
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, le président américain, Donald Trump, et le ministre émirati des Affaires étrangères, Abdallah ben Zayed al-Nahyane, signant les accords d’Abraham le 15 septembre 2020 à Washington. Photo d’archives AFP
L’Unrwa (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient) pourrait être l’un des dommages collatéraux du réchauffement entre les Émirats arabes unis et Israël. C’est du moins ce que laisse entendre le journal Le Monde dans un article paru la semaine dernière, où il affirme que les responsables émiratis réfléchissent à un plan d’action destiné à faire disparaître progressivement l’agence onusienne chargée des réfugiés palestiniens, sans conditionner cette évolution à une résolution du problème des réfugiés. Ce projet aurait été posé sur la table depuis l’annonce de la normalisation entre ce pays du Golfe et l’État hébreu en août dernier. « C’est une période de lune de miel entre Israël et les Émirats arabes unis, et ces derniers ne sont pas d’humeur à leur dire “non” sur à peu près quoi que ce soit. Si les Israéliens leur demandent de les aider à éliminer l’Unrwa, la réponse ne sera probablement pas catégoriquement négative », estime Hussein Ibish, analyste à l’Arab Gulf States Institute, contacté par L’Orient-Le Jour.
Si la nouvelle venait toutefois à se confirmer, ce serait un geste de plus de la part d’Abou Dhabi dans le but de satisfaire son nouvel allié, pour qui l’Unrwa est un obstacle à la paix qui entretient le « mythe » du droit au retour des réfugiés chassés de leur terre en 1948. Mais il mettrait surtout terriblement à mal la pérennité de cette agence déjà confrontée à une grave crise financière depuis l’arrêt des financements américains. En septembre 2018, l’administration Trump avait pris la décision d’abandonner la participation des États-Unis au financement de l’agence onusienne, qui fournit des aides à plus de trois millions de réfugiés sur les cinq millions enregistrés comme tels. Ces aides se traduisent notamment par un accès à l’éducation et aux soins de santé. Estimant que cette agence avait « fait son temps », les Américains, jusque-là principaux donateurs, avaient mis fin à l’aide de 300 millions de dollars alloués chaque année. Du côté des responsables palestiniens, cette décision avait alors été perçue comme « cruelle et irresponsable ».
Pour pallier ce manque, l’Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats avaient alors soutenu l’agence ces dernières années. « Les Émirats arabes unis ont été un partenaire fiable de l’Unrwa au fil des ans. Il existe une sympathie publique pour les réfugiés palestiniens sur une base humanitaire, même s’il y a de l’exaspération à l’égard de l’Autorité palestinienne et de la désunion entre les dirigeants politiques palestiniens », rappelle David Mack, expert à l'Atlantic Council à Washington et ancien ambassadeur américain aux EAU, contacté par L’OLJ.
Détourner le regard
Selon les chiffres fournis à L’OLJ par l’Unrwa, Abou Dhabi a contribué à hauteur de près de 54 millions de dollars en 2018, 51 millions en 2019. « 2020 a été notre pire année au niveau financier et les fonds en provenance de la région ont fortement diminué », déplore Tamara al-Rifaï, porte-parole de l’Unrwa contactée par mail. Seul un million de dollars ont été envoyés par les EAU en 2020.
En signant les accords d’Abraham en septembre dernier, les Émirats arabes unis se sont démarqués de l’Initiative de paix arabe de 2002, qui conditionne toute normalisation avec l’État hébreu à la création d’un État palestinien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. Mais pour les experts, il paraît peu probable qu’Abou Dhabi cherche à « éliminer » l’Unrwa ou qu’il détourne complètement le regard de la question des réfugiés. « Le Commissaire général de l’Unrwa était à Abou Dhabi en mission officielle en novembre dernier et prévoit d’y retourner début 2021. De plus, les EAU président la Commission consultative de l’Unrwa cette année, ce qui montre que l’engagement continue », poursuit Tamara al-Rifaï.
La prorogation de l’Unrwa jusqu’en juin 2023 a été votée par l’Assemblée générale de l’ONU en décembre 2019, en dépit des difficultés financières et des tentatives de décrédibilisation à la fois d’Israël et des États-Unis.
En octobre dernier, l’ambassadeur d’Israël auprès des Nations unies, Gilad Erdan, a affirmé que les manuels utilisés par les écoles gérées par l’Unrwa avaient un contenu incitatif, exigeant que l’ONU « mette fin à l’incitation et à l’antisémitisme dans les écoles de l’agence et s’engage publiquement à éliminer toute infrastructure terroriste dans ses bâtiments ». Des accusations immédiatement réfutées par l’agence.
« Tant qu’il n’y aura pas de meilleure alternative pour répondre aux besoins économiques et sociaux des réfugiés palestiniens, je ne pense pas que le gouvernement émirati se réjouirait de l’effondrement de l’Unrwa », poursuit David Mack.
Plus de 700 000 Palestiniens ont été expulsés ou ont fui leurs terres entre avril et août 1948, lors de la création de l’État d’Israël, selon l’ONU. Ces exilés et leurs descendants ont le statut de réfugiés. Israël et les États-Unis de Donald Trump s’opposent à ce que les Palestiniens puissent transmettre ce statut à leurs enfants, souhaitant ainsi réduire le nombre de personnes bénéficiant d’une aide de l’Unrwa, ce que les Palestiniens dénoncent comme une violation de leurs droits. Un changement de statut qui « n’est en aucun cas un impératif du point de vue des Émirats, donc je ne pense pas qu’ils iront très loin. Même s’ils en venaient à réduire à zéro leur aide à l’agence, ils trouveraient toujours un moyen de financer les Palestiniens autrement », estime Hussein Ibish, qui ne voit pas d’autres pays du Golfe répondre aux exigences de l’État hébreu sur ce point. Avec l’arrivée de Joe Biden le 20 janvier dans le bureau Ovale, la question sera probablement remise sur le tapis, alors qu’il y a urgence face à la possible banqueroute de l’institution. Le Canada a annoncé hier son intention de débloquer 90 millions de dollars pour l’Unrwa.
Les palestiniens pensent qu'un jour ils vont rentrer chez eux les sionistes vont prendre le reste de la Palestine et faire le grand Israel
18 h 10, le 30 décembre 2020