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Moyen-Orient - Éclairage

Normalisation avec Israël : Washington veut imposer son tempo à Khartoum

Le Soudan a entamé des discussions avec les États-Unis et les Émirats arabes unis autour d’un établissement de liens diplomatiques avec l’État hébreu. Mais la question divise le pouvoir et la société civile.

Normalisation avec Israël : Washington veut imposer son tempo à Khartoum

Le général soudanais Abdel Fattah al-Burhan, chef du Conseil souverain, et Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien. Photo AFP

Le président des États-Unis, Donald Trump, se fendra-t-il bientôt d’un tweet annonçant la normalisation des relations entre le Soudan et Israël ? Les spéculations vont bon train depuis quelques semaines déjà et les rencontres – officiellement séparées – qui se sont tenues lundi à Abou Dhabi entre des leaders soudanais et leurs homologues émiratis et américains semblent aller dans ce sens. Si le sujet principal de ces tractations est le retrait de Khartoum de la liste américaine des États parrainant le terrorisme, le site d’informations américain Axios a mentionné dimanche une réunion « décisive » autour de la signature d’un traité de paix entre le Soudan et Israël.

Le ministre soudanais de l’Information et porte-parole du gouvernement transitoire, Faisal Mohammad Saleh, a démenti que la normalisation avait été évoquée durant la rencontre de lundi. Mais tout porte à croire que Washington s'investit pleinement dans la bataille. Car si normalisation il y a, c’est le président américain Donald Trump qui en ressortirait grand vainqueur. À l’approche de l’élection présidentielle prévue pour le 3 novembre, la signature d’un traité entre le Soudan et Israël permettrait au résident de la Maison-Blanche d’asseoir son legs en politique étrangère et de se présenter comme le meilleur allié de l’État hébreu, celui qui a officiellement enterré le paradigme hérité d’Oslo basé sur deux États dans les frontières de 1967, celui qui aura permis à Israël de signer des accords bilatéraux avec trois pays arabes. De quoi renforcer un peu plus sa base électorale évangélique, très pro-israélienne. L’administration américaine veut faire d’une pierre deux coups. Elle cherche, en outre, à démêler avant l’échéance électorale à venir son contentieux avec Khartoum autour de l’indemnisation des familles de victimes des deux attentats perpétrés en 1998 contre des ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie. Depuis 1993, le Soudan figure sur la liste noire américaine des États soutenant le terrorisme en raison de son soutien présumé aux groupes islamistes radicaux. Selon le secrétaire d’État, Mike Pompeo, une solution est en vue et un plan prévoit le versement par le Soudan de fonds pour indemniser les plaignants. En échange, Khartoum obtiendrait le retrait du Soudan de la liste et l’adoption d’un texte de loi proclamant la « paix légale » pour éviter le risque de nouvelles poursuites.

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Mais Washington et ses alliés feraient lorgner une autre carotte à Khartoum : une aide économique massive en échange d’une normalisation. D’après Axios, le Soudan demanderait plus de trois milliards de dollars d’assistance humanitaire et une aide budgétaire directe en échange d’un deal avec l’État hébreu.

Tous les dominos ne se ressemblent pas

Du côté de Khartoum, la normalisation est avant tout portée par l’ambition d’un homme, le général Abdel Fattah al-Burhan, chef du Conseil souverain – instance politique née d’un compromis entre civils et militaires dans le sillage de la chute de l’ancien dictateur Omar al-Bachir et chargée de mener à bien la transition démocratique. Al-Burhan souhaite devenir l’artisan du retrait de son pays de la liste américaine, afin de faire valoir une victoire politique majeure et gagner ou consolider le soutien d’anciens partisans du régime déchu et d’acteurs économiques significatifs pour l’élection présidentielle prévue en 2022, à la fin de la période transitoire. Le général est aujourd’hui soutenu par la triple alliance émirato-saoudo-égyptienne. Un pas vers Israël permettrait au chef militaire d’assurer son statut aux yeux des pays du Golfe et de se faire adouber par Washington. Des soutiens précieux alors que les contestataires soudanais attendent un transfert entier du pouvoir aux civils à l’issue de la transition. Si l’élan se concrétise, Khartoum deviendra le troisième pays arabe, en moins d’un an, à normaliser ses relations avec l’État hébreu, dans le sillage des Émirats arabes unis et du Bahreïn à la mi-septembre ; le cinquième dans l’histoire si l’on prend en compte les accords israélo-égyptiens de 1979 et israélo-jordaniens de 1994. L’effet domino déjà évoqué par Donald Trump au cours de la conférence de presse précédant la signature des accords d’Abraham le 15 septembre paraît trouver là corroboration. Mais tous les dominos ne se ressemblent pas et la problématique soudanaise se différencie à maints égards des enjeux relatifs aux relations entre Israël et les pays du Golfe.

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De quoi la normalisation entre Israël et Bahreïn et les EAU est-elle le nom ?

Contrairement aux EAU et au Bahreïn, le Soudan a effectivement été en guerre contre Israël. Que ce soit en 1948 ou en 1967, Khartoum avait envoyé des soldats pour soutenir l’armée égyptienne contre l’État hébreu. C’est également au Soudan que s’est tenue la réunion de plusieurs pays arabes suite à la guerre des Six-Jours réaffirmant, entre autres, la lutte permanente contre Israël pour regagner les territoires perdus pendant le conflit. Plus tard, le général Jaafar al-Nimeiri, qui arrivera au pouvoir par un coup d’État en 1969, s’attellera à l’ancrage du pays dans son univers arabe et musulman, une dynamique qui sera par la suite consolidée sous le règne d’Omar al-Bachir à travers, notamment, un discours public très hostile à Israël. Pour sa part, l’État hébreu a pendant longtemps considéré le Soudan comme une menace pour sa sécurité, en raison du recours présumé au pays par l’Iran comme voie de contrebande terrestre pour faire passer des munitions vers la bande de Gaza. Dans les années soixante, le gouvernement israélien a par ailleurs commencé à soutenir des mouvements de libération du Sud-Soudan, en rébellion contre les politiques de marginalisation et de violence mises en œuvre par Khartoum.

Démarche « unilatérale »

La normalisation avec l’État hébreu répondrait aujourd’hui à un double enjeu pour le Soudan. Il y a d’abord une quête de légitimité sur la scène internationale pour un pays longtemps isolé et suspecté de financer plusieurs mouvements islamistes. « Avec la révolution soudanaise, le pays doit revoir les contours de sa relation avec la communauté internationale. Cela inclut de respecter la légitimité internationale et les décisions des Nations unies concernant aussi bien la Palestine qu’Israël », commente Mohammad Farug, vice-président du Parti soudanais de l’alliance nationale. L’inscription sur la liste noire américaine prive le Soudan d’accès à certains prêts, notamment ceux de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Or l’autre enjeu est économique. Le gouvernement de transition a décrété « l’état d’urgence économique » le 10 septembre pour juguler la chute vertigineuse de la livre face au dollar.

La question de la normalisation fait toutefois des remous au sein du pouvoir et de la société. La rencontre entre MM. al-Burhan et Netanyahu en février dernier avait été accueillie froidement par le Premier ministre soudanais Abdalla Hamdok, évoquant une démarche « unilatérale » qui « dépassait son mandat », une position réitérée en août dernier. L’Alliance pour la liberté et le changement, fer de lance de la révolution soudanaise, est elle-même divisée. Le parti communiste soudanais, l’un des plus actifs au sein du soulèvement, a déclaré rejeter tout accord visant à la normalisation des relations entre Khartoum et Israël.


Le président des États-Unis, Donald Trump, se fendra-t-il bientôt d’un tweet annonçant la normalisation des relations entre le Soudan et Israël ? Les spéculations vont bon train depuis quelques semaines déjà et les rencontres – officiellement séparées – qui se sont tenues lundi à Abou Dhabi entre des leaders soudanais et leurs homologues émiratis et américains semblent aller...

commentaires (1)

ILS VONT TOUS NORMALISER SYRIE ET LIBAN INCLUS. ET MEME LES AYATOLLAHS LES DERNIERS POUR NE PAS PERDRE LA FACE.

LA LIBRE EXPRESSION

15 h 55, le 24 septembre 2020

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Commentaires (1)

  • ILS VONT TOUS NORMALISER SYRIE ET LIBAN INCLUS. ET MEME LES AYATOLLAHS LES DERNIERS POUR NE PAS PERDRE LA FACE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 55, le 24 septembre 2020

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