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Monde - Éclairage

Pourquoi Ankara observe avec attention la présidentielle à Chypre-Nord

Les enjeux du scrutin, dont le second tour se tiendra dimanche prochain, sont cruciaux pour les Chypriotes turcs et l’avenir de leurs relations avec la république de Chypre, plus de 40 ans après leur séparation.

Pourquoi Ankara observe avec attention la présidentielle à Chypre-Nord

Le président sortant de centre-gauche Mustafa Akinci, ici avec ses partisans à l’issue du premier tour de la présidentielle, le 11 octobre. Birol Bebek/AFP

C’est un rendez-vous dont l’impact dépasse le cadre national. Les habitants de la République turque autoproclamée de Chypre du Nord (RTNC) se sont rendus aux urnes pour élire leur président, dimanche 11 octobre. Le Premier ministre actuel, Ersin Tatar, leader du Parti de l’unité nationale (NUP), a pris la tête du scrutin avec 32,35 % des voix suivi par le président sortant de centre-gauche Mustafa Akinci, qui a récolté le soutien de 29,84 % des électeurs. Aucun des deux candidats n’ayant obtenu la majorité, ils s’affronteront dimanche prochain à l’occasion du second tour.

Si Mustafa Akinci est arrivé en seconde place, il est cependant donné favori de l’élection grâce aux reports de voix attendus. Arrivé en troisième position avec près de 21 % des suffrages, Tufan Erhürman plaide, tout comme le président sortant, pour la réunification de Chypre sous la forme d’un État fédéral. « Le résultat du premier tour des élections dans le nord de Chypre indique que les circonscriptions pro-réunification sont toujours fortes », analyse pour L’OLJ Berkay Mandiraci, spécialiste de la Turquie à l’International Crisis Group.

Une option à laquelle s’oppose le nationaliste Ersin Tatar, en faveur de la poursuite de la séparation de Chypre en deux États et de l’occupation turque de la partie nord. Rien d’étonnant, donc, à ce que le dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan le soutienne. « Erdogan mise sur Ersin Tatar, candidat le plus susceptible de faire ce que la Turquie veut s’il gagne », explique à L’OLJ Mete Hatay, chercheur au PRIO Cyprus Center.

La Turquie, seul état à reconnaître la RTNC, occupe le tiers nord de l’île depuis le coup d’État de 1974 visant à rattacher Chypre à la Grèce. Un territoire stratégique pour Recep Tayyip Erdogan qui y voit un moyen d’étendre les frontières maritimes de son pays, comme l’ont montré les récentes tensions dans la région. La tenson est montée de plusieurs crans entre Athènes et Ankara, en août et en septembre dernier après le déploiement turc d’un bateau sismique en mer Méditerranée orientale dans l’objectif de trouver du gaz naturel. Une rivalité qui n’est pas terminée, alors que la marine turque vient d’annoncer le redéploiement de son navire dans la zone, du 12 au 20 octobre.

Tensions en Méditerranée orientale

« Les tensions dans la Méditerranée orientale pourraient être exacerbées si Ankara prend des mesures plus spécifiques pour étendre son empreinte politique dans le nord de Chypre », note Berkay Mandiraci. Fervent défenseur de la Turquie, Ersin Tatar compte bien laisser le champ libre à Recep Tayyip Erdogan. « Le Premier ministre considère que la politique d’Ankara est à suivre quoi qu’il arrive. Il soutient même l’annexion de la partie nord par la Turquie, même si cela est impossible au regard de la communauté internationale », expose à L’OLJ Gilles Bertrand, chercheur au Centre Emile-Durkheim.

Les négociations interchypriotes ont débuté en 2014 et ont été marquées par de nombreux échecs, notamment trois ans plus tard, à Crans-Montana, en Suisse. En novembre dernier, l’ONU a convoqué de nouveaux pourparlers à Berlin, à l’issue desquels le secrétaire général des Nations unies a réaffirmé l’importance du « règlement global et durable du problème de Chypre dans un horizon prévisible ». Contrairement à son opposant, Mustafa Akinci est attaché au processus de paix dans l’île divisée. « Depuis le début de sa carrière politique, comme maire de Nicosie-Nord, jusqu’à aujourd’hui, le président sortant a accordé une grande importance aux efforts de réunification de Chypre », ajoute Gilles Bertrand. Or la Turquie se montre de plus en plus hostile à la réunification, qui va à l’encontre du nationalisme turc prôné par Recep Tayyip Erdogan. Les deux présidents ont connu des différends à plusieurs reprises ces dernières années. « Mustafa Akinci est un laïc convaincu qui a critiqué Ankara pour sa politique en Turquie et à l’étranger. Il a fait plusieurs déclarations qui ont irrité le président turc concernant, par exemple, la question kurde et les actions de la Turquie en Syrie », expose Mete Hatay.

Recep Tayyip Erdogan a provoqué, il y a une semaine, les partisans de la réunification en annonçant aux côtés d’Ersin Tatar la réouverture partielle de la ville de Varosha. Désertée par ses habitants chypriotes grecs après l’invasion turque, l’ancienne cité balnéaire est devenue le symbole de la division de l’île. « Ce geste servait évidemment à démontrer le soutien de la Turquie au Premier ministre », ajoute le spécialiste.

Inquiétudes

L’Union européenne s’est inquiétée de la réouverture de la ville, dont l’ONU a exigé le transfert aux Nations unies en 1984, sans succès. Ankara sème le doute sur ses intentions, oscillant entre une politique offensive et des déclarations favorables à la poursuite de négociations de réunification. « Bien que le gouvernement turc ait parlé durement et fait croire qu’il allait pousser pour une solution à deux États, cela pourrait aussi être un stratagème pour forcer le gouvernement chypriote grec à faire des concessions à la table des négociations », note Mete Hatay.

Les États-Unis ont également fait part de leur inquiétude concernant l’attitude de la Turquie dans la région. « Nous restons profondément préoccupés par les opérations de la Turquie pour reprendre les ressources naturelles dans les zones sur lesquelles la Grèce et Chypre revendiquent une juridiction », a ainsi déclaré il y a un mois le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, lors d’une visite à Chypre. « Quel que soit le vainqueur des deux candidats le 18 octobre, chacun devra trouver un modus vivendi avec les dirigeants d’Ankara sur la trajectoire future de l’île », admet Berkay Mandiraci.

C’est un rendez-vous dont l’impact dépasse le cadre national. Les habitants de la République turque autoproclamée de Chypre du Nord (RTNC) se sont rendus aux urnes pour élire leur président, dimanche 11 octobre. Le Premier ministre actuel, Ersin Tatar, leader du Parti de l’unité nationale (NUP), a pris la tête du scrutin avec 32,35 % des voix suivi par le président sortant de...

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