Les moteurs de la machine semblaient complètement éteints et l’impasse en matière de formation du gouvernement totale, au lendemain de la proposition faite par le chef de l’État Michel Aoun, qui s’était ouvertement prononcé lundi contre toute consécration d’un portefeuille régalien à une communauté en particulier. Sauf que la suggestion surprise faite hier en soirée par le chef du courant du Futur Saad Hariri a permis l’ouverture d’une brèche dans le mur, sans nécessairement augurer, pour l’heure du moins, d’un règlement imminent de la crise.
M. Hariri a présenté sa suggestion comme une opération de sauvetage ultime et un sacrifice qu’il aurait « consenti » pour épargner au pays des tiraillements supplémentaires et redonner vie à l’initiative française, assiégée par l’insistance des deux formations chiites à désigner leur propre ministre aux Finances. Il a affirmé souscrire au principe de la désignation, exceptionnellement cette fois-ci, d’un chiite à ce portefeuille sans que cela ne se consacre en coutume à l’avenir.
Le chef du courant du Futur a précisé avoir agi seul et de sa propre initiative sans s’en référer aux autres anciens chefs de gouvernement. Ces derniers, ainsi que M. Hariri d’ailleurs, étaient accusés par le tandem chiite de s’ingérer d’une manière outrancière dans la formation du gouvernement et de décider en lieu et place des partis politiques en concertation avec le Premier ministre désigné, Moustapha Adib.
En prenant soin d’évoquer une initiative qu’il aurait prise seul, Saad Hariri cherchait vraisemblablement à rassurer le Hezbollah et Amal qui lui reprochaient d’ignorer totalement la règle de la concertation avec les principales formations politiques. Ayant donc accepté de concéder au tandem chiite le principe d’un ministre issu de leur communauté, l’ancien chef du gouvernement a toutefois posé ses conditions, à savoir le choix d’un candidat qui soit indépendant des deux partis – une suggestion que ni Amal ni le Hezbollah ne conteste en principe – et le fait qu’il soit nommé par le Premier ministre désigné. Cette dernière condition est une manière de rappeler à l’ensemble des parties la nécessité de respecter à la lettre les prérogatives du Premier ministre sunnite, dans la forme du moins, sachant que c’est à lui qu’il revient constitutionnellement de choisir ses coéquipiers avant de soumettre sa mouture au président.
À prendre la déclaration de M. Hariri à la lettre, on se demande toutefois où réside la nouveauté, et surtout comment il espère venir à bout de l’obstination du tandem chiite qui n’acceptait rien moins que de nommer lui-même son candidat aux Finances. À moins que le montage qui se ferait dans les coulisses ne soit le prélude à la solution.
Toute la question est évidemment de savoir quel sera le profil du candidat que le Premier ministre désignera et si Moustapha Adib optera pour un ministre de son choix mais qui aurait reçu en amont l’aval du tandem chiite. Selon les informations de notre correspondant politique Mounir Rabih, la dernière solution qui aurait été envisagée par la cellule de crise française chargée du dossier libanais, que l’ambassadeur Bruno Foucher avait rejoint ces derniers jours, consistait à opter effectivement pour un candidat chiite qui aurait obtenu aussi bien le feu vert du tandem ainsi que des institutions financières internationales dont le FMI, incontournable pour les réformes exigées pour l’assainissement des finances du pays. Une idée qui semble avoir fait son chemin, sachant que la suggestion de M. Hariri pourrait être interprétée dans cette direction et semble même avoir été soufflée depuis Paris.
S’il est encore tôt pour Amal et le Hezbollah de se prononcer sur cette dernière bouée de sauvetage lancée par Saad Hariri aux protagonistes, il n’en reste pas moins que la proposition du chef du courant du Futur semble avoir été favorablement accueillie dans les milieux proches du parti pro-iranien. À en croire certaines sources proches du Hezbollah, le tempo aurait été donné par Paris qui aurait demandé à M. Hariri d’accorder au tandem ce qu’il souhaitait pour l’instant. Le reste viendrait plus tard, aurait dit Emmanuel Macron.
« C’est un pas en avant sur lequel on peut tabler », commente un analyste proche du Hezbollah, alors qu’un autre assurait qu’un scénario en « douceur » sera concocté pour une sortie de crise, de sorte à probablement sauver la face à l’ensemble des parties. S’abstenant de commenter le détail des échanges qui ont actuellement lieu à Paris, une source diplomatique proche du dossier tient à rappeler à L’Orient-Le Jour que si M. Macron avait approuvé que le Premier ministre soit nommé par les anciens chefs de gouvernement qui représentent la majorité de la rue sunnite, il a cependant souhaité que l’ensemble des parties représentées au sein du Parlement puissent parvenir à un accord autour de la formation du gouvernement à proprement parler. Une manière de dire que le tandem chiite ne pouvait être écarté de l’équation comme il l’a été, une attitude qui avait conduit droit au blocage.
Nouveau crédit
Si elle devait réussir, l’initiative de dernière minute prise par M. Hariri lui conférerait sans aucun doute un nouveau crédit sur la scène politique, d’autant qu’il venait de perdre la confiance de l’un de ses plus grands alliés traditionnels, le président du Parlement Nabih Berry. Selon une source proche de Aïn el-Tiné, ce dernier s’est senti « trahi » par le chef du courant du Futur et « lui en veut énormément » depuis qu’il s’est aventuré à concocter un gouvernement à la juste taille de ce qu’on appelle désormais le club des anciens Premiers ministres, ignorant totalement l’avis des autres formations politiques.
D’ailleurs, souligne un analyste politique proche du Hezbollah, c’est ce point névralgique, bien plus que l’affectation du ministère des Finances, qui a effarouché le tandem chiite au plus haut point. D’où la rigidité de leur position.
Selon cette source, le vrai obstacle était la question de l’ingérence des quatre anciens Premiers ministres qui avaient profité de l’initiative française pour tenter de reprendre les rênes du pays. Ils auraient ainsi exploité le fait que le président se trouvait dans une situation difficile, tout comme le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil d’ailleurs, du fait de la menace des sanctions américaines. L’appréhension exprimée par les deux formations chiites serait donc l’orientation politique que comptaient donner au pays les anciens leaders sunnites à l’ombre du bras de fer régional corsé qui a actuellement lieu. « Qui sait si cette nouvelle direction ne finira pas par mener en définitive jusqu’à la normalisation avec Israël ? » s’interroge la source. Une crainte qu’un député Amal confirme, tout en réitérant l’importance que représente une participation chiite au sein de l’exécutif par le biais du ministère des Finances.
commentaires (14)
SUIS LE MENTEUR JUSQU'A SA PORTE C'EST CE QUE FAIT SAAD HARIRI ET VOUS VERREZ CE N'EST PAS HEZBOLLAH QUI GOUVERNE MAIS L'IRAN QUI FAIT MONTER LES ENCHERES AFIN DE VENDRE HEZBOLLAH AU MEILLEUR PRIX ET SAAD LE SAIT .IL VEUT QUE LES AUTRES LE SACHENT !
PROFIL BAS
19 h 33, le 23 septembre 2020