La double explosion au port de Beyrouth a provoqué des dégâts considérables dans les immeubles résidentiels et les magasins commerciaux. Cet incident exceptionnel soulève plusieurs interrogations concernant la partie responsable, en sus bien évidemment de l’État, de la réparation des dommages. Que dit la loi ?

AFP

Pour déterminer la quote-part du bailleur et du locataire dans les travaux de réparation, il faut d’abord faire la distinction entre les contrats de baux immobiliers dits “anciens”, conclus avant le 23 juillet 1992 et ceux dits “nouveaux” et conclus après cette date.

Les baux immobiliers dits “nouveaux” sont régis par le décret-loi n° 159/92 du 23 juillet 1992 qui libéralise les loyers. Tout locataire qui ne bénéficie pas des lois sur la prorogation des anciens loyers sera par conséquent soumis à cette loi et aux articles 544 et suivants du Code des obligations et des contrats (COC) régissant les loyers.

Selon la loi libanaise et une jurisprudence constante, il incombe au propriétaire d’effectuer les réparations majeures, le locataire quant à lui doit se charger des réparations mineures. Cette explication quelque peu simpliste génère toutefois des problématiques complexes.

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Le propriétaire devrait être tenu d’effectuer tous les travaux de réhabilitation nécessaires afin de réaliser le but du contrat de bail qui consiste en la jouissance du bien loué par le locataire, à savoir l’entretien du toit, de l’escalier, des ascenseurs, des canalisations des chauffages et de la climatisation, et tout ce qui est en rapport avec le bien loué et qui est réservé à son utilisation.

Le bailleur doit aussi effectuer toutes les réparations urgentes nécessaires pour le maintien du bien loué en l’état, à condition de prévenir le locataire dans un délai raisonnable. Si pendant ces travaux le locataire est partiellement privé de l’usage du bien loué, il est en droit de demander la résiliation du contrat de bail ou de la diminution du loyer.

En revanche, l’article 548 du COC fait supporter les réparations locatives mineures au locataire, en citant notamment les « pavés et carreaux des chambres, les portes croisées, cloisons, gonds et serrures ainsi que les vitres ».

Ledit article exclut toutefois les situations « d’accident extraordinaire ou de force majeure » et met, dans ce cas, la réparation des vitres cassées à la charge du bailleur.

L’on constate qu’il est fait mention ici des vitres uniquement, puisque à l’époque de la rédaction du COC, en 1932, il n’existait pas de structure d’aluminium. Si l’on considère a fortiori que l’esprit de la loi est de faire supporter les réparations majeures au propriétaire, ce dernier devrait être responsable de telles réparations.

L’article 549 du COC dispose aussi, de manière explicite, qu’aucune réparation n’est à la charge du locataire quand elle est occasionnée par les effets d’une force majeure, par un vice de construction ou par le fait du bailleur.

Ainsi, si l’explosion du 4 août est considérée comme un cas de force majeure, les locataires ayant conclu des baux sous l’empire de la nouvelle loi devraient pouvoir faire supporter les réparations occasionnées à leur habitation ou magasin au propriétaire.

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Destruction totale ou partielle

En revanche, dans le cas où il y a eu destruction totale du bien loué (comme dans certains immeubles à Gemmayzé et Mar Mikhaël) et que celui-ci devient impropre à l’habitation, le locataire ne sera plus en mesure d’en jouir. Dans ce cas, le contrat de bail est réputé résilié sans indemnité d’aucune part, ni de la part du bailleur ni de celle du locataire. Ce dernier ne devra payer le loyer qu’à proportion de sa jouissance du bien loué.

La jurisprudence libanaise va d’ailleurs dans le même sens. Si le dommage est partiel et que le bien loué peut être utilisé, le locataire peut réclamer la réduction proportionnelle du loyer.

Les baux “anciens”

Si le bail immobilier a été conclu avant le 23 juillet 1992, le locataire sera soumis à la loi 160/92 ainsi qu’à la dernière loi sur les baux immobiliers, datant du 28/02/2017.

L’article 49 de cette loi dispose « qu’en dépit de tout texte contraire, dans le contrat de bail, le locataire doit supporter tous les frais de réparation des parties qui ne sont pas communes et relatives au bien loué ». On entend par parties non communes, celles qui sont à l’intérieur du bien loué et dont l’usage est strictement réservé au locataire. Les parties communes, en revanche, sont celles qui par leur nature sont allouées à un usage commun ou la façade de l’immeuble.

Mais au final toutes ces lois, que ce soit celles qui régissent les baux nouveaux et anciens ou les dispositions du COC relatives à la destruction totale ou partielle des biens loués, n’ont pas été édictées pour s’appliquer à des cas atypiques, comme celui de l’explosion du 4 août. Cette déflagration sans précédent ne devrait pas relever du droit commun. Force est de constater qu’une loi spéciale devrait être promulguée de manière urgente afin de gérer les problèmes juridiques et économiques qui en génèrent. À situations exceptionnelles, mesures exceptionnelles.

Le cas des bâtiments historiques

Concernant les bâtiments classés comme historiques, la direction des relations publiques à la municipalité de Beyrouth a déclaré que conformément à la demande du mohafez de Beyrouth, le juge Marwan Abboud, les propriétaires des immeubles se doivent de notifier en urgence la municipalité de Beyrouth concernant les situations qui requièrent des mesures urgentes pour éviter leur effondrement. Tous les travaux doivent par ailleurs être effectués en coordination et sous l’égide de la direction générale du patrimoine de façon à conserver l’aspect historique des bâtiments classés. De même il ne sera pas délivré aux propriétaires d’immeubles classés d’autorisation ou de permis pour l’édification de nouveaux immeubles. Cette mesure est prise afin d’éviter l’exploitation de l’état d’urgence par certains propriétaires de bâtiments historiques qui désirent procéder à leur destruction sans autorisation.