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Culture - Événement

Avec « Beirut Year Zero », Nabil Debs déclare la guerre aux stigmates du 4 août

Le propriétaire d’Arthaus Beirut a pris l’initiative de réunir des artistes, des collectionneurs et des galeries pour une grande exposition en faveur de la Croix-Rouge libanaise.

Avec « Beirut Year Zero », Nabil Debs déclare la guerre aux stigmates du 4 août

Abdel Rahman Katanani posant devant son œuvre réalisée post-4 août. Photo Michel Sayegh

Ce soir, vendredi 2 octobre, Arthaus, à Gemmayzé, inaugure Beirut Year Zero, une exposition d’envergure présentant 80 œuvres de plus d’une cinquantaine d’artistes libanais, dont une majorité directement inspirée par la dévastatrice explosion du port de Beyrouth. Un accrochage collectif initié par Nabil et Zoé Debs, un couple de collectionneurs, dans le but de lever des fonds en soutien aux artistes mais aussi à la Croix-Rouge libanaise très présente sur le terrain de l’aide aux habitants des secteurs sinistrés.

Pour ces amoureux d’art contemporain et de patrimoine architectural, rien de pire ne pouvait advenir que de voir les vieux quartiers de Beyrouth détruits. Et en particulier Gemmayzé, où ils venaient tout juste de convertir tout un pâté de maisons anciennes en un boutique-hôtel, baptisé Arthaus, conjuguant offre touristique et espace de rencontres culturelles avec des artistes de différentes disciplines.

« En fait, le concept de l’espace culturel (à but non lucratif) nous est venu à l’esprit avant même l’idée de guest-house », affirme Nabil Debs, financier reconverti également depuis quelques années dans l’hôtellerie de charme. « On voulait un lieu qui favorise, d’une certaine manière, l’interconnexion, les débats et les échanges d’idées entre artistes et intellectuels, un peu dans l’esprit des salons culturels des siècles passés, mais revisités sur un mode contemporain », précise-t-il.

Entamés fin 2010, les travaux de réhabilitation et de reconversion du lotissement d’habitations – remontant aux XVIIIe et XIXe siècles – en chambres et suites d’hôtel avaient pris fin cette année. Et le couple s’apprêtait à ouvrir, à la mi-août, les portes de leur Arthaus, lorsque la terrible double explosion du port de Beyrouth a eu lieu, soufflant la façade à triple arcades d’un des bâtiments, ainsi qu’une bonne partie de l’aménagement intérieur.

Une peinture d’explosion de Tagreed Darghouth, au style reconnaissable entre mille... Photo DR

Tout reconstruire, tout de suite

« Nous avons, bien sûr, été extrêmement affectés. Pour autant, nous n’avons pas voulu céder à l’abattement. Au contraire, cette épreuve nous a enracinés encore plus dans le pays. On a eu peur pour notre culture, pour notre avenir, pour notre identité. Et on a décidé de déclarer la guerre à ce qui s’était passé. C’était essentiel pour nous d’aller complètement dans l’autre sens. Nous avons donc décidé de reconstruire tout et tout de suite », martèle Nabil Debs.

Dès le lendemain, ils feront à nouveau appel à tous les corps de métiers qui les avaient précédemment accompagnés dans ce projet. « Et en l’espace de quatre semaines, tout a été déblayé, sécurisé, le toit en tuiles entièrement refait. Bref, quasiment tout a été réparé », se réjouit – toujours positif – le propriétaire des lieux. Lequel, en discutant avec Tom Young, un ami artiste venu le visiter sur le chantier, a l’idée de marquer cette « renaissance » d’Arthaus en organisant une exposition collective à but solidaire et caritatif, sur place, qui sera suivie, en novembre, d’une vente aux enchères à Londres. L’objectif étant de lever, d’une part, des fonds pour le programme d’aide de la Croix-Rouge libanaise aux familles directement affectées par l’explosion du port (50 % du montant récolté) et de soutenir, d’autre part, les artistes, qui souffrent énormément en cette période de crises, en leur reversant les 50 % restants.

Une exposition qu’il intitulera Beirut Year Zero en référence au fameux Germany,Year Zero, film charnière du mouvement du réalisme social, que Roberto Rossellini avait tourné en 1948 dans un Berlin dévasté, avec de vrais gens comme acteurs. « Outre la similitude entre la situation que nous vivons et celle de la population berlinoise d’alors, ce titre peut aussi être interprété, sur une note plus positive de recommencement et de nouveau début », indique son initiateur.

Nabil Debs. Photo Michel Sayegh

80 œuvres inspirées du cataclysme

Si l’idée de faire de la reconstruction et de l’ouverture d’Arthaus un événement de solidarité face à la catastrophe subie s’est imposée spontanément, c’est aussi naturellement que Nabil Debs va recourir à son réseau de connaissances dans le milieu artistique pour monter en un mois cette double initiative.

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« Nous connaissions personnellement certains artistes, et pour les autres nous avons bénéficié de l’aide du collectionneur Basel Dalloul, ainsi que de plusieurs galeries (Janine Rubeiz, Saleh Barakat, Tanit et Laetitia) et des curateurs Pascal Odile, Marine Bougaran et d’Almaz Collectible Design. C’est grâce à leur coopération à tous que nous avons pu mettre sur pied en un mois cette exposition dont la préparation aurait pris un an en temps normal. »

En effet, c’est grâce à la bonne volonté et l’enthousiasme de nombreux intervenants de la scène artistique libanaise que Nabil Debs a pu réunir (malgré quelques querelles d’ego inhérentes à ce genre d’entreprise) aussi bien des noms fameux (tels que Ayman Baalbaki, Zad Moultaka, Hannibal Srouji, Abdel Rahman Katanani…) que des représentants choisis de la nouvelle génération (à l’instar de Myriam Boulos, Carmen Yahchouchi, Rania Matar…).

Impossible d’énumérer ici la cinquantaine d’artistes participants qui, pour la plupart, ont réalisé une œuvre directement inspirée du cataclysme vécu. On peut néanmoins signaler que les 80 pièces exposées, jusqu’au 14 octobre, dans le jardin, les salons, les terrasses d’Arthaus, et jusqu’au fond d’un puits souterrain, déclinent toute sorte de médiums : sculptures, peintures, installations, photographies, gravures, illustrations, street art, musique, textes et poésie. À signaler également que parmi celles-ci, une trentaine sont exclusivement réservées pour le catalogue des enchères londoniennes. À suivre donc…

« Beirut Year Zero » à Arthaus, Gemmayzé. Du 3 au 14 octobre, de 11h à 18h.

Inauguration en musique

C’est en musique, par un concert d’une heure d’un quatuor à cordes dirigé par le père Toufic Maatouk et présenté par Beirut Chant, que sera inaugurée ce soir, à 18h, l’exposition Beirut Year Zero. Suivi à 20h d’un récital de piano offert par le Dr Antoine Karam.

Liste des artistes

Les artistes participant à Beirut Year Zero sont, par ordre alphabétique, les suivants : Sacha Abikhalil, Ahmad al-Badry, Charbel Samuel Aoun, Ramon Aular, Ayman Baalbaki, Oussama Baalbaki, Serwan Baran, Alfred Basbous, Élie Bekhazi, Nevine Bouez, Myriam Boulos, Tracy Chehwan, Tagreed Darghouth, Mansour el-Haber, Sirine Fattouh, Tamara Haddad, Tarek Haddad, Manuela Guiragossian, Jean Paul Guiragossian, Laure Ghorayeb, Gilbert Hage, Yazan Halwani, Hatem Imam, Leila Jureidini, Joseph Kai, Nadim Karam, Natasha Karam, Abdulrahman Katanani, Selim Mawad, Rania Matar, Edgar Mazigi, Randa Mirza, Samar Mogharbel, Roger Moukarzel, Zad Moultaka, Gretta Naufal, Hayat Nazer, Nada Safiedine, Ahmad el-Sheikha, Hannibal Srouji, Michele Standjovski, Hady Sy, Lara Tabet, Alfred Tarazi, Katya Traboulsi, Vivian Van Blerk, Alain Vassoyan, Carmen Yahchouchi, Tom Young, 200g, Eps, Exist, Renoz, Spaz, Ghada Zoughby.

Ce soir, vendredi 2 octobre, Arthaus, à Gemmayzé, inaugure Beirut Year Zero, une exposition d’envergure présentant 80 œuvres de plus d’une cinquantaine d’artistes libanais, dont une majorité directement inspirée par la dévastatrice explosion du port de Beyrouth. Un accrochage collectif initié par Nabil et Zoé Debs, un couple de collectionneurs, dans le but de lever des fonds en...

commentaires (2)

Ça fait du bien au moral. Mais il ne faut pas que la résilience remplace la colère et fasse que cette catastrophe tombe dans les oubliettes. Une commémoration mensuelle devrait avoir lieu pour rendre hommages à nos compatriotes morts parce que des traitres l’ont décidé. Ne pas oublier de demander justice pour que cet apocalypse ne se répète plus jamais et que ses exécutants soient jugés sévèrement pour crimes contre l’humanité. Ainsi nous pourrons dire que le Liban a triomphé.

Sissi zayyat

14 h 07, le 02 octobre 2020

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Commentaires (2)

  • Ça fait du bien au moral. Mais il ne faut pas que la résilience remplace la colère et fasse que cette catastrophe tombe dans les oubliettes. Une commémoration mensuelle devrait avoir lieu pour rendre hommages à nos compatriotes morts parce que des traitres l’ont décidé. Ne pas oublier de demander justice pour que cet apocalypse ne se répète plus jamais et que ses exécutants soient jugés sévèrement pour crimes contre l’humanité. Ainsi nous pourrons dire que le Liban a triomphé.

    Sissi zayyat

    14 h 07, le 02 octobre 2020

  • BRAVOOO BRAVOOO le Liban a juste besoin de gens comme vous pour subsister... et nous en avons. Si nos politiciens avaient la décence de s’en aller nous pourrions reconstruire et en mieux tt ce qu’ils nous ont démoli et volé, et remettre le pays sur les rails de la prospérité. En attendant ce jour de gloire. MERCI à vous tous artistes, créateurs, altruistes et ... si généreux

    Khoury-Haddad Viviane

    08 h 24, le 02 octobre 2020

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