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Société - Reportage

Balade dans les décombres de la rue Gouraud

Trois mois après l’explosion, l’artère principale de Gemmayzé peine à revenir à la vie.


Balade dans les décombres de la rue Gouraud

La vie reprend doucement dans la rue Gouraud. Photo P.K.

Il faudra probablement plusieurs années pour reconstruire Beyrouth. Trois mois après la double explosion du port, les habitants de la capitale réalisent à quel point il sera difficile de redonner vie aux quartiers dévastés. La rue Gouraud raconte, peut-être encore plus que les autres, ce jour d’après où le temps semble être suspendu depuis le 4 août. Dans l’artère principale du quartier de Gemmayzé, les habitants sont rares. Quelques épiceries, pubs et restaurants ont rouvert leurs portes. Mais cette rue qui grouillait hier de monde est aujourd’hui déserte.

Devant presque chaque immeuble, se trouvent encore des sacs blancs remplis de débris, notamment de tuiles rouges des toits anciens de la ville ou des restes de pierres sablonneuses typiques de Beyrouth. Même si le soleil tapait fort en ce week-end, c’est surtout l’odeur des vieilles pierres humides ou de la terre encore gorgée d’eau de pluie qui se dégageait des anciens bâtiments traditionnels lourdement endommagés par l’explosion. Cette odeur se mélangeait à celle de la peinture fraîche et du ciment en ces endroits où la restauration a commencé.

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La rue Gourand était la rue des bars et des belles demeures, des étudiants buvant de la bière sur les trottoirs et festoyant jusqu’au petit matin, des voituriers et des mana’iche de minuit, des soirées dans les caves et des petits restaurants, des designers branchés et des artisans les plus doués. C’était avant l’explosion, avant la crise, avant le coronavirus. On entend aujourd’hui surtout les cris des ouvriers ou des chauffeurs de camionnette transportant des vitres ou des grues, appelant les automobilistes et les piétons à leur faire de la place. Difficile de faire abstraction. De faire comme si tout était redevenu normal, même si des files se forment devant certains restaurants ou certaines terrasses de café.


Les sacs de débris, dans la rue Gouraud. Photo P.K.


« Aujourd’hui, nous n’avons plus rien »

Des deux côtés de la rue, quelques bâtiments classés au patrimoine historique ont été bâchés, alors que d’autres ont toujours des façades ouvertes aux pluies et aux vents. De nombreux épiciers, couturiers et marchands des puces ont rouvert leurs portes. Certains ont bénéficié de l’aide d’ONG pour remplacer leurs portes et vitrines, mais la plupart ont effectué les travaux de réfection en puisant dans leurs propres économies.

Thérèse, une épicière qui habite la rue, a été la première à rouvrir boutique. « Des personnes nous ont aidés à acheter des vitres pour le magasin.

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Le reste, nous l’avons payé de notre propre poche. Pour la maison, j’ai fait très peu de travaux, je n’ai pas les moyens. Avant l’explosion, nous pouvions joindre les deux bouts. Aujourd’hui, nous n’avons plus rien. Tous nos clients sont partis et personne n’est revenu habiter le quartier », soupire cette mère de deux enfants.

Au début de la rue Gouraud, à l’école du Sacré-Cœur, dont le plus vieux bâtiment a été construit en 1894, les travaux ont commencé. L’établissement a subi de très lourds dégâts se chiffrant à plusieurs millions de dollars. Aucune salle n’a été épargnée. Le théâtre et l’église ont également été endommagés. « Il faudra plus de 100 000 dollars pour restaurer l’orgue », souligne le directeur de l’institution Rodolphe Abboud. « 90 % du collège a été endommagé. Il nous faudra des mois pour tout restaurer. Nous avons réussi à entamer le travail grâce au soutien des frères de La Salle basés dans diverses villes d’Europe. Nos anciens contribuent aussi à la restauration », dit-il.

En face de l’école du Sacré-Cœur se trouve le couvent de la Terre sainte des franciscains, connu communément sous le nom de « Santa ». L’édifice de pierre aux arcades mandaloun a été complètement soufflé. Trois mois plus tard, le travail a été entamé, même si beaucoup reste à faire.

La rue Gouraud se termine également par un lieu de culte : l’église Saint-Antoine des grecs-catholiques, qui a été ravagée par l’explosion. La restauration y a été entamée grâce à un donateur de la communauté. Chadi Sawaya, architecte chargé par l’archevêché grec-catholique de Beyrouth de la restauration, souligne que « les pertes se chiffrent à un peu plus d’un million de dollars ». Deux écoles à Badaro et Furn el-Chebback et deux foyers relevant de l’archevêché grec-catholique de Beyrouth ont également été endommagés. « Le plus important pour nous était de venir en aide aux habitants de la ville et d’aider à la reconstruction de leurs maisons. Aujourd’hui, le travail de restauration a commencé dans tous les édifices appartenant à l’archevêché grec-catholique de Beyrouth », souligne M. Sawaya. Comme pour rappeler que la vie devait reprendre ses droits.

Il faudra probablement plusieurs années pour reconstruire Beyrouth. Trois mois après la double explosion du port, les habitants de la capitale réalisent à quel point il sera difficile de redonner vie aux quartiers dévastés. La rue Gouraud raconte, peut-être encore plus que les autres, ce jour d’après où le temps semble être suspendu depuis le 4 août. Dans l’artère principale du...

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