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Moyen-Orient - Éclairage

Les dossiers prioritaires de Joe Biden au Moyen-Orient

Le nouveau locataire de la Maison-Blanche devrait rapidement se pencher sur le dossier du nucléaire iranien et adopter une politique plus nuancée à l’égard de Riyad.

Les dossiers prioritaires de Joe Biden au Moyen-Orient

Rencontre en mars 2016 entre le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et Joe Biden, à l’époque vice-président américain, à Washington. Files/Andrew Caballero-Reynolds/AFP via Getty Images

Sortie de Washington de l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA) de 2015, normalisation des relations entre Israël, et notamment Bahreïn et les Émirats arabes unis, imposition puis levée du blocus lancé par Riyad et ses alliés contre le Qatar ou encore expansion de l’influence turque dans les conflits régionaux… Quatre ans après avoir quitté ses fonctions de vice-président des États-Unis, c’est un Moyen-Orient au visage différent sur le plan géopolitique que Joe Biden s’apprête à retrouver aujourd’hui en tant que nouveau locataire de la Maison-Blanche. Bien que les problématiques régionales ne devraient pas figurer en tête de liste des priorités du nouveau président américain, qui prend les rênes d’un pays miné par les divisions sociales et une économie mal en point suite à la pandémie de Covid-19, Joe Biden et ses conseillers devraient rapidement se positionner sur différents dossiers.

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À l’égard de l’Iran d’abord, contre lequel Donald Trump a alimenté un discours agressif et multiplié les vagues de sanctions depuis le retrait des États-Unis, en 2018, du « pire accord jamais négocié » dans l’espoir de le faire plier. Composée de plusieurs anciens membres de l’équipe de Barack Obama et succédant à un président qui s’est évertué à défaire l’héritage de son prédécesseur, la nouvelle administration devrait s’atteler à rétablir son legs dès les premiers mois, rompant avec la diplomatie musclée de Donald Trump et renouant avec le multilatéralisme. Fervent défenseur du JCPOA, Joe Biden n’a pas caché sa volonté de faire revenir Téhéran à la table des négociations en vue de restaurer l’accord de 2015, allant jusqu’à évoquer une réintégration de Washington dans le JCPOA si la République islamique respecte « strictement » ses engagements. Mais rien n’est joué encore à ce niveau. Auditionné par le Sénat dans le cadre du processus de confirmation des individus désignés par Joe Biden pour constituer son gouvernement, le futur secrétaire d’État américain Antony Blinken a assuré mardi que le texte du JCPOA serait utilisé « comme un point de départ, avec nos alliés et partenaires qui seraient à nouveau du même côté que nous, pour rechercher un accord plus fort et plus durable ». Cependant, « nous en sommes encore loin », a-t-il souligné.

Tâche délicate

Malgré les tentatives de médiation du côté européen pour maintenir l’accord en place, le président iranien Hassan Rohani avait annoncé en 2019 la décision de Téhéran de « s’affranchir » de toutes ses obligations dans le cadre du JCPOA. Une position qui s’est raidie au gré des évolutions régionales et dans le sillage de l’élimination par Washington du général iranien Kassem Soleimani en janvier 2020, et du meurtre du physicien nucléaire Mohsen Fakhrizadeh en novembre dernier, attribué à Israël.

La tâche de l’administration Biden s’annonce d’autant plus délicate qu’elle souhaite élargir l’accord aux activités iraniennes dans la région et à ses missiles balistiques, un point non négociable aux yeux de Téhéran. Le nouveau locataire de la Maison-Blanche dispose toutefois d’une certaine marge de manœuvre pour ramener l’Iran dans son giron. Alors que l’asphyxie de l’économie iranienne alimente la grogne populaire contre le régime, Washington pourrait conditionner une levée partielle de ses sanctions à un assouplissement de la position iranienne. En plus de tendre la main aux alliés européens des États-Unis, l’administration Biden devrait aussi chercher à rallier des partenaires régionaux dans ce dossier, à l’instar des pays du Golfe, dont la mise de côté dans les négociations de 2015 a été interprétée par la suite comme une erreur stratégique.

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Pariant sur une approche nuancée pour rééquilibrer les relations de Washington dans la région et une politique plus regardante sur la question des droits de l’homme que celle appliquée par son prédécesseur, Joe Biden devrait cependant diligemment prendre ses distances à l’égard des dirigeants de la péninsule Arabique. Le démocrate a indiqué à plusieurs reprises vouloir « réévaluer » la relation de Washington avec l’Arabie saoudite, qui est sous le feu des critiques aux États-Unis depuis le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul en 2018 et des violations des droits de l’homme commises par la coalition menée par le royaume au Yémen. Une vision qui pourrait se traduire concrètement par un arrêt de l’aide américaine à la coalition menée par l’Arabie saoudite et les EAU depuis 2015 pour appuyer le gouvernement yéménite face aux rebelles houthis, ou encore par l’imposition de limites aux ventes d’armes américaines à Riyad et aux EAU tant que le conflit yéménite n’est pas résolu – des options que l’administration Trump a refusé de considérer. Si l’interruption du soutien américain à la coalition devrait « se faire très rapidement », Antony Blinken a également précisé mardi que la désignation des rebelles comme organisation terroriste, entrée en vigueur lundi, sera « réexaminée immédiatement » dans le but de s’assurer qu’elle « n’entrave pas l’acheminement de l’aide humanitaire ».

Impact des sanctions

Des décisions qui n’annoncent pas pour autant une rupture entre Washington et le Golfe, alors que l’Arabie saoudite y reste son alliée principale. La tendance dans la région semble également à l’apaisement suite à la levée du blocus contre le Qatar et au rapprochement avec Israël, l’autre allié-clé de Washington, dans le but de consolider le front anti-iranien. Ces conditions pourraient encourager d’autres pays du Conseil de coopération du Golfe à emboiter le pas à Bahreïn et aux EAU, et normaliser leurs relations avec l’État hébreu. Des éléments que l’équipe de Joe Biden devraient prendre en compte dans ses calculs régionaux alors qu’elle ne s’apprête pas à renverser les acquis de l’administration précédente sur le dossier israélo-palestinien, à l’instar du déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem. Antony Blinken a toutefois réaffirmé que la nouvelle administration américaine souhaite renouer avec la solution à deux États, bien que « de manière réaliste, il est difficile de voir des perspectives à court terme pour aller de l’avant ». « Ce qui serait important, c’est de s’assurer qu’aucune des parties ne prend des mesures qui rendent le processus plus difficile qu’il ne l’est déjà », a-t-il insisté.

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Le changement de méthode de l’administration démocrate sur la scène diplomatique devrait également s’appliquer à la Turquie alors que Joe Biden et ses conseillers se sont montrés très critiques à l’égard des activités turques dans la région, notamment contre les forces kurdes que les États-Unis ont appuyées dans le cadre de la lutte contre l’État islamique. Alors que les deux alliés au sein de l’OTAN sont aussi à couteaux tirés suite à l’acquisition par la Turquie du système de missiles aériens russes S-400 en 2017, Joe Biden devrait opter pour un ton ferme à l’égard d’Ankara en dépit des appels au dialogue et à la levée des sanctions américaines du côté turc. « La Turquie est un allié qui, à bien des égards... n’agit pas comme un allié », a déclaré Antony Blinken mardi. « Je pense que nous devons nous pencher sur l’impact que les sanctions existantes ont eu et ensuite déterminer si (il y a) plus à faire », a-t-il estimé. Tout en maintenant la politique de désengagement militaire des États-Unis, la nouvelle administration devrait également se montrer plus dure au sujet du recours aux mercenaires étrangers en Syrie et en Libye par la Turquie et la Russie. Alors que plusieurs membres de l’équipe de Joe Biden étaient aux premières loges lors de la gestion du conflit en Syrie sous Barack Obama, ils devraient aussi tenter de faire revenir les États-Unis dans le jeu diplomatique sur le dossier syrien dont ils ont été isolés ces dernières années. L’occasion pour l’équipe Biden de réajuster sa politique à l’égard de Damas alors que les retombées de la politique menée par les démocrates entre 2011 et 2016 ont été vécues comme un échec. En 2013, l’administration Obama n’avait finalement pas répondu au recours aux armes chimiques par le régime syrien, ligne rouge que Washington avait pourtant elle-même fixée, laissant ainsi la voie libre dans le conflit au président syrien Bachar el-Assad.

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