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Société - Écolages

Des milliers de familles seront aidées, promet la nouvelle directrice de l’Institut français

Dans une interview exclusive à « L’Orient-Le Jour », sa première depuis sa prise de fonctions, Marie Buscail évoque la concrétisation des aides de Paris dans les domaines de l’éducation, de la reconstruction postexplosion du 4 août et de la culture.

Des milliers de familles seront aidées, promet la nouvelle directrice de l’Institut français

Marie Buscail est la nouvelle directrice de l’Institut français du Liban et conseillère de coopération et d’action culturelle à l’ambassade de France. Photo DR

C’est dans un contexte en pleine tourmente qu’elle prend ses fonctions de directrice de l’Institut français du Liban et conseillère de coopération et d’action culturelle à l’ambassade de France. Un contexte particulièrement difficile, marqué par la crise économique, sociale et politique, par la contestation populaire, par l’effondrement de la monnaie locale et des institutions du pays. Problèmes auxquels sont venues s’ajouter la pandémie de Covid-19 et l’explosion meurtrière du port de Beyrouth. Marie Buscail a pleinement conscience des défis qui l’attendent. Cette arabophone, qui arrive dans un Liban qu’elle connaît depuis 20 ans, est familière du Moyen-Orient. En poste au Yémen dans la coopération culturelle, puis à l’Institut français pour le Proche-Orient de Damas pour un master couronné par un mémoire sur l’Autorité palestinienne, elle arrive tout droit du Quai d’Orsay où elle occupait la fonction de sous-directrice adjointe pour le Moyen-Orient. Un mois à peine après sa prise de fonctions, elle est déjà dans l’action sur plusieurs fronts. Dans le soutien à l’enseignement privé, dans la reconstruction des écoles, demeures et bâtiments à caractère patrimonial détruits le 4 août dernier ou l’aide aux hôpitaux publics en temps de Covid en collaboration avec l’Agence française de développement. Dans ces trois domaines jugés prioritaires par le président français Emmanuel Macron (à l’instar de la sécurité alimentaire), lors de sa promesse d’assistance au Liban à l’issue du drame. C’est dire l’étendue de sa mission. Une mission d’urgence certes, qui gardera en ligne de mire toutefois la volonté politique française de « faire grandir et d’améliorer sa coopération avec le Liban ». Lors d’une interview virtuelle, distanciation oblige, Mme Buscail révèle à L’Orient-Le Jour quelques points essentiels de cette mission.

Le soutien à 115 écoles chrétiennes bénéficiera aux élèves musulmans

L’éducation représente le gros volet de l’aide française au Liban. Non seulement à cause de la crise économique qui a fragilisé les familles, l’école privée et, par le fait même, l’enseignement à programme français et la francophonie, mais parce que la pandémie a apporté une incertitude supplémentaire à la rentrée scolaire 2020-2021. Sans oublier l’explosion du 4 août qui a endommagé 23 établissements à programme français dans la capitale. « Notre objectif général est de permettre au Liban de maintenir son enseignement de qualité. C’est le fil conducteur de nos actions », souligne la directrice de l’IF. Alors, après les promesses successives du ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et du président Macron, l’heure est à la concrétisation des aides qui porteront sur l’année scolaire 2020-2021. Car il est nécessaire de « permettre aux familles libanaises de garder leurs enfants inscrits dans les établissements scolaires homologués ». « Lancé fin juillet, le processus est en cours de finalisation et devrait être mis en œuvre dans les prochaines semaines, sous forme de compensation des frais de scolarité », souligne Marie Buscail. Les demandes ont afflué. « Il s’agit aujourd’hui de s’assurer de la bonne répartition de l’assistance et d’opérer une sélection de sorte à concerner les familles les plus touchées par la crise, sur base des revenus des parents d’élèves », précise-t-elle. Une chose est sûre, « plusieurs milliers de familles seront aidées et cette assistance sera suffisamment conséquente pour qu’une grande partie des frais de scolarité soient assurés ». Mieux encore, « au moins la moitié des familles bénéficiaires verront leurs écolages couverts à 100 % », promet la diplomate.

Pour mémoire

Ce que prévoit l’aide de l’AEFE pour les élèves des sept écoles conventionnées

À cette aide aux élèves des 53 écoles homologuées du pays, s’ajoute un fonds de 1,8 million d’euros consacré aux écoles chrétiennes francophones, en partenariat avec l’association humanitaire Œuvre d’Orient. « L’objectif de cet engagement est d’empêcher la fermeture des écoles les plus fragiles et de maintenir un enseignement de qualité accessible à tous », explique Mme Buscail. « Quelque 115 institutions chrétiennes seront ainsi soutenues sur l’ensemble du territoire libanais », promet-elle, évoquant le travail colossal mené sur le terrain par les équipes pour « analyser la situation des établissements ». Et de rappeler à ce propos que « l’aide aux écoles chrétiennes touchera un public mixte, compte tenu que de nombreuses institutions chrétiennes scolarisent une majorité d’élèves musulmans ». « C’est la raison pour laquelle l’État français a accepté de s’associer à ce partenariat. » L’aide scolaire ne s’arrête pas en si bon chemin. Les éditeurs français ont même accordé aux élèves de terminale à programme français un don de 17 000 manuels scolaires. « Ils seront distribués par les directions d’établissement aux élèves qui en ont le plus besoin, dans les semaines à venir. »

Reconstruire les écoles, les demeures et les établissements à caractère patrimonial

Marie Buscail se concentre aussi sur l’aide française à la reconstruction, en collaboration avec l’AFD. Un dossier lourd, vu l’ampleur des dégâts. Celle des bâtiments scolaires détruits ou endommagés par l’explosion du 4 août, d’abord. « Une aide supplémentaire de 7 millions d’euros a été annoncée par le président Macron le premier septembre, rappelle-t-elle. Elle concernera des écoles à programme français dans toute la zone sinistrée, au sens large du terme. » Un processus d’évaluation des dégâts et des coûts de construction a donc été lancé auprès de 23 établissements scolaires, et des conventions individualisées sont déjà en préparation. Car nombre d’établissements ont déjà lancé les réparations. « Cette aide s’étalera dans le temps au rythme des travaux et leur permettra de payer les frais déjà engagés », assure la conseillère.

Pour mémoire

Paris ne laissera pas s’effondrer le réseau des écoles francophones

Toujours sur le plan de la reconstruction, « l’IF s’est rapidement mobilisé pour contribuer à la préservation du patrimoine culturel et historique endommagé par l’explosion ». « Outre les 80 demeures à caractère patrimonial menacées de destruction, il était important de nous engager dans la préservation des établissements culturels qui ont subi des dégâts comme le musée national, le musée Sursock, l’AUB ou la cathédrale Saint-Georges », cite Mme Buscail à titre d’exemple. Un travail réalisé en collaboration avec la Direction générale des antiquités et avec l’IFPO. Des experts français ont donc été sollicités, de même que la communauté internationale, car les montants sont importants. « Des représentants de l’École d’architecture de Chaillot, spécialisée dans la préservation du patrimoine, sont venus à Beyrouth pour évaluer l’ampleur des dommages, mais aussi Valéry Freland, directeur exécutif de la Fondation Aliph (Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit) qui a engagé 5 millions de dollars pour soutenir la réparation de nombre d’institutions culturelles », révèle-t-elle.

Redonner vie à deux quartiers d’une grande richesse artistique

Au-delà de l’urgence de la situation libanaise et de la nécessité de permettre aux habitants sinistrés d’avoir un toit avant l’hiver, Marie Buscail se penche sur la situation de Gemmayzé et de Mar Mikhaël, gravement détruits par l’explosion et durement touchés par la crise économique. « Deux quartiers célèbres pour leur vie diurne et nocturne, pour la richesse de leur production artistique, culturelle et artisanale. Toute cette vie a été balayée par l’explosion qui est venue s’ajouter à la crise économique », regrette la conseillère. Alors l’IF, qui est « fortement ancré dans la vie locale » et dans la dimension sociale et économique du pays, estime prioritaire « de contribuer à l’expression artistique, qui est un moyen pour les Libanais d’exprimer leurs angoisses et de réaliser un travail de mémoire ». « Cette expression contribue aussi au soutien que l’on peut apporter aux Libanais », observe Mme Buscail. Un soutien qui s’est concrétisé lundi dernier dans l’exposition de l’artiste local Abed el-Kadiri à la galerie Tanit encore dévastée. « Il a repris son crayon et ses feuilles pour produire une œuvre de catharsis », salue la diplomate. La vente d’une quarantaine de ses dessins ira au bénéfice de l’association Bassma qui s’engage pour la reconstruction des logements des plus défavorisés dans les quartiers sinistrés…. « Et cette exposition au cœur du désastre était un signal, un message. »

C’est dans un contexte en pleine tourmente qu’elle prend ses fonctions de directrice de l’Institut français du Liban et conseillère de coopération et d’action culturelle à l’ambassade de France. Un contexte particulièrement difficile, marqué par la crise économique, sociale et politique, par la contestation populaire, par l’effondrement de la monnaie locale et des institutions...

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