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Moyen-Orient - Reportage

Après les bombes, le patrimoine historique du Yémen sous les eaux

Chibam, ville également inscrite au patrimoine de l’Unesco, n’a pas été épargnée par les intempéries.

Après les bombes, le patrimoine historique du Yémen sous les eaux

Un travailleur yéménite dans les ruines de Sanaa le 12 août 2020. Mohammad Huwais/AFP

L’eau boueuse continue de couler au pied de la vieille ville de Sanaa. Habité sans interruption depuis plus de 2 500 ans, le quartier inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco subit de graves inondations après avoir connu les affres de la guerre. « Depuis l’aube, nous essayons de nettoyer la boue sur les toits et de vider l’eau, mais ça ne sert à rien », raconte Ali al-Ward, un vieil habitant du quartier aux maisons en briques ocres et en pisé et aux façades parsemées de moucharrabieh blancs. « Nous dormons la peur au ventre. Nous sommes entre la vie et la mort », se désespère le vieillard frêle à la barbe grisonnante au milieu de maisons éventrées et de murs devenus tas de terre.

Les inondations sont fréquentes à cette période de l’année au Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule Arabique en proie, selon l’ONU, à la pire crise humanitaire au monde, causée par le conflit qui oppose les forces du gouvernement aux rebelles houthis, qui ont pris Sanaa, la capitale, en 2014. Mais elles font des ravages cette année. Depuis mi-juillet, elles ont tué au moins 172 personnes à travers le pays, selon des sources officielles et des responsables locaux. Les pluies torrentielles ont également endommagé de nombreux sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco à Sanaa et à Chibam.

« En train de fondre »

Dans la capitale, 106 maisons, dont cinq dans le vieux Sanaa, ont été détruites et 156 endommagées, selon le ministère de la Santé des houthis. « Nos maisons sont faites en pisé. Nous espérons que les associations trouveront une solution pour nous », se désole Mohammad al-Khamissi, un jeune habitant de la vieille ville.

Les dommages s’expliquent aussi par des années de « négligence et de manque d’entretien », constate Doaa al-Wassiei, responsable au sein de l’Autorité de sauvegarde des villes historiques. « Sanaa est en train de fondre littéralement. Les bombardements qui ont frappé les vieilles maisons ont fragilisé leurs fondations. La pluie est venue anéantir ce qui restait », explique la jeune femme, également membre d’une association de protection du patrimoine. « Certes les budgets sont limités en raison de la guerre mais il s’agit de notre identité et tout comme nous défendons notre pays, nous devons défendre notre identité », insiste-t-elle. Elle souhaite plus de « coordination » et de « soutien aux initiatives de la jeunesse et de la société civile », dans un pays où le travail des personnes engagées dans la sauvegarde du patrimoine est compliqué par la déliquescence de l’État et la dislocation de l’autorité politique.

L’intervention en 2015 d’une coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite, pour appuyer le gouvernement face aux houthis, soutenus eux par l’Iran, a aggravé la situation dans le pays. L’aviation de la coalition est accusée d’avoir ciblé des civils ainsi que des sites historiques. La guerre a fait des dizaines de milliers de morts, selon diverses ONG, et plus de trois millions de personnes ont été déplacées. Environ 24 millions de Yéménites – soit plus de 80 % de la population – dépendent d’une forme d’aide humanitaire, selon les Nations unies.

« Catastrophe sans précédent »

Située dans le gouvernorat de Hadramout, à environ 500 kilomètres à l’est de Sanaa, Chibam, ville également inscrite au patrimoine de l’Unesco, n’a pas été épargnée par les intempéries. Selon un responsable local, au moins quatre maisons ont été complètement détruites et quinze endommagées sur ce site du XVIe siècle, surnommé le « Manhattan du désert » en raison de ses tours en pisé. Sur place, des ouvriers travaillent d’arrache-pied pour combler des murs fissurés. « Nous avons prêté une attention particulière à cette ville car elle a un intérêt historique important », assure Abdelwahab Abdallah ben Ali Jaber, responsable du site. « La ville a été frappée par ce qui ressemble à une catastrophe sans précédent », souligne-t-il. L’Unesco a exprimé son « regret » pour les morts et les dégâts causés notamment sur les sites inscrits au patrimoine mondial. « Les conditions climatiques menacent la survie du patrimoine culturel unique du Yémen », a prévenu l’organisation dans un communiqué, ajoutant qu’elle se mobilise sur le terrain pour « la restauration des maisons et le renforcement des capacités des autorités locales ».

Abdelkarim AL-MARANI, avec Hadbaa AL-YAZIDI à Chibam/AFP

L’eau boueuse continue de couler au pied de la vieille ville de Sanaa. Habité sans interruption depuis plus de 2 500 ans, le quartier inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco subit de graves inondations après avoir connu les affres de la guerre. « Depuis l’aube, nous essayons de nettoyer la boue sur les toits et de vider l’eau, mais ça ne sert à rien », raconte Ali...

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