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Culture du lien et repli sectaire

Il est vital de se souvenir du passé pour construire l’avenir… Un dicton qui est malheureusement très peu prisé des Libanais. Surtout en matière de pratiques politiques. L’histoire contemporaine du Liban est riche en exemples dans le domaine. Les événements de ces dernières décennies ont illustré à cet égard une donne indéniable : aucune composante, aucune faction – même au faîte de sa puissance et de sa gloire – n’a pu imposer de façon durable son diktat aux autres acteurs de la scène locale. À chaque fois, l’aveuglement, l’absence de clairvoyance (surtout), l’arrogance, voire le mépris, devenaient la règle mais finissaient par provoquer tôt ou tard un effet boomerang. Même à une échelle réduite, ceux qui se posent en force de changement et se font le porte-étendard d’un progressisme bon genre n’échappent pas à ces égarements et montrent, paradoxalement, qu’ils ne tolèrent pas, eux aussi, la diversité d’opinion, convaincus intimement qu’ils sont détenteurs de la vérité absolue.

Le tandem Hezbollah-Amal n’a pas échappé à cet aveuglement et n’a pas su tirer les leçons des expériences de ceux qui l’ont précédé au pouvoir. S’appuyant sur la seule logique milicienne, ce tandem n’a cessé de se comporter sur base du principe « je suis seul maître à bord ; c’est moi ou personne ; j’acquiers et je réclame davantage ». Très longtemps brimée et mise à l’écart de la chose publique à travers les siècles, la communauté chiite prend en quelque sorte sa revanche sur l’histoire et perçoit le contexte présent comme une opportunité de recouvrer sa dignité et de se tailler une place au soleil à l’instar des autres composantes du tissu social libanais ou arabe.

Cette longue marche a été initiée au début des années 70 par l’imam Moussa Sadr mais dans une optique essentiellement libaniste et souverainiste. Avec la disparition forcée de l’imam Sadr en 1978 et l’instauration, peu de temps après, de la République islamique iranienne sous l’impulsion de l’ayatollah Khomeyni en 1979, l’approche libaniste a progressivement été substituée par un vaste projet transnational expansionniste fondé sur un mode de vie, des valeurs, une vision de la vie et de la société, qui dénotent avec les sentiments nationaux et les traditions que la communauté avait coutume de manifester. Nombre de cadres libéraux de ce milieu communautaire ont toutefois mis une sourdine à leurs critiques des valeurs sociétales prônées par le parti pro-iranien, arguant du fait que la priorité pour l’heure était au rétablissement d’une dignité trop longtemps bafouée.

Il reste que comme ce fut le cas des autres composantes et factions locales, les égarements ont rapidement émergé. Au lieu de consacrer leur action et leur force à la défense de leurs droits collectifs et à l’établissement de rapports équilibrés avec les partenaires internes, les directoires du tandem Hezbollah-Amal ont placé plutôt leur influence croissante au service soit d’un clientélisme partisan et sectaire, soit des seuls intérêts géostratégiques du parrain iranien. Dans la foulée milicienne, et dans le but d’assurer manu militari la réalisation de ces deux objectifs, le tandem s’est employé à étouffer dans l’œuf toute voix discordante libérale au sein de la communauté, comme ce fut le cas lors des élections législatives et à l’occasion du soulèvement d’octobre dernier à Nabatiyé, Kfar Remmane, Tyr ou même Baalbeck.

L’argumentation qui a accompagné les sanctions US contre Youssef Fenianos et Ali Hassan Khalil a illustré dans ce contexte à quel point l’exercice du pouvoir et les structures étatiques ont été longtemps exploités de même que les fonds publics ont été largement détournés pour servir le clientélisme sectaire et le projet idéologique transnational du Hezbollah, en faisant fi des intérêts les plus élémentaires de la population et de l’État libanais. Ces détournements de fonds publics à grande échelle, le coût élevé des subventions imposées à la BDL pour entretenir les grandes opérations de contrebande au profit du régime Assad, ainsi que l’entreprise de sape de l’économie nationale – en menant des campagnes fiévreuses contre les pays qui nous viennent traditionnellement en aide – sont autant de facteurs qui expliquent le large déficit public qui a mené à l’effondrement de l’économie libanaise.

L’ensemble de ces égarements traduit de la part du tandem un repli sur soi identitaire et réducteur dans sa double dimension transnationale et clientéliste locale. L’insistance encore une fois aujourd’hui à obtenir le ministère des Finances est la dernière en date de cette posture égocentrique qui a eu pour effet de laminer le courant démocratique chiite, d’une part, et surtout d’isoler la communauté, d’autre part, le tout au service, in fine, du projet expansionniste des pasdaran. Pourtant, dans son testament politique, Mohammad Mehdi Chamseddine avait exhorté sans détour les chiites libanais et arabes à ne pas s’aligner sur un projet chiite régional (allusion à la wilayat el-faqih), les invitant avec insistance à s’intégrer à leur société nationale tout en luttant pour défendre leurs droits. Cela reviendrait, pour reprendre un terme cher à Samir Frangié, à favoriser la « culture du lien » plutôt que le repli sur soi.

C’est sans doute en se penchant sur les expériences passées de l’interminable guerre libanaise que le tandem Hezbollah-Amal pourrait peut-être réaliser que la préservation des droits et de la dignité de sa communauté passe par cette culture du lien plutôt que par un comportement conflictuel permanent avec ses partenaires nationaux, les pays arabes et la communauté internationale.

Il est vital de se souvenir du passé pour construire l’avenir… Un dicton qui est malheureusement très peu prisé des Libanais. Surtout en matière de pratiques politiques. L’histoire contemporaine du Liban est riche en exemples dans le domaine. Les événements de ces dernières décennies ont illustré à cet égard une donne indéniable : aucune composante, aucune faction – même...

commentaires (4)

TRES BON ARTICLE. TRES VRAI. MAIS LES MERCENAIRES SONT REMUNERES A DETRUIRE LEUR ENVIRON ET LEUR PAYS POUR FAIRE TRIOMPHER L,IDEOLOGIE ET L,HEGEMONIE DES PASDARANS AU PRIX DE LA DESTRUCTION DE LEUR COMMUNAUTE MEME QUI APPROCHE A GRANDS PAS. LE GLAS SONNE !

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 21, le 15 septembre 2020

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Commentaires (4)

  • TRES BON ARTICLE. TRES VRAI. MAIS LES MERCENAIRES SONT REMUNERES A DETRUIRE LEUR ENVIRON ET LEUR PAYS POUR FAIRE TRIOMPHER L,IDEOLOGIE ET L,HEGEMONIE DES PASDARANS AU PRIX DE LA DESTRUCTION DE LEUR COMMUNAUTE MEME QUI APPROCHE A GRANDS PAS. LE GLAS SONNE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 21, le 15 septembre 2020

  • ce que berri et nasroullah ont reussi a faire-soit disant pour prendre la revanche de la communaute chiite- est seulement une victoire psychique, alors qu'en fait les chiites libanais restent dans leur une grande majorite aussi "demunis" qu'ils l'etaient du temps de leurs anciens zaims. ceux -la ont juste ete remplaces par berri&nasroullah qui eux changent de style, ont une facon de faire plus sophistiquee mais alienent leurs ouailles pire qu'avant.

    Gaby SIOUFI

    09 h 45, le 15 septembre 2020

  • quand mais quand les libanais prendront ils conscience que leurs dérives communautaires ,non seulement sont controlées mais aussi servent complètement les interets des ennemis du Liban? J.P

    Petmezakis Jacqueline

    09 h 16, le 15 septembre 2020

  • Ils s'octroient des privilèges que toutes les autres communautés refusent, et vont combattre par tous les moyens.

    Esber

    07 h 08, le 15 septembre 2020

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