Il est réconfortant pour les Libanais de Paris de constater que l’aide de la France à leur pays sinistré passe aussi par le biais de la musique. C’est ainsi qu’à l’église Saint-Sulpice, joyau architectural français, construite entre 1646 et 1870, se donnait, un mois jour pour jour après le drame, un concert en hommage aux victimes de l’explosion du 4 août. Le chœur international Hugues Reiner, l’Euromusic Symphonic Orchestra et des solistes de renom, dont la soprano libanaise Rima Tawil, étaient placés sous la direction d’Hugues Reiner lui-même grand ami du Liban.
D’entrée de jeu, le ton est donné et place au patrimoine musical libanais. Le concert s’ouvre sur le Kyrie de Ziad Rahbani, œuvre sombre et pénétrante dont l’atmosphère mystérieuse est sublimée par le ténor Michel el-Ghoul et le chœur entièrement masqué de noir, Covid-19 oblige. Puis vient la Symphonie n° 7 de Beethoven et son célèbre deuxième mouvement, allegretto, au thème si entêtant qui, aux dires même du compositeur, « est l’une de ses meilleures œuvres ».
Après un Nessun Dorma (extrait de l’opéra Turandot de Puccini) remarquablement chanté par le ténor Joachim Bresson, place au Requiem de Mozart. Cette œuvre intemporelle, interprétée ce soir-là à la mémoire des victimes de Beyrouth, avait quelque chose de déchirant. Les numéros s’enchaînent, le plateau est extrêmement homogène, suivant à la seconde la battue électrique et exaltée de son chef. Et d’ailleurs, quelle ne fut la surprise du public de constater, chose totalement inédite, que ce dernier assurait lui-même la partie soliste de basse, passant avec un égal bonheur du pupitre de chef à celui de chanteur. Guillemette Laurens, que l’on connaît plutôt dans le répertoire baroque, donnait ici un superbe échantillon de son célèbre timbre chaud de mezzo-soprano. Rima Tawil, tout en douceur et émotion contenue, faisait une belle démonstration mêlant puissance et sensibilité. L’oratorio où l’on n’a pas souvent l’occasion de l’entendre, lui va très bien, tant il est vrai que derrière la technique parfaitement maîtrisée, l’on sentait affleurer une spiritualité profonde et sincère.
Tant de beauté dans un monde d’une telle férocité ne pouvait qu’apporter un baume aux cœurs meurtris, et c’est encore et toujours la musique qui nous console le mieux de tous les malheurs.
Beau programme, mais je me demande comment a sonné ce choeur "entièrement masqué de noir"! Surtout dans le Dies Irae du Requiem de Mozart...
12 h 08, le 08 septembre 2020