Rechercher
Rechercher

Culture - Témoignage

Maya Husseini : On va reconstruire Beyrouth et restaurer ses vitraux brisés

Elle se donne quatre ans pour restituer à l’identique les vitraux de toutes les églises de la capitale qu’elle avait elle-même réalisés au cours des deux dernières décennies et que la double explosion du port a réduits en poussière...

Maya Husseini : On va reconstruire Beyrouth et restaurer ses vitraux brisés

Maya Husseini s’est déjà attelée au travail de réparation.

Il a suffi de quelques secondes, en ce funeste mardi 4 août 2020, pour ravager la moitié de Beyrouth et dévaster la vie de centaines de milliers de ses habitants… Quelques secondes pour détruire ses quartiers patrimoniaux, briser les vitraux de ses églises, de ses belles demeures et autres lieux chargés d’âme… Quelques secondes pour effacer près de trois décennies de travail de Maya Husseini, l’unique femme maître-verrier au Liban. Cette artiste du verre a acquis sa notoriété en 2016, suite à son travail de reconstitution des vitraux du musée Sursock tels qu’ils étaient avant la guerre. Ces panneaux de verre coloré qui illuminaient, de jour comme de nuit, la façade de la blanche bâtisse et lui donnaient sa forte identité étaient devenus, dès lors, autant la carte de visite de la dame aux boucles rousses que le symbole des lieux. Totalement soufflés par la double explosion du port, leur absence donne à l’édifice muséal l’air livide et hagard des victimes de grandes catastrophes… « J’ai pleuré en voyant le musée détruit, mais aussi toutes les églises beyrouthines aux vitraux desquelles j’ai contribué. Cette explosion a pulvérisé une large partie de mon travail », confie Maya Husseini, dont le parcours professionnel remonte à bien avant sa participation au chantier de réaménagement du musée Sursock. Diplômée en arts plastiques de l’Alba et spécialisée dans le travail du vitrail à Chartres, elle commence par concevoir, à la fin des années 1980, toutes sortes d’éléments décoratifs et mobiliers en thermoformage et « fusing » sous le label Cèdre-Verre, avant de se lancer, au début des années 1990, dans la restauration des vitraux des églises endommagées durant la guerre libanaise. La passion pour cet art du verre aussi délicat qu’exigeant la mènera, dans une étape ultérieure, vers la création de vitrail de A à Z depuis la conception du dessin et motif « à main levée » jusqu’au passage au four.

Rien n’a été épargné…

De Notre-Dame du Mont, sa première réalisation à Adma, à la cathédrale Saint-Louis des capucins – son grand projet de « 2 ans de peinture sur verre cathédrale à l’ancienne » au centre-ville –, elle a laissé son empreinte dans plus d’une trentaine d’églises à travers le pays du Cèdre, dont une majorité au cœur de la capitale. Malheureusement, aucune de ces dernières n’a été épargnée par l’explosion du port.

« Terra Santa à Gemmayzé, Saint-Antoine-de-Padoue à Sin el-Fil, Saint-Louis à Bab Edriss, Saint-Jean-Baptiste dans la montée de l’hôtel Alexandre, l’église protestante de Beyrouth, derrière le Sérail, Saint-Élie à Kantari ou encore le Rosaire à Hamra… toutes ces églises dans lesquelles j’ai travaillé ont eu leurs vitraux brisés », énumère la créatrice. « La maison Rayess, quartier Sursock, dont je venais juste de terminer la restauration des vitraux de toute une façade ainsi que d’une porte du XIXe siècle a aussi été saccagée. Mais je vais m’y remettre, restaurer tout ce qui peut l’être et recréer ce qui a été anéanti », assure cette battante, titulaire du prix de l’Unesco de l’artisanat pour les États arabes.

Elle s’est d’ailleurs déjà attelée à la tâche. Et cela en dépit des dégâts qu’elle a elle-même subis dans son atelier à Hazmieh, et malgré son agenda chargé pour cause de chantier – « une immense basilique » – en Jordanie.

Les vitraux de la façade de la maison Rayess à Sursock, 5 mois avant l’explosion et après le 4 août. Photos DR

Une équipe en formation

« J’ai bientôt fini la reconstitution des vitraux que j’avais conçus en 2007 pour une demeure privée à Kantari. Et je vais aussitôt m’attaquer, dans un premier temps, à la restauration des panneaux qui sont réparables dans certaines églises, comme à Wardiyé (l’église du Rosaire), ou encore à Santa, dont une famille libanaise a déjà pris en charge le financement des travaux. » Les chantiers plus lourds, où tout est à refaire et qui nécessitent d’importantes levée de fonds, viendront plus tard. Car le problème réside aussi dans les moyens de financement en ces temps de crise économique et financière. Notamment pour l’achat du verre soufflé qu’elle utilise et qui est importé de l’étranger. « Je suis en train d’essayer d’obtenir de la verrerie Saint-Just, filiale de Saint-Gobain qui est l’un de mes principaux fournisseurs, des réductions de prix pour faire profiter mes clients », signale-t-elle par ailleurs.

Sinon, dans son entreprise de reconstitution des vitraux détruits de la capitale, Maya Husseini compte sur le soutien d’une petite équipe de jeunes artisans qu’elle est en train de former. « Seule, je ne pourrais pas relever le défi de ce chantier titanesque qui devrait prendre quatre ou cinq ans. Mais ensemble, on y arrivera. On va reconstruire Beyrouth ! »

martèle l’artiste. Qui, du coup, a décalé de quelques années l’heure de sa retraite. « Le travail du verre est assez physique et éprouvant, et je m’étais promis d’arrêter dans deux ans, lorsque j’aurais achevé les vitraux de la basilique jordanienne. Mais ce maudit 4 août m’a fait revenir au point de départ. Je vais devoir remettre mes plans de repos à plus tard. Je ne peux pas laisser 27 ans de ma vie professionnelle disparaître en fumée, et tous ces vitraux que j’ai créés redevenir sable », conclut celle pour qui « le verre est une matière vivante » et le travail un art toujours renaissant, en dépit de tous les carnages…

Il a suffi de quelques secondes, en ce funeste mardi 4 août 2020, pour ravager la moitié de Beyrouth et dévaster la vie de centaines de milliers de ses habitants… Quelques secondes pour détruire ses quartiers patrimoniaux, briser les vitraux de ses églises, de ses belles demeures et autres lieux chargés d’âme… Quelques secondes pour effacer près de trois décennies de travail de...

commentaires (2)

Un example à suivre

Achkar Antoine

12 h 40, le 06 septembre 2020

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Un example à suivre

    Achkar Antoine

    12 h 40, le 06 septembre 2020

  • bravo.. Veritable artiste ,

    Muller Bertrand

    07 h 24, le 06 septembre 2020

Retour en haut