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Société - Liban-Nord

Bécharré s’insurge contre la possession d’armes par les réfugiés syriens

Après le meurtre de Joseph Tok, un calme précaire règne sur la bourgade.

Bécharré s’insurge contre la possession d’armes par les réfugiés syriens

Une rue déserte à Bécharré.

Un calme précaire règne à Bécharré, au Liban-Nord, au lendemain du meurtre d’un jeune du village, Joseph Tok, tué par balle dans la région des Cèdres par un ressortissant syrien.

Le village, perché à quelque 1 500 mètres d’altitude, est toujours sous le choc de ce crime perpétré la veille. De part et d’autre de la cathédrale Mar Saba, située au cœur du village, les ruelles semblent désertées par les habitants. En raison du bouclage total du pays à cause de l’épidémie de coronavirus, mais aussi de la tension qui a prévalu dans la nuit, les propriétaires des épiceries et les marchands de produits de première nécessité sont aux aguets. Le peu de clients qu’ils reçoivent, le visage couvert d’un masque et le regard distant, s’empressent de prendre leurs produits et de rentrer aussitôt chez eux. Quelques hommes, rassemblés par groupes de deux ou de trois, sont adossés à un mur en dessous d’un des portraits nombreux et géants du président du parti des Forces libanaises Samir Geagea et de son épouse Sethrida.

Un touriste qui débarquerait à Bécharré ne se serait douté de rien. Cependant, les véhicules transportant des réfugiés syriens serrés les uns contre les autres, avec des enfants en bas âge enveloppés de couvertures et tenus par leurs mamans, témoignent de la tension qui prévaut dans le village qui a connu une nuit trouble. Après le meurtre, plusieurs réfugiés ont préféré quitter les lieux de peur de représailles, pendant que les autorités locales appelaient au calme.

Lundi soir, un ressortissant syrien, gardien d’une villa, a tiré quatre balles sur Joseph Tok, âgé de 29 ans, le tuant net. La victime était propriétaire d’un terrain jouxtant la villa où est employé le meurtrier. Les motifs du crime sont toujours inconnus. Ils devraient être déterminés par l’enquête en cours. Selon des informations non confirmées, un litige vieux de deux ans oppose les deux hommes. Le tueur a été rapidement appréhendé par les forces de l’ordre et détenu au dépôt du sérail du village.

Le meurtre a provoqué la fureur des habitants qui ont sonné le glas dans la nuit pendant que des hommes du village se sont rassemblés devant le sérail, exigeant que le tireur leur soit remis. Pour éviter que le mouvement de colère ne dégénère, des renforts de l’armée ont été acheminés sur place. Le meurtrier a été emmené par les SR de l’armée à Tripoli où se déroule l’enquête.

Tout de suite après l’incident, quelques dizaines de journaliers syriens ont été aperçus quittant à la hâte Bécharré, où l’atmosphère était tendue. En soirée, seuls des jeunes rôdaient encore dans les rues désertes, brûlant des mobylettes appartenant à des journaliers syriens, tandis que ces derniers, nombreux dans le village et terrorisés, se barricadaient dans leurs logements de fortune par peur de représailles.

La cathédrale Mar Saba au cœur du village. Photos Ornella Antar

Un phénomène inquiétant

Dans son bureau au siège de la municipalité à Bécharré, le président du conseil municipal Freddy Keyrouz exprime d’emblée son inquiétude quant à la présence d’armes aux mains des réfugiés syriens. « Quels que soient les motifs du crime, il convient de poser tout d’abord la question suivante : pourquoi est-ce qu’un ressortissant syrien, réfugié ou journalier, posséderait une arme? » s’interroge M. Keyrouz, estimant qu’il est dès lors légitime de se demander combien d’autres réfugiés sont en possession d’armes.

Il raconte que les habitants de Bécharré ont accueilli chez eux les réfugiés depuis le début de la guerre en Syrie, il y a presque dix ans. « Il n’y a jamais eu d’incidents dus à la présence syrienne dans la ville. Bien au contraire, les réfugiés ont été bien accueillis », ajoute-t-il. « Les réfugiés et travailleurs syriens à Bécharré sont installés parmi les habitants, note-t-il, dans les mêmes quartiers et les mêmes immeubles. »

« S’ils sont gardiens de maisons et d’immeubles, cela veut dire qu’un rapport de confiance s’est installé entre eux et les habitants », explique-t-il encore. Mais ce regard a aujourd’hui changé. Le fait qu’un Syrien puisse être en possession d’armes change la donne, selon lui, et suscite l’inquiétude des villageois et des autorités locales. Tous ne parlent que de cela. « Nous appelons l’État à mener une enquête globale sur la question et à inspecter les lieux pour s’assurer que les papiers des ressortissants syriens à Bécharré sont en règle et qu’ils n’ont pas d’armes », conclut-il. Selon ses chiffres, environ 994 réfugiés et travailleurs syriens habitent à Bécharré dont 562 enfants et 154 détenteurs d’une carte de réfugié.

Joseph Ishac, député FL de Bécharré, s’interroge aussi sur la présence d’armes à feu aux mains de Syriens. « L’apparition d’une arme dans les mains d’un réfugié syrien suscite pas mal d’interrogations », commente-t-il. « Cela fait des années que nous œuvrons à trouver une solution à la crise des réfugiés syriens au Liban, mais en vain », dit-il en appelant l’État « à réglementer la présence de ces derniers à Bécharré comme partout au Liban ».

« Il est vrai que la tension était vive la nuit dans le village, mais il faut comprendre que l’atrocité du crime a provoqué la fureur des habitants », a poursuivi le député, soulignant qu’« un grand nombre d’informations ayant circulé dans certains médias et sur les réseaux sociaux étaient erronées ». Il faisait ainsi allusion à des exactions présumées contre des Syriens établis dans le village. Pour M. Ishac, la présence syrienne à Bécharré « n’a jamais causé d’ennuis avant que ce crime ne soit perpétré ».

Ne pas généraliser

Le peu d’habitants qui arpentent les rues sont tous d’accord sur l’importance de ne pas tomber dans le piège de la généralisation. « Tous les réfugiés syriens ne devraient pas payer le prix d’un crime perpétré par une seule personne », lance Tony Nehmé. Tony Rahmé abonde dans le même sens : « Quelques habitants de Bécharré ont été outrés par l’atrocité du crime, mais il faut toujours relativiser, d’autant que les réfugiés eux-mêmes se trouvent déjà dans une situation de misère », ajoute-t-il.

D’autres, comme Zmerrod Lozom, propriétaire d’une épicerie, ne cachent pas cependant leur inquiétude : « Les réfugiés syriens à Bécharré sont de plus en plus nombreux. Certains d’entre eux peuvent avoir des intentions et des projets qu’ils nous cachent. » Elle aussi évite de généraliser, mais ne semble pas très convaincue. « Je préfère Bécharré sans la présence des réfugiés », avoue-t-elle. Le village n’a-t-il pas besoin de la main-d’œuvre syrienne? « Si, si. Il faut qu’il y ait des travailleurs avec des papiers en règle. Qu’ils ne détiennent surtout pas des armes », répond-elle.

Les propos conciliants des habitants du village font écho aux appels à la retenue lancés le matin par les députés du caza, Sethrida Geagea et Joseph Ishak, qui, dans un communiqué de presse conjoint, ont appelé ces derniers à ne pas se laisser entraîner dans des actes violents.

Mme Geagea avait mené lundi dans la soirée plusieurs contacts, notamment avec le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, afin de « contrôler la situation dans le village et de ne pas permettre à cet incident de provoquer des heurts sécuritaires ». Le chef des FL, Samir Geagea, avait de son côté appelé les habitants de Bécharré à ne commettre « aucun acte illégal » et à attendre les résultats de l’enquête. Il a aussi souhaité que des fouilles soient menées par les forces gouvernementales dans toute la région, afin que soient confisquées toutes les armes détenues illégalement.

Inspection élargie

De son côté, le conseil municipal de Bécharré qui a tenu une réunion extraordinaire a invité les villageois à faire preuve de patience jusqu’à ce que l’enquête soit terminée. Il a cependant appelé les autorités à prendre des mesures vis-à-vis de la main-d’œuvre syrienne. « Notre ville a toujours été un refuge pour les opprimés et n’a jamais fait de distinction entre les religions et les races », soulignent les membres du conseil municipal dans un communiqué, tout en martelant qu’ils ne « toléreront aucune personne ni aucun groupe qui menace notre sécurité et notre société ». Après avoir exprimé leur « étonnement » concernant la possession par un ouvrier syrien d’une arme, le conseil a invité les forces de l’ordre à mener une « inspection élargie » des habitations des ressortissants syriens de la ville « afin de vérifier leur identité ». Il aussi adressé une mise en garde « aux Syriens qui sont présents illégalement », leur enjoignant « de quitter immédiatement » la localité. Il a enfin demandé aux habitants d’employer de la main-d’œuvre « locale » dans tous les secteurs d’activité.

Un calme précaire règne à Bécharré, au Liban-Nord, au lendemain du meurtre d’un jeune du village, Joseph Tok, tué par balle dans la région des Cèdres par un ressortissant syrien. Le village, perché à quelque 1 500 mètres d’altitude, est toujours sous le choc de ce crime perpétré la veille. De part et d’autre de la cathédrale Mar Saba, située au cœur du village, les...

commentaires (3)

Si c'est par la "peur" que les syriens seront tenus à rentrer chez eux DEFINITIVEMENT ??? Soit pourquoi pas. Parce qu'on les appelles "réfugiés" mais ils vont passer des week ends en syrie et reviennent au liban pour travailler au noir ou se présenter "comme réfugiés" pour profiter de tous les avantages que les ONG internationales leur remet. Compter sur les responsables pour qu'ils rentrent chez eux?? Pas la peine. C'est la peur et leur préférence de rester en syrie qui les fera dégager du liban. Ils ont occupé le liban militairement , actuellement ils l'occupent "civilement" avec tous les abus, meurtres, vols et viols qui accompagnent leurs séjours et leurs actes. Palestiniens ,syriens et iraniens: Fouteurs de m...de Ce sont les vrais ennemis du liban et ennemis des libanais sincères et honnêtes.

LE FRANCOPHONE

23 h 24, le 25 novembre 2020

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Commentaires (3)

  • Si c'est par la "peur" que les syriens seront tenus à rentrer chez eux DEFINITIVEMENT ??? Soit pourquoi pas. Parce qu'on les appelles "réfugiés" mais ils vont passer des week ends en syrie et reviennent au liban pour travailler au noir ou se présenter "comme réfugiés" pour profiter de tous les avantages que les ONG internationales leur remet. Compter sur les responsables pour qu'ils rentrent chez eux?? Pas la peine. C'est la peur et leur préférence de rester en syrie qui les fera dégager du liban. Ils ont occupé le liban militairement , actuellement ils l'occupent "civilement" avec tous les abus, meurtres, vols et viols qui accompagnent leurs séjours et leurs actes. Palestiniens ,syriens et iraniens: Fouteurs de m...de Ce sont les vrais ennemis du liban et ennemis des libanais sincères et honnêtes.

    LE FRANCOPHONE

    23 h 24, le 25 novembre 2020

  • Il faut en effet être prudent non pas en étant trop conciliant mais ferme et déterminé a l'encontre de tous les réfugiés. L'un deux crée des problèmes, tous partent! Ce n'est pas du racisme mais de la prudence! Nous avons assez pâti avec les Palestiniens a qui le Liban a tout offert et eux ont tout fait pour le détruire avec les traîtres locaux. En aucun cas il ne faut laisser cela se reproduire! Soit ils restent et ne crachent pas dans la soupe qui leur est offerte, soit ils quittent tous sans exception a la moindre incartade de l'un d'eux. Cela servira de leçon a tous les autres qui voudrons jouer avec le feu. Espérons que cette avanture s’arrêtera la.

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 06, le 25 novembre 2020

  • LES REFUGIES SYRIENS UN NOYEAU DE FUTURS JIHADISTES SUNNITES, ALEVIS ET TURKMANS OU PUISERAIT SANS RESERVE LA TURQUIE PERE ET MERE DES ORGANISATIONS TERRORISTES POUR REALISER SES REVES HEGEMONIQUES OTTOMANS DANS LA REGION,,, ET EUX PENSENT ET AU-DELA.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 16, le 25 novembre 2020

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