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Lifestyle - Explosions de Beyrouth

Au restaurant Makan, des plats chauds pour les sinistrés

Dès le lendemain de la double déflagration, Tony Sfeir, comme tous les amoureux de Mar Mikhaël, s’est mobilisé pour sauver le cachet du quartier et subvenir aux besoins de ses anciens habitants.

Au restaurant Makan, des plats chauds pour les sinistrés

Des volontaires préparent et distribuent des repas aux personnes âgées qui habitent Mar Mikhaël.

« Nous sommes installés ici depuis des années… Nous adorons ce quartier et nous tenons à préserver sa beauté en même temps que ses habitants », explique Tony Sfeir, propriétaire du restaurant Makan à Mar Mikhaël, situé dans une vieille maison beyrouthine. Un quartier qui s’est gentrifié au fil des ans, perdant naturellement un nombre important de ses anciens locataires et de ses artisans. Quand Tony Sfeir s’y est installé, il y a une dizaine d’années, en ouvrant l’espace Beyt ainsi que les galeries Zawal et Plan Bey à la rue d’Arménie, puis le restaurant Makan, rue du patriarche Arida, c’est l’âme de ce quartier qu’il a voulu respecter et conserver. Au lendemain de la catastrophe qui a endommagé voire complètement détruit les maisons de nombreux anciens locataires, contraignant certains à partir, Makan a ouvert grand ses portes à ceux qui sont restés. « Avec le temps, nous nous sentons comme les membres de leur famille. Les enfants des personnes plus âgées sont partis s’installer ailleurs, nous sommes ainsi un peu devenus comme leurs enfants », note Tony Sfeir qui se trouvait à Deir el-Qamar, où il a ouvert un restaurant et un Bed and Breakfast il y a deux ans, au moment de l’explosion.

Depuis le 5 août donc, l’activité du restaurant Makan, qui, en temps normal, sert des plats asiatiques, a changé. Ici, les volontaires se pressent à présent tous les matins par dizaines pour servir des repas aux riverains qui viennent seuls ou en famille recevoir un plat chaud, de la salade et des fruits.

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Pour encourager et aider les habitants du quartier à rester, le propriétaire de Makan a également lancé une initiative visant à aider à la restauration des maisons détruites, en commençant par les vitres et les cadres en bois des fenêtres à remplacer. Par ailleurs, un petit appartement avec jardin, normalement loué par Makan aux touristes, a été transformé en atelier et en logement destiné aux ouvriers venus des quatre coins du Liban, notamment de la montagne et de Tyr, pour prêter main-forte dans les travaux.

« Dès les premiers jours qui ont suivi le 4 août, nous avons aidé au nettoyage des maisons. Nous avons également répertorié les appartements en fonction des réparations à faire. Le quartier qui entoure Makan compte en tout 400 habitations », explique de son côté Salim Naffah, le directeur du restaurant, qui s’est tout de suite mobilisé. Marchant dans les ruelles étroites alentour, il désigne les bâtiments qui datent des années 1920 aux années 1970, les maisons de deux étages aux grandes fenêtres donnant sur la rue et les immeubles aux murs ronds ornés de balcons, tous pleins de charme. « Tout sera restauré », espère-t-il. Au passage, il pointe du doigt une bâtisse ancienne déjà délabrée qui risque de s’effondrer.

« Fatigués mais heureux »

« Un quart des maisons n’est pas habité, dans un autre quart les habitants peuvent entreprendre eux-mêmes les réparations, pour un autre quart, nous avons aidé à remplacer les vitres des fenêtres. Aujourd’hui les travaux sont achevés dans 70 maisons. Il nous en reste 20 », détaille Tony Sfeir, soulignant que les besoins diffèrent et que certains logements ont plus besoin de vitres que d’encadrements de fenêtres. « Nous avons aussi aidé les habitants à déménager et transporter leurs affaires. ». Ces personnes qui ont quitté Mar Mikhaël se sont dirigées vers la banlieue proche, notamment Sabtiyé, Dekouané ou Fanar où leurs enfants, nièces et neveux résident et où les locations sont plus abordables.

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Les deux premières semaines, Makan servait 400 repas par jour. Dès la troisième semaine, ce chiffre est monté à 500 repas. Le chef indien de Makan, Jaydish Joshi, travaille au Liban depuis 9 ans mais n’a jamais eu à cuisiner de si grandes quantités. Depuis le début de la crise économique et la chute vertigineuse de la livre libanaise, il observe, effaré, la hausse des prix des denrées alimentaires. Au moment de l’explosion, il se trouvait à Makan. « Nous avions huit clients, après la déflagration, il y a eu des bris de verre partout. Une fois remis du choc, nous nous sommes mis à balayer », raconte-t-il. Concernant les repas qu’il prépare actuellement pour les habitants du quartier, il souligne : « En ce moment, nous sommes en train de nourrir 500 personnes par jour. Nous sommes évidemment épuisés mais nous ne sentons pas la fatigue, car cela nous rend vraiment heureux d’être utiles en ces moments difficiles et de soutenir les plus démunis, quand ils en ont besoin. »

D’autre part, et dès les premiers jours suivant l’explosion, de nombreuses personnes ont fait des dons au restaurant, ce qui a permis d’assurer l’achat de médicaments aux personnes les plus âgées du quartier. D’autres sont venues prêter main-forte, des jeunes mais aussi des clients du restaurant.


Des volontaires aident dans la restauration des fenêtres et vitres des maisons du quartier. Photos Michel Sayegh


Témoignages

Parmi eux, Amal Gorani, originaire du Soudan, travaille auprès d’une organisation internationale. Installée au Liban depuis l’an dernier, elle fait du volontariat avec ses deux enfants, qui aident actuellement à emballer de la nourriture. « Je fais partie des privilégiés et je sens qu’il est de mon devoir d’être sur le terrain. Les miens ont été préservés et ma maison est intacte. Cela permet aussi de donner du bonheur et de l’espoir aux autres », dit-elle.

Raya Kanaan, 26 ans, passait ses vacances à Beyrouth. Résidant à Paris, elle est arrivée au Liban peu après l’explosion. « J’ai passé un peu de temps avec mes parents puis je me suis mise à faire du volontariat. J’aurais voulu venir plus tôt mais c’était impossible », confie-t-elle. « J’aurai voulu aussi rester plus longtemps, mais il faut que je reparte bientôt pour des raisons professionnelles C’était pour moi normal d’aider. Le Liban est mon pays, c’est là que j’ai grandi. Si je trouvais un emploi et rentrer pour de bon, je n’hésiterais pas une seconde », ajoute-elle.

Depuis la semaine dernière, Beyt et Plan Bey, lourdement endommagés par la double explosion, ont ouvert leurs portes pour une exposition symbolique qui se tient tous les jours de 11 heures à 19 heures.

Dès la semaine prochaine, tous les soirs, Makan ouvrira à nouveau ses portes aux clients.

Pour plus d’informations :makanbeirut@gmail.com

« Nous sommes installés ici depuis des années… Nous adorons ce quartier et nous tenons à préserver sa beauté en même temps que ses habitants », explique Tony Sfeir, propriétaire du restaurant Makan à Mar Mikhaël, situé dans une vieille maison beyrouthine. Un quartier qui s’est gentrifié au fil des ans, perdant naturellement un nombre important de ses anciens locataires...

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