Appauvri, ruiné, détruit, le Liban n’est plus un pays au sens politique du terme. État failli, il a été démembré par les seigneurs de la guerre civile pour servir leurs parrains régionaux et faire main basse sur l’argent public. Le Liban n’est plus un État, c’est une pièce sur l’échiquier régional et une source de financement pour les mafieux qui le dirigent.
Dans ce spectacle de disparition annoncée de État libanais, une des armes qui peut encore sauver le pays : l’adoption et l’application des sanctions à l’encontre des dirigeants politiques corrompus et les responsables de la destruction de la capitale, mais à la seule condition qu’elles servent les intérêts du Liban, pas ceux des acteurs internationaux.
Réticences injustifiées
À ceux qui, hypocritement, crient à l’internationalisation du dossier libanais, il faut rappeler que le Liban est depuis 50 ans un pays ouvert à toutes les dominations étrangères et qu’après l’OLP, Israël puis la Syrie, c’est aujourd’hui au tour de l’Iran de jouer un rôle prépondérant aux dépens de la souveraineté de l’État libanais. À ces souverainistes de façade, nous rappelons qu’ils ont été les artisans des multiples ingérences en s’alignant sur tel ou tel pays depuis des décennies. C’est bien justement pour sanctuariser le Liban que le Bloc national a été le premier à appeler de ses vœux, dès les années 1960, l’envoi d’une police internationale (préfigurant la Finul) pour éviter que le Liban soit entraîné par une décision prise ailleurs dans une guerre contre Israël et qu’il a été le seul parti à refuser les accords du Caire qui ont légalisé la présence militaire palestinienne au Liban.
Et à ceux qui prétendent que les dirigeants politiques ont été démocratiquement élus, il faut rappeler que c’est par l’intimidation, la violence politique, l’achat des voix avec l’argent des puissances régionales et en attisant la peur de l’autre qu’ils ont gagné leurs sièges au Parlement. Cette fausse légitimité a été dénoncée dès la révolte du 17 octobre par une majorité de Libanais. Libérés de la peur de s’exprimer, ils ont entamé une révolte citoyenne pour un État de droit, civil et démocratique. La crise économique, la répression féroce exercée par les forces de l’ordre et par les milices de certains partis au pouvoir et l’explosion apocalyptique du 4 août ont certes fait reculer les manifestations. Mais la révolte demeure dans le cœur et les esprits des citoyens. Plus rien ne pourra éteindre cette flamme qui brûle dans leurs cœurs.
Dans ce contexte, la justice libanaise phagocytée, soumise et paralysée par la classe politique, n’a pas l’indépendance et les moyens nécessaires pour juger les dirigeants. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de se tourner vers la communauté internationale, comme l’a fait dans un autre contexte Raymond Eddé (ancien « Amid » [doyen] du Bloc national), pour accomplir une autre tâche que les autorités locales sont incapables de faire : juger ceux qui ont ruiné le pays et détruit sa capitale indépendamment de leurs affiliations politiques.
Chimiothérapie politique
Renoncer aux sanctions pour faciliter la formation d’un nouveau gouvernement ou réussir la médiation américaine sur les frontières maritimes avec Israël (qui viole tous les jours notre souveraineté dans l’impunité et le silence de la communauté internationale) serait une trahison pour le Liban. Certes, la formation d’un gouvernement et l’adoption de certaines réformes constitueraient un succès pour la diplomatie française. De même, un accord sur les frontières maritimes constituerait un succès pour la diplomatie américaine. Mais cela ne fera que retarder la chimiothérapie politique dont le Liban a besoin pour se débarrasser de ses dirigeants politiques et des problèmes endémiques de corruption et de soumission aux acteurs régionaux.
L’explosion du 4 août doit être un tournant historique et non pas un nouveau rafistolage. La matière explosive qui a soufflé la capitale et détruit des quartiers entiers était entreposée depuis sept ans au port de Beyrouth au vu et au su des partis au pouvoir qui par ailleurs le reconnaissent officiellement. L’indifférence, l’incompétence et la négligence des responsables libanais ont atteint des sommets. Il s’agit tout simplement d’un crime contre l’humanité.
Au nom de la défense des droits de l’homme et de la Charte des Nations unies, la communauté internationale a un devoir d’ingérence en utilisant toute la palette d’outils juridiques et pénaux dont elle dispose pour sanctionner les auteurs de ce crime et de la faillite de l’État. Il faut que la justice soit rendue de façon rapide, impartiale et au seul bénéfice des Libanais.
La stabilité du Liban n’est pas seulement une nécessité libanaise. C’est une nécessité régionale, européenne et universelle. Ce n’est qu’en allant jusqu’au bout dans l’application des sanctions individuelles contre les dirigeants libanais selon des critères objectifs et sans discrimination politique que les puissances internationales pourront mettre un terme à la corruption et accélérer le renouvellement d’une classe politique qui a systématiquement détruit son propre pays.
Et ainsi offrir au Liban les fondations d’un nouveau centenaire.
Par Pierre ISSA
Secrétaire général du Bloc national.
commentaires (19)
La communauté internationale ne veut pas intervenir, ni pour aider le Liban, ni pour arrêter les pilleurs, ni pour les sanctionner. Les grandes puissances les ont laissé ruiner ce pays afin de le mettre à genoux et lui faire accepter ensuite toutes les conditions qu'elles lui poseront: naturalisation des réfugiés palestiniens et de certains réfugiés syriens, acceptation d'un tracé des frontières maritimes dessiné dans l'intérêt d'Israël etc... Rien donc à attendre de l'extérieur. Seul un sursaut interne pourra faire pencher la balance.
Georges Airut
01 h 50, le 19 septembre 2020