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Société - Covid-19

Abdel Rahman Bizri tire la sonnette d’alarme : Bientôt, on parlera du « scénario libanais »...

Le Liban figure parmi les pays où le coronavirus se propage le plus. L’absence d’une stratégie nationale, le manque de sérieux dans l’application et le contrôle du bouclage, l’irresponsabilité de la population... autant de facteurs qui ont contribué à l’aggravation de la situation.

Abdel Rahman Bizri tire la sonnette d’alarme : Bientôt, on parlera du « scénario libanais »...

Pour Abdel Rahman Bizri, la discipline est dans l’immédiat la seule solution pour lutter contre le Covid-19. Photo tirée de la page Facebook du Dr Bizri

D’un pays classé parmi ceux qui géraient le mieux le Covid-19 au cours des premiers mois de la pandémie, le Liban est passé, moins d’un an après l’annonce du premier cas le 21 février 2020, à la catégorie des pays où le virus est fortement propagé avec un taux de positivité de 14,4 %. La situation est appelée à empirer au cours des prochains jours, notamment suite au comportement irresponsable observé à l’occasion des fêtes de fin d’année, et qui sans doute se produira à nouveau ce soir dans le cadre des « soirées prébouclage ».

Pourquoi cette détérioration dans la lutte contre la pandémie ? À qui en incombe la responsabilité ? Où le gouvernement a-t-il échoué ? À la veille d’un troisième confinement total du pays à partir de demain et jusqu’au 1er février, qui pourrait être renouvelé si les objectifs fixés ne sont pas atteints, Abdel Rahman Bizri, spécialiste en maladies infectieuses et président de la commission chargée des préparatifs du vaccin anti-Covid-19, fait, pour L’Orient-Le Jour, un tour d’horizon de la situation.

Quels sont les principaux défis que présente ce nouveau bouclage ?

Le principal défi est de savoir si le gouvernement sera capable de l’imposer dans toutes les régions et faire respecter les gestes barrières, principalement pour ce qui est du port des masques et de l’interdiction des rassemblements dans les endroits exemptés, comme les supermarchés, où le flux des clients n’est pas toujours contrôlé.

Le deuxième défi est d’ordre logistique et consiste à savoir comment ce bouclage sera contrôlé et qui va en être responsable. Si le gouvernement compte sur les municipalités pour le faire, je peux vous assurer dès à présent que ça ne mènera à rien. À mon avis, il faudrait que tout contrevenant soit poursuivi judiciairement pour contribution à la propagation de la pandémie. Un délit passible de trois à six mois de prison, conformément aux dispositions de l’article 604 du code pénal.

Un autre défi est celui lié à la réouverture du pays. Le gouvernement profitera-t-il de cette période pour l’organiser selon une stratégie claire, ou continuera-t-il à échouer à ce niveau aussi, comme il l’a fait après chaque bouclage ?

Enfin, il faudrait voir si nous serons capables d’améliorer la situation du secteur sanitaire au cours de cette période.

Quels sont les problèmes liés à ce secteur ?

Le problème majeur reste le fait que la majorité des hôpitaux privés ne sont pas impliqués dans la lutte contre le Covid-19. Ils ont partiellement raison, parce que certains des tiers payants publics ne se sont toujours pas acquittés de leurs dus envers eux. Pour leur part, les assurances privées se dérobent à leurs responsabilités concernant la couverture des cas de Covid-19. Il faut répartir les responsabilités. Le ministère de l’Économie a un rôle à jouer, d’autant que le Covid-19 n’est pas uniquement une question de santé ou de bouclage. Il y a des responsabilités partagées.

Quid de la stratégie nationale de lutte contre le Covid-19 ?

Ce qui est sûr, c’est qu’il n’en existe pas. Tout le monde mise sur le vaccin. Nous allons le recevoir en février, mais il faut au moins six mois à un an pour atteindre un taux de vaccination suffisant pour créer une immunité collective. Entre-temps, il faut adopter une stratégie claire qui comprend des chapitres relatifs à la vaccination, à l’amélioration des unités Covid-19 dans les hôpitaux, mais aussi aux responsabilités que doivent assumer les autres administrations, comme celles de l’Éducation, du Commerce et de la Justice, pour pouvoir passer le cap de cette catastrophe.

Pourquoi le Liban a-t-il échoué dans la lutte contre la pandémie ?

Sur le plan sociétal, les gens ont fait preuve d’irresponsabilité. Nous sommes un peuple indiscipliné. La seule façon de le contrôler est de lui imposer des sanctions. C’est à l’État de faire respecter ses décisions, sinon il est inutile d’en prendre. Si on ne veut pas être sérieux au niveau du suivi et des sanctions infligées aux contrevenants, on continuera à tourner dans un cercle vicieux, c’est-à-dire qu’on va continuer à boucler le pays et à le rouvrir.

Le ministre sortant de l’Intérieur, Mohammad Fahmi, a été franc en déclarant qu’il y a des régions qui refusent de se conformer aux décisions et en confiant qu’il n’avait pas la capacité de les faire appliquer dans certaines zones. Cela nuit aux régions qui se conforment aux décisions. Les gens doivent comprendre qu’en enfreignant la loi, ils sont en train de se nuire à eux-mêmes et par conséquent à leur famille et leur entourage. Il faut arrêter de faire les malins.

Peut-on concilier les considérations économiques et sanitaires dans la lutte contre le virus ?

La solution, c’est d’être disciplinés. Malheureusement, nous avons échoué à l’être. D’une part, nous manquons d’éveil social, puisque les gens ont échoué à protéger leurs aînés et leur société. D’autre part, l’État n’a pas su assumer ses responsabilités. Les chefs religieux n’ont pas non plus aidé dans cette lutte. Leurs sermons et prêches continuent à être axés sur la politique.

Mais le problème n’est pas inhérent au Liban…

C’est vrai. L’Angleterre est maintenant entièrement bouclée par exemple. Mais dans ces pays, il est possible d’appliquer les décisions, ou encore d’indemniser la population. Ce qui n’est pas le cas chez nous.

Le Liban figure au nombre des pays où le taux de positivité est des plus élevés (14,4 %, selon le bilan du ministère de la Santé), mais aussi celui où il y a le moins de mortalité. Cette hausse des cas est due à l’insouciance populaire.

À mon avis, on ne tardera pas à parler de « scénario libanais » (en référence au « scénario italien », lors de la première vague de la pandémie, quand la péninsule avait été balayée par le virus et les hôpitaux totalement débordés par l’afflux de patients, NDLR). La différence entre le Liban et des pays comme l’Espagne ou l’Italie, c’est que le gouvernement de ces pays est capable de demander des comptes, d’imposer des bouclages, mais surtout d’indemniser les gens. L’État libanais est incapable d’imposer le bouclage sur l’ensemble du territoire, de demander des comptes et encore moins d’indemniser la population.

C’est donc la responsabilité individuelle qui prime.

D’un pays classé parmi ceux qui géraient le mieux le Covid-19 au cours des premiers mois de la pandémie, le Liban est passé, moins d’un an après l’annonce du premier cas le 21 février 2020, à la catégorie des pays où le virus est fortement propagé avec un taux de positivité de 14,4 %. La situation est appelée à empirer au cours des prochains jours, notamment suite au...

commentaires (4)

Je doute fort que le Liban a bien géré la pandémie: les tests étaient simplement ridiculement insuffisants en nombre

Kettaneh Tarek

19 h 43, le 12 janvier 2021

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Commentaires (4)

  • Je doute fort que le Liban a bien géré la pandémie: les tests étaient simplement ridiculement insuffisants en nombre

    Kettaneh Tarek

    19 h 43, le 12 janvier 2021

  • "D’un pays classé parmi ceux qui géraient le mieux le Covid-19 au cours des premiers mois de la pandémie, le Liban est passé, moins d’un an après l’annonce du premier cas le 21 février 2020, à la catégorie des pays où le virus est fortement propagé avec un taux de positivité de 14,4 %."......oui? Et alors? De la Suisse de l'orient et le Paris du moyen orient à la poubelle de la région et le symbole de la corruption mondiale! à quoi devait-on s'attendre? Il faut être logique dans la vie!

    Wlek Sanferlou

    23 h 20, le 07 janvier 2021

  • DE QUEL SCENARIO LIBANAIS CAR LE LIBAN EST DEVENU GRACE AUX MAFIEUX QUI L,ONT GOUVERNE ET GOUVERNENT L,EXEMPLE DE L,ANARCHIE ET DE L,ALIBABISME PAR EXCELLENCE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 06, le 06 janvier 2021

  • Dr Abdel Rahman Bizri a raison. En bref nous sommes loin de la civilisation. Triste.

    Antoine Sabbagha

    13 h 35, le 06 janvier 2021

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