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Image à l’appui

Que l’on n’y voie rien de personnel, mais le séjour que vient d’effectuer à Beyrouth Ismaïl Haniyé n’était pas exactement fait pour enchanter nombre de Libanais. Comme si les diverses et graves crises que connaît le pays n’étaient pas encore assez, la visite du chef du Hamas a irrésistiblement ravivé dans les mémoires le souvenir des débordements et excès de la résistance armée palestinienne, qui devaient conduire à tant de désastres.


Haniyé était venu, en théorie, pour animer en visioconférence une concertation avec ses pairs palestiniens, visant à l’unification des rangs. Pourquoi Beyrouth, l’histoire officielle ne le dit pas, à supposer bien entendu que l’État libanais ait eu quelque voix au chapitre. Triomphalement accueilli dans le camp de Aïn-Héloué, le chef palestinien a, certes, sacrifié aux règles de la bienséance en affirmant que les réfugiés étaient les hôtes du pays, et qu’ils se gardaient bien de s’ingérer dans les affaires libanaises ; mais il n’a pas manqué d’embarrasser les autorités locales en menaçant de lancer, à partir de son fief de Gaza, une pluie de missiles sur Tel-Aviv et même au-delà.


Mais pourquoi Beyrouth, encore une fois ? Parce que, un demi-siècle plus tard, tous les ingrédients sont à nouveau réunis, dans la capitale libanaise, pour en faire une des principales plaques tournantes des tensions régionales et internationales : un pays à genoux, un État en déliquescence, un État milicien dans l’État, et le tout à un jet de pierre d’Israël, que pouvait-on demander de mieux ? Et la Palestine, où se niche-t-elle vraiment, dans tout ce remue-ménage qui se résume surtout à un étalage des cartes que détient l’Iran dans son bras de fer avec les États-Unis ? L’image de Hassan Nasrallah et Ismaïl Haniyé réunis à Beyrouth est un message adressé à Donald Trump, autant, sinon plus, qu’à Benjamin Netanyahu.


Émanation, à ses origines, des Frères musulmans d’Égypte, le Hamas n’est pourtant pas le Hezbollah autoproclamé inconditionnel de l’Iran, et pas seulement parce que l’islamisme palestinien est d’essence sunnite. On l’a même vu s’éloigner de ses bailleurs de fonds iraniens à propos du conflit de Syrie pour finir par revenir à de meilleurs sentiments, faute de sources de financement alternatives ; manque de pot cependant, la trésorerie iranienne n’est plus ce qu’elle était, en raison des sanctions américaines. Ce qui n’a pas changé en revanche, c’est l’obstination de Téhéran à se poser en premier défenseur de la cause palestinienne, à seule fin d’étendre son hégémonie dans cette partie du monde : stratégie qui, souvent, requiert des ententes ambiguës et ne sert pas au mieux les intérêts de ses protégés.


Pour creuser encore plus profond le fossé entre l’Autorité palestinienne et le Hamas, l’Iran se sera ainsi montré bien plus efficace que les quelques dizaines de kilomètres séparant les deux mini-Palestine rivales de Cisjordanie et de Gaza. Tout aussi objectivement, c’est le même Iran, acharné à déstabiliser divers pays arabes, qui aura poussé les monarchies pétrolières du Golfe dans les bras d’Israël : amorce de normalisations à ciel ouvert, hier encore impensables, et dont les infortunés Palestiniens sont les premiers à faire les frais…


Ne vous demandez surtout pas ce qu’en pensent ceux qui nous gouvernent : ce serait commettre deux gros non-sens dans la même phrase.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Que l’on n’y voie rien de personnel, mais le séjour que vient d’effectuer à Beyrouth Ismaïl Haniyé n’était pas exactement fait pour enchanter nombre de Libanais. Comme si les diverses et graves crises que connaît le pays n’étaient pas encore assez, la visite du chef du Hamas a irrésistiblement ravivé dans les mémoires le souvenir des débordements et excès de la résistance...