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Culture - Initiative

Portée par ses artistes, « Beirut Ma Betmout »...

Depuis le 1er novembre, la vente d’art « Beirut Ma Betmout/Beirut Never Dies »*, cornaquée par la jeune curatrice Saria Sakka, rassemble sur le site AucArt des œuvres des artistes libanais Sirine Fattouh, Ayla Hibri, Alicia Jalloul, Christine Safa, Lara Tabet, Alain Vassoyan, Karine Wehbé et Tala Worrell.

Portée par ses artistes, « Beirut Ma Betmout »...

« Baalbeck Blues », photo datant d’août 1973, présentée par Karine Wehbé.

Lancée en 2017, la plateforme digitale de vente aux enchères AucArt a commencé par se focaliser sur de jeunes pousses de l’art, leur offrant une certaine visibilité et misant sur leurs talents précoces. Aussitôt reconnue pour avoir identifié et propulsé sur le devant de la scène des artistes qui étaient pourtant au tout début de leur ascension, AucArt a étendu sa force de frappe pour inclure des noms plus établis dans le domaine. Aujourd’hui, et pour la première fois depuis son lancement, la plateforme consacre l’une de ses ventes à l’art libanais en invitant la jeune mais prometteuse Saria Sakka à la curation de Beirut Ma Betmout/Beirut Never Dies, un événement en ligne qui rassemble Sirine Fattouh, Ayla Hibri, Alicia Jalloul, Christine Safa, Lara Tabet, Alain Vassoyan, Karine Wehbé et Tala Worrell. En plus de mettre leurs œuvres en lumière, de les célébrer en quelque sorte, cette vente offre à ces artistes un espace où exprimer les thèmes qui animent leurs corpus de travail.


Un « Funky Boy » d’Alain Vassoyan. Photos DR


Préserver et promouvoir l’art et l’artisanat libanais

Saria Sakka a beau être née et avoir grandi à Londres, elle a beau avoir fait ses armes à l’université de Brown aux États-Unis où elle a obtenu un diplôme d’histoire et d’histoire de l’art, elle avoue avoir toujours éprouvé une fascination pour tout ce que l’industrie créative libanaise a pu produire au fil des années, se souvenant qu’« à chaque fois que je rentrais de Beyrouth avec des vêtements, du design ou des objets provenant du Liban, ceux-ci attiraient l’attention de mes amis et connaissances qui étaient presque étonnés que ce pays recèle autant de talent ». « C’est le pouvoir magique qu’a le Liban », sourit-elle. Après avoir décroché une position à la prestigieuse Simon Lee Gallery de Hong Kong, Saria Sakka rejoint la branche londonienne de la galerie, quelques mois avant la double explosion du 4 août. « Ce qui m’a surtout attristée, c’est de voir l’effort de tous les créatifs, qui se sont battus des années durant pour placer Beyrouth sur la scène artistique internationale, partir en fumée », regrette celle qui a toujours souhaité que sa pratique contribue à « préserver et promouvoir l’art et l’artisanat libanais ». Ainsi, naturellement, c’est par le biais de l’art qu’elle décide de venir en aide au Liban, et en l’occurrence en cornaquant la vente Beirut Ma Betmout/Beirut Never Dies qu’accueille depuis le 1er novembre la plateforme en ligne AucArt.

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Dans un premier temps, Saria Sakka avait également créé au mois de septembre la page Instagram @thegoooodshop qui proposait à la vente une sélection éclectique de vêtements, objets design et même produits alimentaires inspirés par la cuisine libanaise, dont les revenus ont été reversés au fond AFAC. Parallèlement, du haut de ses 24 ans, la jeune curatrice s’est attelée à l’organisation de Beirut Ma Betmout/Beirut Never Dies. Depuis Londres où elle est actuellement installée, elle contacte curateurs, journalistes, galeristes et amis libanais qui lui ouvrent grandes les portes de l’art libanais. « C’était un plaisir pour moi de partir à la rencontre d’artistes que je ne connaissais pas et de redécouvrir certains qui avaient déjà retenu mon attention, mais surtout de pouvoir mettre en parallèle leurs travaux au sein de cette vente », souligne-t-elle.


« Drunken Friends Taking a Selfie », par Sirine Fattouh. Photo DR


Découvrir et partager

Au fil de ses discussions avec eux ou des visites de leurs studios, Saria Sakka raconte que « plusieurs thèmes étaient récurrents. La plupart de ces artistes avaient passé du temps en dehors de Beyrouth, ils m’ont parlé de leur retour et leur positionnement dans le tissu socio-culturel libanais, d’autres revenaient sur le thème de la nostalgie et leur volonté de revenir sur l’“âge d’or” des années 60 et 70, ou sinon tentaient d’exprimer leur fatigue, leur tristesse, au cœur d’une vie si instable. Le plus poignant cependant, c’est que tous les artistes avec qui j’ai parlé ont partagé leur amour pour le Liban ». En partant de ces conversations, la curatrice monte un ensemble d’œuvres « simplement comme une douce comptine ». On y croise d’abord les aquarelles faussement naïves de Sirine Fattouh, qui aime à faire exploser, dans ses œuvres, les parois qui séparent genres et identités ; mais aussi sa ludique enseigne en néon qui, à la manière d’une campagne de Coca Cola, dit « Arab Artist ». On redécouvre la photographe Ayla Hibri dans un autre registre, s’aventurant sur les sentiers de l’art, croquant les personnages tendrement biscornus qu’elle avait l’habitude de coucher sur sa pellicule photo, mais cette fois à l’aquarelle et sur du papier à thé. Ils font écho aux corps-patchworks des figurines Funky Boys d’Alain Vassoyan, doucement déglingués dans leurs tenues chamarrées en fibre de verre.

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Saria Sakka a également sélectionné deux broderies sur coton de l’artiste visuelle Alicia Jalloul, 24 ans seulement et détentrice d’un master en Fine Arts de la Slade School of Fine Art et d’un Bachelor of Art de la Glasgow School of Art, car « en ces temps de pandémie où nous sommes interdits de toucher, j’ai tenu à inclure des pièces qui privilégient justement le sens du toucher ». Grâce à elle, on s’installe également dans le magma d’huiles suaves de Tala Worell, dans les paysages fantasmés de la peintre Christine Safa, notamment ses cyprès qui se moirent au soleil libanais, ou dans ceux, énigmatiques et brumeux, de la photographe Lara Tabet où des corps en débâcle explorent le fil ténu entre le privé et le public, ainsi que les questions du genre et de la sexualité. Enfin, la série Baalbeck Blues composée de tirages photos datant de 1973, proposée par l’artiste pluridisciplinaire Karine Wehbé, interroge le supposé « âge d’or » qui a précédé la guerre civile libanaise. Étaient-ce réellement des temps bénis, ou plutôt une illusion provoquée par le peu d’images qu’il nous reste de cette époque ? De toute manière, cette vente nous prouve qu’en effet, tant que les artistes libanais perdureront, Beirut Ma Betmout…

*Beirut Ma Betmout/Beirut Never Dies, vente d’art sous curation de Saria Sakka à l’adresse suivante : https://www.aucart.com/beirut-ma-betmout

Lancée en 2017, la plateforme digitale de vente aux enchères AucArt a commencé par se focaliser sur de jeunes pousses de l’art, leur offrant une certaine visibilité et misant sur leurs talents précoces. Aussitôt reconnue pour avoir identifié et propulsé sur le devant de la scène des artistes qui étaient pourtant au tout début de leur ascension, AucArt a étendu sa force de frappe...

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