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Moyen-Orient - Éclairage

Les relations turco-iraniennes à l’épreuve d’une affaire d’enlèvement

Ankara accuse Téhéran d’être à l’origine du complot ayant mené au kidnapping de l’opposant suédo-iranien Habib Chaab à Istanbul, en octobre dernier.

Les relations turco-iraniennes à l’épreuve d’une affaire d’enlèvement

Le président iranien, Hassan Rohani, accueilli à Ankara par son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, le 20 décembre 2018. Adem Altan/AFP

Loin d’être le premier enlèvement de la sorte en Turquie, le sort réservé à Habib Chaab, citoyen suédo-iranien et leader du groupe séparatiste arabe iranien « Mouvement arabe de lutte pour la libération d’Ahvaz » (ASMLA), démontre une fois de plus le degré d’action des services secrets de Téhéran. Lundi 14 décembre, les autorités turques ont annoncé avoir procédé à l’arrestation de 11 personnes soupçonnées d’espionnage et impliquées dans l’enlèvement de l’opposant pour le compte de l’Iran, démentant les propos des autorités iraniennes selon lesquels ce dernier avait été extradé par la Turquie. Habib Chaab s’était rendu à Istanbul, le 9 octobre dernier, pour rencontrer une ressortissante iranienne, « Sabreen », qui s’avérera être une espionne agissant au nom des services secrets de son pays, selon la police turque, qui ajoute que l’opposant aurait ensuite été drogué et capturé avant d’être conduit de force dans la province de Van, à la frontière iranienne, pour être remis aux autorités de Téhéran. Par la suite, le captif est apparu au cours du mois de novembre dans une vidéo, diffusée à la télévision iranienne, dans laquelle il avoue travailler pour les services de renseignements saoudiens et reconnaît son implication dans l’attentat meurtrier contre un défilé militaire iranien à Ahvaz, en septembre 2018.

Cet incident fait suite à plusieurs enlèvements ou meurtres d’opposants iraniens à l’étranger par le régime de Téhéran. Lundi 14 décembre, le journaliste iranien Rouhollah Zam, installé depuis plusieurs années en France et enlevé par le régime dans des circonstances floues, a été exécuté. En 2019, Masoud Molavi Vardanjani, ancien employé du ministère iranien de la Défense connu pour critiquer son gouvernement, avait été tué par balle à Istanbul dans le cadre d’une opération commanditée par des agents de renseignements iraniens travaillant au consulat de la République islamique, selon la police turque. Deux ans plus tôt, en 2017, Saïd Karimian, un magnat des médias britannique d’origine iranienne, condamné à 6 ans de prison par contumace par la justice islamique pour diffusion de propagande antirégime, avait également été tué par balle dans les rues d’Istanbul.

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« Le régime islamique a rencontré ces dernières années une opposition massive de la part du peuple iranien. Simultanément, les sanctions américaines contre Téhéran ont limité les capacités économiques du régime et il y a moins de rentes à partager parmi l’élite. Cela a approfondi le fossé entre l’élite du régime et contribué à des luttes de pouvoir internes croissantes. Tout cela ensemble a amené l’Iran à choisir une voie agressive contre ses adversaires pour assurer sa survie », observe à L’Orient-Le Jour Arvin Khoshnood, spécialiste de l’Iran et enseignant à l’Université de Lund, en Suède, qui ajoute que « le régime a exécuté ou planifié au cours des cinq dernières années plusieurs attentats terroristes en Europe et tué ou enlevé des opposants en Turquie, en Irak et aux Émirats arabes unis ».

Les arrestations auxquelles la Turquie a procédé il y a une semaine dans le cadre de l’affaire Habib Chaab interviennent alors que les relations entre Ankara et Téhéran semblent s’être dégradées récemment. En déplacement à Bakou, le 10 décembre dernier, pour assister au défilé de victoire de l’Azerbaïdjan dans le conflit au Haut-Karabakh, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a récité un poème azéro-iranien sur la « séparation douloureuse » du territoire azerbaïdjanais entre la Russie et l’Iran au XIXe siècle. De quoi inquiéter la République islamique, qui craint l’irrédentisme de sa propre minorité azérie, habitant le nord-ouest du pays. « L’ambassadeur de Turquie a été informé que l’ère des revendications territoriales et des empires expansionnistes était révolue », a déclaré au lendemain de la visite le ministère iranien des Affaires étrangères sur son site internet, avant d’ajouter que « l’Iran ne permet à personne de se mêler de son intégrité territoriale ». La Turquie a dénoncé de son côté le « langage offensant » de Téhéran.

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Lutte contre le séparatisme

« Le régime islamique et la Turquie ont des désaccords entre autres sur la question du panturquisme et ils ont des intérêts contradictoires en Syrie, dans le Caucase du Sud et en Asie centrale. Cependant, dans le même temps, les deux États partagent de nombreux intérêts », expose Arvin Khoshnood. Alors que Recep Tayyip Erdogan tentait un rapprochement avec l’Union européenne durant le début de son mandat, il s’est ensuite peu à peu tourné vers des régimes tels que l’Iran. En plus de leur coopération économique étroite, d’autant plus importante que les deux pays font l’objet de sanctions américaines, la Turquie et l’Iran se rejoignent sur la question de la lutte contre le séparatisme. « La Turquie a principalement des problèmes avec les organisations terroristes kurdes, telles que le PKK, tandis que Habib Chaab appartient à l’organisation jugée terroriste ASMLA qui opère à l’intérieur de l’Iran. Ces intérêts communs ont permis aux régimes de coopérer, notamment sur les questions liées à la sécurité et au renseignement », ajoute le spécialiste. Ankara et Téhéran ont également des vues similaires sur la question kurde, l’Iran refusant, comme la Turquie, d’octroyer une autonomie à ces derniers par peur de perdre une partie de son territoire. Au vu de la nature de leur coopération, il n’est pas certain que l’enlèvement de Habib Chaab mette en péril les relations turco-iraniennes, qui pourraient même se renforcer. « Les opérations de renseignements iraniennes passées ou récentes sur le sol turc n’ont pas d’impact préjudiciable significatif sur les relations Téhéran-Ankara. Le régime islamique a remis plusieurs membres du PKK à la Turquie, tandis qu’Ankara a fermé les yeux sur les activités du régime en Turquie. Ces événements, qui ont suscité beaucoup d’attention dans le monde entier, se traduiront par une coopération plus intelligente en matière de renseignements entre les deux pays », conclut Arvin Khoshnood.

Loin d’être le premier enlèvement de la sorte en Turquie, le sort réservé à Habib Chaab, citoyen suédo-iranien et leader du groupe séparatiste arabe iranien « Mouvement arabe de lutte pour la libération d’Ahvaz » (ASMLA), démontre une fois de plus le degré d’action des services secrets de Téhéran. Lundi 14 décembre, les autorités turques ont annoncé avoir...

commentaires (1)

"... l’ère des revendications territoriales et des empires expansionnistes était révolue"... Laissez moi rire ! C'est l'hôpital qui se fout de la charité.

Desperados

08 h 45, le 21 décembre 2020

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Commentaires (1)

  • "... l’ère des revendications territoriales et des empires expansionnistes était révolue"... Laissez moi rire ! C'est l'hôpital qui se fout de la charité.

    Desperados

    08 h 45, le 21 décembre 2020

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