représentées par sayyed Hassan Nasrallah et le président Nabih Berry, l’entière responsabilité de ce qui pourrait lui arriver » et disait placer « sous la protection de l’armée » sa famille et sa maison.

Cette maison. Parlons-en de cette maison. Cette demeure familiale et son hangar abritaient, au cœur de la banlieue sud, un espace de recherche, notamment sur la mémoire de la guerre, un espace culturel et artistique aussi. Quand l’on franchissait le grand portail de métal, dans une ruelle au cœur de Haret Hreik, il se passait un phénomène étrange, l’impression d’entrer dans un autre monde. Par la force et le courage de Lokman Slim, de son épouse Monika, de sa sœur Rasha et de tous ceux rassemblés autour d’eux, existait, au cœur d’un bastion du Hezbollah, un improbable havre où la parole était libre, la pensée et les mots aussi.

Hier, c’est cette liberté que certains ont voulu assassiner.

Il en fallait du courage pour être ce qu’il était, parler comme il parlait, écrire ce qu’il écrivait. Sa sœur, Rasha al-Ameer, raconte que son frère lui avait assuré, un jour, ne pas avoir peur de la mort. Tout le monde a peur de la mort. Il en fallait du courage pour vivre avec et continuer malgré cette peur.

Le virus de la peur, c’est aussi ce que les assassins de Lokman Slim cherchent assurément à propager alors que le Liban en crise est à une phase critique de son histoire, après la révolte d’octobre 2019 et avant les législatives prévues en 2022. Il s’agit là du pire des virus.

Aujourd’hui, Lokman Slim n’est plus. Mais ses mots restent. Cinq balles ne peuvent les effacer. Aujourd’hui, ce courage, qu’il a payé au prix le plus fort, nous oblige.


Hier, nous avons perdu un contributeur. Nous avons perdu un auteur. Certains, au sein de la rédaction, ont perdu un ami.Quatre balles dans la tête, une dans le dos, au détour d’un chemin au Liban-Sud. Il faut noter avec quelle lâcheté les assassins de Lokman Slim ont opéré. D’un côté, un homme dans sa Toyota Corolla de location, armé de ses mots et de ses convictions. Peut-être...

commentaires (3)

Lokman Mohsen Slim a été victime de l’obscurantisme venant de la rive Est du Golfe persique qui l’a atteint de plein fouet. Le Liban existe depuis la nuit des temps et ses tueurs ne sont que des insectes éphémères.

Un Libanais

19 h 54, le 05 février 2021

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Commentaires (3)

  • Lokman Mohsen Slim a été victime de l’obscurantisme venant de la rive Est du Golfe persique qui l’a atteint de plein fouet. Le Liban existe depuis la nuit des temps et ses tueurs ne sont que des insectes éphémères.

    Un Libanais

    19 h 54, le 05 février 2021

  • Ces lâches qui a court d’argumentations et d’actes pour justifier leur trahison et leur incompétence, ils utilisent les armes et la violence pour prouver leur supériorité qui n’est autre que lâcheté et barbarie pour faire taire les prêcheurs de la lumière et de la liberté. Je suis très étonnée de constater que les citoyens de la banlieue sud restent impassible face à de tels crimes commis en leurs noms et qui ne font de les distancier de leurs compatriotes qui veulent les sauver des griffes de cette milice mafieuse pour enfin leur donner la parole.

    Sissi zayyat

    12 h 02, le 05 février 2021

  • LIBANAIS, LIBEREZ-VOUS DU CARCAN PERSE QUI VOUS ETOUFFE ET VOUS DETRUIT EN DETRUISANT VOTRE PAYS ET EN VOUS AFFAMANT ET ESSAYANT DE SEMER LA PEUR DANS VOS AMES ET VOUS FAIRE TAIRE. LIBEREZ-VOUS, LIBEREZ VOS FAMILLES ET LIBEREZ VOTRE PAYS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 56, le 05 février 2021

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