Le bilan du désastre du 4 août est terrifiant. La quasi-totalité des appartements et des bureaux de Saïfi, Gemmayzé, Mar Mikhaël, Sursock, Accaoui, Geitaoui et la Quarantaine ont été endommagés. Si les propriétaires s’activent pour retaper leur bien, les locataires se sont mis à la recherche de nouveaux logements et bureaux vers Ras Beyrouth, le sud d’Achrafié et Sin el-Fil.

Anwar Amro/AFP

« C’est catastrophique ! » soupire Christian Baz, le PDG de l’agence de gestion immobilière Baz Real Estate, qui gère 65 immeubles dont 40 % sont situés à Achrafié. « Nous collaborons bénévolement avec les comités d’immeubles pour les questions de comptabilité. Nous sommes en train de budgéter le coût des rénovations, cela va de quelques centaines à plusieurs dizaines de milliers de dollars par appartement. Il est encore trop tôt pour évaluer précisément l’ampleur des dégâts, mais avec le temps, on va découvrir que la facture est très élevée. » Les explosions du 4 août ont en effet détruit et endommagé des milliers d’appartements et de bureaux.

Le long de l’avenue Charles Hélou et des rues al-Arz, Pasteur, le paysage urbain a été soufflé. Les immeubles résidentiels tels que Quasar Tower, Convivium 6, Harbour Tower, Place Pasteur, La Cote, LIV Loft et Skyline ont été dévastés. Certains comme Place Pasteur et Quasar Tower venaient d’être terminés et les premiers résidents occupaient leur propriété depuis quelques semaines à peine. Leur reconstruction va prendre plusieurs mois. En ce qui concerne les bureaux, les explosions ont ravagé les stocks du centre-ville, de Saïfi-Gemmayzé et le long des avenues Charles Malek et Élias Sarkis. Les immeubles d’affaires Burotec, West End, Pasteur 40, The Netherlands Tower, Quantum Tower, Sofil Center ont été touchés. Certains bureaux ne sont plus utilisables pendant plusieurs mois. Même Sodeco et Sassine n’ont pas été épargnés.

Deux semaines après le drame, propriétaires et locataires sont encore sous le choc, mais doivent trouver des alternatives.

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« Les appels commencent à affluer. Les clients dont les maisons ont été endommagés et qui se sont réfugiés entre-temps chez des proches ou à la montagne nous demandent de leur trouver une nouvelle adresse à louer à Achrafié », explique Chantal Mille Arida, de l’agence immobilière B in Beirut dont les bureaux rue Gouraud à Gemmayzé ont été détruits.

Après les explosions, beaucoup de locataires qui occupaient les appartements en bordure du port se sont retrouvés à la rue. Certains, comme de nombreux étrangers rentrés pour les vacances dans leur pays, n’étaient pas à Beyrouth. Depuis la mi-août, ils se sont mis en quête d’un nouveau logement, et la demande s’accélère. « Certains locataires sont traumatisés et ne veulent plus rester dans leur appartement. Ils veulent un autre quartier », confirme Chantal Mille Arida.

En fonction de la géographie des dégâts, la demande s’est orientée vers Ras Beyrouth (Clemenceau et Hamra) et vers le sud d’Achrafié (Sioufi, corniche du Fleuve, Badaro et autour du Grand Lycée).

Mais il n’est pas facile de trouver. Les disponibilités commencent à manquer, car de nombreux appartements ont été endommagés y compris dans les quartiers qui ne sont pas adjacents au port et les propriétaires n’ont pas toujours les moyens de faire des réparations dans un contexte de crise économique sévère. Un contexte qui fait aussi que les loyers sont souvent inabordables, notamment pour ceux qui payent en livres libanaises, tandis que les diplomates et les étrangers qui règlent en dollars “frais” sont avantagés.

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Les entreprises dont les bureaux ont été endommagés se tournent quant à elles vers la première couronne de Beyrouth, où de nombreux immeubles d’affaires ont été construits ces dix dernières années. « Nous avons eu plusieurs demandes de compagnies à la recherche de nouveaux locaux. Étant donné le peu de disponibilités à Achrafié, nous cherchons principalement des alternatives vers Horch Tabet et Sin el-Fil », observe Zaher Boustany, directeur général de l'agence immobilière At Home in Beirut.

Toutefois, la majorité du stock disponible dans les quartiers de Sin el-Fil, Horch Tabet, Mirna Chalouhi, Salomé, Jisr el-Bacha et Mkallès est toujours dans sa structure béton et nécessite également plusieurs mois de travaux. Ce type de bureaux n’intéresse pas les compagnies qui veulent des locaux prêts à être utilisés.

Dans ce contexte, les biens disponibles s’arrachent-ils au prix fort ? « Certains propriétaires veulent profiter de la situation pour changer la donne, et exigent désormais d’être payés en dollars “frais”», déplore Zaher Boustany. Ils se comportent comme si rien ne s’est passé le 4 août et comme s’ils ne comprenaient pas la situation économique du pays. Leur attitude complique les choses, alors qu’un peu de solidarité aurait été le bienvenu. »