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Politique - Liban

Nasrallah : N’attendez pas l’administration Biden pour la formation du gouvernement

Le secrétaire général du Hezbollah critique vertement le juge Fadi Sawan, en charge de l'enquête sur l'explosion meurtrière au port de Beyrouth.

Nasrallah : N’attendez pas l’administration Biden pour la formation du gouvernement

Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah (c), sous haute escorte, lors d'une apparition en public, le 17 septembre 2012 dans la banlieue sud de Beyrouth. Photo REUTERS/Sharif Karim

Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a appelé les responsables libanais à hâter la formation du gouvernement qui se fait attendre depuis août dernier, les incitant à ne pas attendre la nouvelle administration du président américain élu, Joe Biden, qui, selon lui, ne pourra pas faire bouger ce dossier, alors que le Liban continue de s'enfoncer dans une grave crise. Le leader chiite a en outre vertement critiqué le juge Fadi Sawan, en charge de l'enquête sur la gigantesque explosion au port de Beyrouth, le 4 août dernier, l'appelant "rectifier de trajectoire", après que celui-ci eut inculpé le Premier ministre sortant, Hassane Diab, et trois anciens ministres, alliés au Hezbollah.

"Crise de confiance"
En ce qui concerne la question de la formation du gouvernement, le chef du Hezbollah a admis que "les choses sont compliquées". "Il a été dit que le Hezbollah bloque la formation du gouvernement (en attendant l’entrée en fonction du président américain élu Joe Biden), mais cela n’est pas vrai. Qu’il s’agisse de l’administration Trump ou celle de Biden, cela ne change pas grand chose", a estimé le dignitaire chiite. "Il a également été dit que Saad Hariri attend le départ de l’administration Trump pour former son gouvernement car il est menacé de sanctions au cas où il nomme telle ou telle personne à des ministères. Mais il nous a dit que cela n’est pas vrai", a-t-il ajouté. S'adressant à ceux qui misent sur un retour de Téhéran et de Washington à la table des négociations après le départ de Trump, Hassan Nasrallah a déclaré : Il n’y a pas de négociations américano-iraniennes, que ce soit sur le Liban ou sur d’autres dossiers. Que personne n’attende cela en vain. Si certains au Liban attendent l’administration Biden pour voir sa position à l’égard du gouvernement, cela veut dire que la formation du cabinet devra encore attendre très longtemps", a prévenu Hassan Nasrallah. Qui a le temps de toute façon aux Etats-Unis de se préoccuper du Liban ?", s'est-il interrogé.

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Car oui, il y a une crise de confiance au Liban, sachant que des dossiers vont être ouverts, notamment en justice. Certaines formations politiques s’estiment menacées dans leur existence. Elles veulent des garanties", a estimé Hassan Nasrallah, dans une allusion à son allié chrétien, le Courant patriotique libre de Gebran Bassil. "Le problème ne se situe pas au niveau d’un ministre par ci, ou d’un ministre par là. Cela relève de la simplification. Nous devons pouvoir faire quelque chose d’ici le 20 janvier, date du départ de Donald Trump. Profitons du temps pour trouver des solutions et donner des garanties à ceux qui en réclament. Un gouvernement est essentiel pour mettre le pays sur le bon chemin, mais le cabinet ne détient pas une baguette magique", a encore plaidé le chef du Hezbollah.

Le Premier ministre Hassane Diab avait démissionné le 10 août 2020, six jours après la gigantesque explosion meurtrière au port de Beyrouth. L'ambassadeur Moustapha Adib avait été désigné pour lui succéder, mais il avait finalement jeté l'éponge faute d'avoir pu mettre sur pied une équipe. Saad Hariri a été nommé le 22 octobre dernier afin de constituer un gouvernement de "mission" formé d'"experts", dans l'esprit de la feuille de route annoncée le 1er septembre à Beyrouth par le président français Emmanuel Macron. Mais les tiraillements politiques entre le président Aoun et son camp d'un côté, et Saad Hariri de l'autre bloquent toujours cette formation. Certains observateurs évoquent également les circonstances régionales, voire internationales, pour expliquer ce retard.

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Pour tenter de réactiver ce dossier, le patriarche maronite effectue depuis plusieurs jours une médiation entre MM. Aoun et Hariri. C'est dans ce contexte qu'il a reçu le chef de l'Etat jeudi à Bkerké. Une réunion à laquelle était censé prendre part Saad Hariri, rentré d'un déplacement d'ordre familial à l'étranger. Mais celui-ci s'en est absenté, et aucune percée ne semble avoir été réalisée à l'issue de l'entretien Aoun-Raï. Selon plusieurs milieux, M. Hariri devrait bientôt se rendre à Bkerké, dans le cadre des efforts de médiation en cours.

"Pourquoi mentir et déformer la réalité ?"
Deuxième sujet épineux évoqué par Hassan Nasrallah : l'enquête sur la double explosion meurtrière au port de Beyrouth. "Le dossier du port doit rester un dossier national. Il ne faut pas le transformer en une question communautaire ou politique pour cibler telle ou telle partie", a prévenu le leader chiite. "Nous allons, en tant que Hezbollah, suivre ce dossier jusqu’au bout, alors que dans le pays, il y a une volonté de ralentir l’enquête" a-t-il encore estimé. "Je m’engage devant les Libanais : ce dossier doit aboutir à ses fins, en raison de son caractère humanitaire, et parce que ce dossier a été instrumentalisé contre le Hezbollah de la part de certaines formations politiques et certains médias au Liban et à l’étranger. La vérité doit être dévoilée et les responsables jugés".

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La double explosion au port de Beyrouth ont fait plus de 200 morts et des milliers de blessés. Elles ont été provoquées par la présence dans un hangar depuis des années de 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium, stockées sans mesure de précaution, une situation connue par de nombreux responsables politiques, sécuritaires et judiciaires. Pour beaucoup de Libanais, les autorités sont responsables de la catastrophe du 4 août en raison de leur négligence. Chargé de l'enquête, le juge Fadi Sawan avait inculpé le 10 décembre le Premier ministre démissionnaire Hassane Diab, et trois anciens ministres, Ali Hassan Khalil (Finances), Ghazi Zeaïter et Youssef Fenianos, qui avaient tous deux dirigé le ministère des Travaux publics et des Transports. Les quatre sont accusés de "négligence et d'avoir provoqué des centaines de décès". Il s'agissait des premières inculpations de responsables politiques annoncées quatre mois après le drame. Plusieurs cadres sécuritaires et portuaires, notamment l'ancien directeur de la société qui gère le port, ainsi que le directeur des douanes, sont déjà sous les verrous. Ces inculpations ont toutefois provoqué une levée de bouclier au sein de la classe politique. Les mis en cause affirment que l'inculpation doit se faire à travers un vote au Parlement. L'enquête a été suspendue suite à deux recours pour "suspicion légitime" présentés par deux députés et ex-ministres accusés ayant réclamé la récusation du magistrat en charge de l'enquête.

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La population n’a-t-elle pas le droit de connaître les conclusions de l’enquête? Dites à la population si l’explosion est due à des frappes aériennes, ou à un acte militaire. Pourquoi ne voulez-vous pas dire la vérité aux gens ? Pourquoi mentir et déformer la réalité et faire de l’incitation sectaire et du ciblage politique ?", a encore demandé Hassan Nasrallah, en critiquant les autorités en charge de l'enquête. "Je demande aujourd’hui au commandement de l’armée libanaise et aux Forces de sécurité intérieure de dire aux Libanais : voici les conclusions de l’enquête. Pourquoi les proches des martyrs ne savent toujours pas comment ceux-ci sont morts ? La vérité est encore occultée. Cinq mois après, vous ne savez toujours pas pourquoi ce nitrate d’ammonium est arrivé au Liban ? Qui a réceptionné ce stock ? Cela doit à présent être connu et le sujet doit être clos. Les résultats de l’enquête doivent être connus", a insisté Hassan Nasrallah.
 "Le juge en charge de l’enquête ne dit rien aux gens, et cherche à identifier les responsabilités administratives. Mais qu’il nous dise d’abord comment le nitrate est arrivé dans le pays. Ce ne sont pas une poignée de manifestants qui vous rendent forts. C’est en disant la vérité à la population libanaise que vous l'êtes, monsieur l’enquêteur", a encore martelé Hassan Nasrallah, en apostrophant le juge Sawan. "La manière de travailler est suspecte. Les dernières poursuites contre le Premier ministre sortant et les anciens ministres semblaient suspectes, comme si l’on choisissait un bouc-émissaire de chaque communauté. Il faut rectifier la trajectoire de l’enquête. Si vous continuez de la sorte, nous n’aurons pas de résultats", a-t-il prévenu.

Coronavirus
Dans son discours fleuve retransmis en direct à la télévision, le chef du Hezbollah est également revenu sur la situation sanitaire alarmante au vu de la propagation de la pandémie du coronavirus, et alors que le pays est à son deuxième jour d'un nouveau confinement de trois semaines miné par une longue série d'exceptions pour des considérations d'ordre économique. "Il y a un débat parmi les responsables, les experts et la population autour de la fermeture du pays et les considérations sanitaires et économiques. Ce débat est présent partout dans le monde. Ne nous auto-flagellons pas, car les gouvernements les plus puissants n’arrivent pas à résoudre cette question, alors que nous, nous n’avons qu’un gouvernement sortant qui fait son possible", a estimé Hassan Nasrallah, dans un effort pour dédouaner les autorités. "Personnellement, j’estime qu’il ne faut pas attendre grand chose de la part de l’Etat. Le gros de la responsabilité incombe à la population. Celle-ci ne se protège pas. Et cela fait un moment que nous disons que cela est un crime. Nous pouvons alléger ou annuler le bouclage total, à condition que les gens respectent les mesures de prévention", a-t-il affirmé. "5.400 cas de contaminations aujourd’hui au Liban : ce chiffre est très dangereux. Vous attendez le vaccin ? Que personne ne pense qu’avec l’arrivée du vaccin nous aurions trouvé la solution. Tous les Libanais et les résidents dans le pays doivent faire preuve de responsabilité. Tous ceux qui manquent à leur devoir et qui commettent un crime, prémédité ou non, seront jugés par Dieu", a prévenu le chef du Hezbollah.

Al-Qard al-Hassan
Hassan Nasrallah a enfin abordé la question du piratage d'Al-Qard al-Hassan, le plus grand organisme de microcrédits du pays, affilié au Hezbollah. "Cette société est ouverte à tout le monde et non seulement aux partisans du Hezbollah. Tous ceux qui veulent y contribuer sont les bienvenus", s'est d'emblée défendu le leader chiite. 
"Cette société ne finance pas le Hezbollah. Elle ne réalise pas de gains et n’a pas d’argent de toute façon pour le transférer au parti", a-t-il poursuivi.
 "Au Liban, une campagne médiatique a été lancée contre la société et le Hezbollah. Nous enquêtons pour savoir s’il s’agit d’un piratage ou d’un dysfonctionnement administratif ou sécuritaire. Mais tout cela vise à terroriser les clients de cette société", a estimé Hassan Nasrallah. "Ceux qui souhaitent continuer à collaborer avec la société sont les bienvenus, et ceux qui ne le souhaitent plus sont libres. La société ne va pas s’effondrer. 
Nous devons toutefois mettre notre argent au sein de Al-Qard al-Hassan pour la renforcer et pour qu’elle puisse servir toute la population sur tout le territoire", a enfin plaidé le chef du Hezbollah.

Al-Qard al-Hassan a affirmé que le piratage dont il a été victime récemment par un groupe de hackers, Spiderz, était "partiel et limité". Selon cet organisme, ce piratage n'est que l'aboutissement d'une "campagne brutale", dont il est l'objet sur les réseaux sociaux, dans les médias et en politique. "Spiderz" a infiltré les comptes et les caméras de l'organisme et publié des listes d'emprunteurs et de déposants, ainsi que les détails des prêts et le budget des agences en 2019 et 2020. Fondée en 1983 et enregistrée en tant qu’organisation non-gouvernementale depuis 1987, Al-Qard al-Hassan collecte d’un côté des dépôts non rémunérés conformément aux principes de la finance islamique, en dollars ou en livres, et octroie de l’autre des microcrédits à plus de 200.000 emprunteurs. Mais cette association basée dans la banlieue-sud de Beyrouth, qui emploie près de 500 salariés et compte une trentaine d’agences sur l’ensemble du territoire libanais, opère totalement en marge du système financier. Considérée comme un pilier économique du Hezbollah, elle fait partie des entités sanctionnées par le Trésor américain depuis 2007, ce qui ne l’empêche pas d’être la plus grande organisation de microcrédits du pays. L’effondrement du secteur bancaire traditionnel dans un Liban en crise depuis plus d’un an n’a fait d’ailleurs que renforcer son attractivité.

Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a appelé les responsables libanais à hâter la formation du gouvernement qui se fait attendre depuis août dernier, les incitant à ne pas attendre la nouvelle administration du président américain élu, Joe Biden, qui, selon lui, ne pourra pas faire bouger ce dossier, alors que le Liban continue de s'enfoncer dans une grave crise. Le...

commentaires (10)

Comme d’habitude ces déclarations sont d’une hypocrisie extra-ordinaire. Le jour où l’Iran décidera, il y aura un gouvernement au Liban.. Tout est télécommandé par la République Islamique par l’entremise du Hozballa

DAOU Nabil

11 h 42, le 09 janvier 2021

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Commentaires (10)

  • Comme d’habitude ces déclarations sont d’une hypocrisie extra-ordinaire. Le jour où l’Iran décidera, il y aura un gouvernement au Liban.. Tout est télécommandé par la République Islamique par l’entremise du Hozballa

    DAOU Nabil

    11 h 42, le 09 janvier 2021

  • Tous ceux qui manquent à leurs devoirs et commettent des crimes seront jugés par Dieu. AMEN. L’art et la manière d’inverser les rôles et de se placer comme étant le saint des saints alors que le diable l’habite et il continue à dire nous... Nous voulons savoir qui est à l’origine de l’importation du nitrate d’aluminium mais nous ne voulons pas que d’autres pays s’en mêlent. Et pourquoi donc? Les juges et magistrats libanais sont à la merci de ses armes d’où le refus de certains de s’impliquer par peur pour leur vie si d’aventure ils dénoncent les vrais responsables qui feignent vouloir connaître la vérité. Il ânonne ces recommandations de former le gouvernement alors qu’il a tout fait pour le bloquer en exigeant le choix des ministères et des ministres piétinant ainsi notre constitution . Il renie l’implication de son parti dans l’attente des négociations des américains avec les iraniens alors qu’il ne cesse de déclarer sa fidélité au régime des mollahs aux dépens du Liban et de son peuple. Cause toujours tu nous intéresses...

    Sissi zayyat

    11 h 16, le 09 janvier 2021

  • “J’appelle à dépasser les considérations d’ordre international et que l’on se concentre sur le plan local“............HN se parle t il a lui meme ?

    HABIBI FRANCAIS

    10 h 37, le 09 janvier 2021

  • Ce monsieur declare vouloir hater l’enquete sur l’explosion criminelle du port car de fortes presomptions pesent sur la culpabilite de sa milice armee, qui contrôle tous les rouages du pays. La meilleure defense c’est l’attaque. Mais quand le juge Sawan inculpe trois ministres pro-hezbollah, c’est le chef d’orchestre Berry, encore un pro-hezbollah, qui stoppe le processus. Le malheur c’est que tant que Aoun, Hariri , Berry , Frangieh, Bassil, et autres Elie Ferzli, possedent le pouvoir d’entraver la justice la verite ne verra jamais le jour. Aucune credibilite a ces politiciens soumis.

    Goraieb Nada

    09 h 54, le 09 janvier 2021

  • Pourquoi une photo de Tonton Nasrallah datant de...2012...?...Est-il moins photogénique dans son bunker sous-terre...en 2021...??? - Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 24, le 09 janvier 2021

  • C’est ça Monsieur Nasrallah, on renforce Qard El Hassan pour accentuer votre main mise sur tout et financer notre propre destruction. Arrêtez d’insulter notre intelligence.

    Jocelyne Hayeck

    08 h 22, le 09 janvier 2021

  • Le 17 décembre 2020 le porte-parole en langue Française du Hezb écrivait cet article : Pour le Hezbollah, la priorité est d’aider son environnement populaire à tenir cinq ou six mois... https://bit.ly/2WopKK8 Il y a six mois le Hezbollah attendait le résultat des élections américaines. Aujourd'hui il attend six mois pour sentir l'effet de la politique Biden. 

    Zovighian Michel

    04 h 11, le 09 janvier 2021

  • "... Nasrallah : N’attendez pas l’administration Biden pour la formation du gouvernement ..." - Qu’est-ce que vous attendez? Le patron a parlé, alors EXÉCUTION!

    Gros Gnon

    00 h 19, le 09 janvier 2021

  • A propos de l'explosion au port de Beyrouth, c'est à vous de dire la vérité aux gens car vous connaissez le propriétaire des nitrates et à quoi/ à qui ces produits peuvent servir. Vous savez également si l'explosion est due à des frappes aériennes ou non. Bref, vous connaissez mieux que tout le monde les conclusions de l'enquête.

    Achkar Carlos

    00 h 08, le 09 janvier 2021

  • Elle est bien bonne celle-là! Hahahahaha.... N’attendez pas l’administration Biden pour la formation du gouvernement .... On pourrait dire, et n’attendez pas l’administration Biden pour livrer le pays au Hezbollah pour qu’il le sauve ! hahahhahaha...

    LeRougeEtLeNoir

    23 h 04, le 08 janvier 2021

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