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Société - Explosions de Beyrouth

Un mois après le cataclysme, le chaos règne au niveau de la gestion des aides

De nombreux habitants et commerçants de la capitale peinent à entreprendre des réparations et déplorent l’absence de l’État sur le terrain.

Un mois après le cataclysme, le chaos règne au niveau de la gestion des aides

Des volontaires nettoyant un appartement détruit à Beyrouth.

Un mois jour pour jour après les explosions dévastatrices qui ont détruit de nombreux quartiers de Beyrouth, Joëlle et Fayez n’ont toujours pas pu réparer leur appartement situé dans le quartier de Mar Mikhael, à une centaine de mètres du port. « On attend des réponses de la part des nombreuses ONG qui nous ont promis de l’aide. C’est assez désorganisé, mais en même temps, les associations sont tellement sollicitées », raconte Joëlle, 39 ans, dont l’appartement a été entièrement détruit par les déflagrations. « C’est le gouvernement qui est censé prendre en charge les réparations et personne n’est censé remplacer l’État, souligne toutefois Joëlle, installée chez sa mère en attendant de pouvoir entamer les travaux. Je pense que la présence des ONG sur le terrain soulage les autorités et les décharge de leurs responsabilités », ajoute-t-elle, en colère. Seule image positive dans ce paysage de désolation, Joëlle et Fayez ont eu la bonne surprise de découvrir que l’Unicef avait réparé durant leur absence les bacs d’eau qui alimentent l’immeuble et qui ont été pulvérisés lors de l’explosion.


Un ouvrier s’active devant une maison dévastée dans le quartier de Mar Mikhaël. Photos João Sousa


Ailleurs dans le quartier, la reconstruction semble avoir repris, mais de manière assez inégale. Certains immeubles à caractère traditionnel sont en train d’être restaurés grâce à des aides de l’Unesco et d’autres organisations internationales, alors que d’autres habitations sont toujours détruites. Lassées d’attendre des aides qui tardent à arriver, de nombreuses personnes ont lancé les travaux à leur propre compte, mais se heurtent aux conditions posées par les forces de sécurité. « Nous avons voulu commencer à réparer notre salle de vente, mais les Forces de sécurité intérieure nous ont forcés à arrêter le chantier. Ils exigent que nous ayons une autorisation de la municipalité de Beyrouth pour effectuer les travaux », confie un commerçant sous le couvert de l’anonymat.

Nazareth, 76 ans, est propriétaire d’un atelier de couture hérité de son père. Ses pertes entre matériel et marchandise endommagés se chiffrent à 15 000 dollars. « Beaucoup d’associations sont passées me voir et m’ont posé tout un tas de questions, mais je n’ai absolument rien obtenu en matière d’aides », confie-t-il. « Les aides à la reconstruction ne sont pas organisées, elles ne sont pas sérieuses. Mais j’ai repris le travail parce que la vie doit continuer », assure ce couturier.


Kamal Habbal, 61 ans, tanneur à Zokak el-Blatt, déplore une économie « au point mort » dans le quartier. Photo Zeina Antonios


« Il ne reste plus rien ici »

À Jeïtaoui, les associations humanitaires s’activent et tentent de soutenir les riverains en détresse, mais la demande dépasse la capacité des ONG. Ici, les dégâts sont plus ou moins importants, selon l’emplacement des bâtiments par rapport au port. Muriel, la quarantaine, a vu son domicile entièrement dévasté. « Mon appartement a été le seul dans cet immeuble à avoir subi autant de dégâts. Peut-être parce qu’il donne davantage sur le port que les autres », analyse-t-elle. Muriel loge maintenant chez ses parents, en attendant de pouvoir remplacer les vitres et les portes avant les premières pluies.

Selon des militants sur place, l’armée a passé en revue les dégâts et délimité les zones à prendre en charge par chaque association, dans une tentative d’organiser au mieux la répartition des aides à la reconstruction dans la capitale. Lina, 30 ans, habite dans un immeuble familial à Jeïtaoui. Elle a été blessée à la jambe et a perdu la plupart de ses affaires lors de l’explosion. « Les ONG nous aident à remettre les fenêtres et les portes en place, mais il faut tout racheter car il ne reste plus rien ici. De plus, les murs sont fissurés depuis l’explosion. Nous avons besoin de renforcer les fondations de l’immeuble. Et avec le dollar qui flambe, nous ne savons pas comment faire », lance la jeune femme.


À Zokak el-Blatt, de nombreux riverains ont renoncé à réparer leurs vitres et posé du nylon sur leurs fenêtres. Photo Zeina Antonios


Du nylon en attendant les vitres

À l’autre bout de la ville, dans le quartier de Zokak el-Blatt, les habitations n’ont certes pas été soufflées comme à Mar Mikhaël, mais tout le secteur a perdu ses vitres et ses portes. Sauf que le quartier, modeste à la base, peine à réparer les dégâts, et nombreuses sont les habitations dont les fenêtres sont encore béantes. De nombreux commerces ont renoncé à remplacer leurs vitrines et ont posé, en attendant, du nylon. Ceux qui ont effectué des réparations ont payé des factures salées ou obtenu des aides de la part de généreux bienfaiteurs.

Omar, la cinquantaine, est furieux. Ce propriétaire d’un magasin de produits électroniques a renoncé à remplacer sa devanture brisée à cause de la flambée des prix. « J’ai le moral au plus bas et je ne compte rien réparer pour l’instant. L’argent que j’ai, je vais l’utiliser pour acheter à manger », lance-t-il. « Il faut que je débourse 400 dollars pour réparer ma vitrine. Les fournisseurs veulent être payés en dollars ou en livres libanaises au taux de 8 000 LL pour un dollar », soupire Omar qui n’a pas non plus réparé les vitres de son appartement, situé dans le même quartier, se contentant de protéger ses fenêtres avec du nylon.

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Kamal Habbal, tanneur de 61 ans et père de trois enfants, a réussi à faire remplacer la porte de sa boutique grâce à la générosité de certains particuliers qui sont venus en aide aux commerçants du quartier. « L’État ne nous a pas aidés. Des représentants de la municipalité devaient passer nous voir, mais ils ne sont jamais venus. N’était-ce la générosité de nos compatriotes, nous n’aurions rien pu réparer », confie Kamal. « La situation économique est au point mort depuis l’explosion. Des fois, le quartier se vide entièrement, les gens rentrent chez eux tôt et ne sortent plus. J’ai passé la guerre ici, mais aujourd’hui, j’ai envie de quitter le pays », lance-t-il.

Au détour d’une rue à Zokak el-Blatt, la librairie de Férial Hassoun a retrouvé son allure d’avant l’explosion. Sur la vitrine, elle a collé des photos des destructions survenues dans sa boutique, accompagnées de la phrase : « Nous avons réparé les dégâts parce que nous voulons aller de l’avant. » « Je veux rester optimiste malgré tout. La situation a toujours été difficile au Liban, mais on va se relever pour sûr. On ne peut pas vivre sans espoir. J’ai tout réparé moi-même, je n’attends personne, je ne veux surtout pas baisser les bras », assure la jeune femme.


Un mois jour pour jour après les explosions dévastatrices qui ont détruit de nombreux quartiers de Beyrouth, Joëlle et Fayez n’ont toujours pas pu réparer leur appartement situé dans le quartier de Mar Mikhael, à une centaine de mètres du port. « On attend des réponses de la part des nombreuses ONG qui nous ont promis de l’aide. C’est assez désorganisé, mais en même temps,...

commentaires (4)

On ne peut entreprendre de réparer avec des promesses et sans argent .Il faudra vite agir et le gouvernement vite rembourser les personnes concernées .

Antoine Sabbagha

19 h 14, le 04 septembre 2020

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Commentaires (4)

  • On ne peut entreprendre de réparer avec des promesses et sans argent .Il faudra vite agir et le gouvernement vite rembourser les personnes concernées .

    Antoine Sabbagha

    19 h 14, le 04 septembre 2020

  • LE CHAOS ET OU NE REGNE-T-IL PAS AU LIBAN ? DE LA TETE DE L,ECHELLE ET JUSQU,A SON DERNIER ECHELON. TOUT EST BORDEL.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 45, le 04 septembre 2020

  • Chère Zeina j’adore vos articles toujours clairs et magnifiquement rédigés J’aime aussi beaucoup vous écouter sur France 24 Si vous avez des familles d’Anna la détresse en ce moment envoyer les aux Petits Soleils Depuis le 4 Aout nous avons entre 5 et 8 demandes par jour Nous aidons tout le monde et cela fait 23 ans que nous nous débrouillons seuls sans l’aide de l’état !...

    Noha Baz

    09 h 06, le 04 septembre 2020

  • oui ,car l' ètat ,c'est vous et non pas les guignols qui se disputent la couverture; courage ! mais n'oubliez pas vos exigences de citoyens J.P

    Petmezakis Jacqueline

    03 h 55, le 04 septembre 2020

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