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Lifestyle - Beyrouth Insight

Avec Médéa et Mouin, le podcast peut attendre la fin du dîner !

Depuis plus de 5 mois, Médéa Azouri et Mouin Jaber animent « Sardeh », un podcast en ligne qui fait déjà de nombreux adeptes. Sur une table en bois de cèdre, en fin de journée, le plat principal est essentiellement libanais.

Avec Médéa et Mouin, le podcast peut attendre la fin du dîner !

Le duo très complice de « Sardeh », Médéa Azouri et Mouin Jaber. Photo DR

« Mieux vaut être confiné seul que mal accompagné », dit l’adage revisité. Mais s’il fallait vivre son confinement avec une seule personne, c’est une aubaine de tomber sur la bonne, tout juste avant de s’enfermer pour une période longue et difficile. Entre Médéa et Mouin, il serait difficile de savoir lequel des deux a été le plus chanceux.

Lui, c’est Mouin Jaber, 29 ans. Expatrié à Dubaï à l’âge de 12 ans, le jeune homme, fils de Ali Jaber (journaliste et actuellement directeur du groupe de télévision MBC), diplômé en économie et passionné de médias, surtout numériques, est rentré au bercail il y a quelques années pour « reconstruire sa relation avec son pays. » Fervent partisan de la révolution d’octobre, il n’a pas quitté les lignes de front cette semaine, place des Martyrs, fidèle à sa réputation de militant qui, comme il se décrit, « respire le rouge, le blanc et le cèdre ».

Elle, c’est Médéa Azouri, que l’on ne présente plus dans ces pages qu’elle occupe sous la rubrique « Un peu plus ». Notre chroniqueuse, animatrice radio depuis déjà 25 ans, est passée maître dans l’art de décortiquer la société libanaise, ses vices et ses vertus, à travers ses billets hebdomadaires qui envahissent régulièrement réseaux sociaux et téléphones. Si elle confie avoir fait la connaissance de Mouin « dans la rue », en pleine révolution, c’est autour d’un verre qu’ils se sont ensuite dit leur envie mutuelle de faire un podcast. Se souvenant soudainement de sa table à manger en bois de cèdre, trônant dans son appartement d’Achrafieh, Médéa a le déclic ! C’est ainsi qu’est né Sardeh, After Dinner, leur podcast à deux, en ligne depuis déjà 5 mois.


Le duo très complice de « Sardeh », Médéa Azouri et Mouin Jaber. Photo DR


Une synergie qui crève l’écran
« J’ai toujours fait partie de médias traditionnels, raconte Médéa Azouri à L’Orient-Le Jour. J’avais vraiment envie de faire un podcast, pour relayer ce que j’écris dans mes billets, mais de manière différente, et Mouin m’a confié avoir eu la même envie. J’ai réalisé que la synergie entre nous était intéressante, surtout avec la différence de sexe, d’âge, de religion, mais également de culture, puisque j’ai grandi à Paris et lui à Dubaï. » « Nous avons toutefois un regard similaire sur la société, poursuit-elle, même si, évidemment, Mouin est plus jeune, plus idéaliste, et moi un peu plus cynique. Quand nous avons décidé de lancer le podcast, le confinement est arrivé. On s’est alors dit que nous allions le faire tout de même, quitte à ne voir personne d’autre ! »


Pour Médéa Azouri, « le confinement a été un catalyseur à tous les niveaux ». « Cette période a aidé les gens à se réinventer, et dans ces podcasts, je me réinvente », pense-t-elle. « D’ailleurs, je suis reconnaissante envers Mouin qui m’a permis de communiquer avec un public qui ne me lit pas forcément, un public plus jeune, non francophone. En fait, je joins mes deux moyens d’expression : l’écriture, dans L’Orient-Le Jour qui m’a donné une immense liberté écrite, et la voix. Sauf que je parle en arabe. » En arabe ou en français, Mouin affirme en tout cas n’avoir « jamais rencontré une personne qui s’exprime aussi librement ». « Son franc-parler est une bouffée d’air frais », fait-il remarquer, amusé.

Alors pourquoi Sardeh After Dinner ? « La discussion après le dîner est une pratique courante dans notre culture, explique le jeune homme, qui s’occupe également du tournage, de la post-production et de la stratégie digitale. C’est là que se passent les débats les plus animés et le moment de la journée où les gens laissent tomber leurs défenses. J’ai donc choisi ce nom, puisque notre but est de discuter de sujets dont tout le monde parle, mais derrière les portes fermées… »

Depuis la fin du confinement, les deux animateurs ont pris l’initiative d’inviter des personnalités différentes à leur table, mais toujours dans une même ambiance amicale, voire intimiste. Sous une lumière tamisée, et dans une atmosphère décontractée et naturelle, ils n’hésitent pas à fumer, lancer même quelques jurons ou à se comporter comme ils le feraient chez eux, en toute liberté. Ce qui n’enlève en rien le sérieux des sujets… Ainsi, un épisode a été consacré aux femmes, un autre au sexe avec la sexologue Sandrine Atallah, un troisième aux relations humaines, et un dernier à des questions légales, avec l’activiste et avocat Hussein el-Achi comme invité.

« Les gens n’ont jamais été aussi seuls »
Si la « discussion » dépasse parfois une heure, ce format « long » plaît à Médéa Azouri, persuadée que la force des réseaux sociaux est « d’aller au bout de l’information », et aux invités « d’aller au bout de leur pensée ». « Il faut du temps pour entrer dans le vif du sujet, pour que les intervenants se sentent à l’aise », ajoute Mouin.

« Les gens ne sont pas habitués à entendre des témoignages personnels, et c’est ce qui rend notre message plus efficace, explique-t-il encore. À la télé, c’est toujours le même discours formaté qui se répète, avec des paroles le plus souvent vides et des politiciens qui jouent aux victimes. Nous, on propose juste une conversation. Nos auditeurs nous écoutent parfois en travaillant ou en cuisinant. Ils se sentent avec nous. Oui, les gens n’ont jamais été aussi seuls. Parfois, ils veulent juste ne plus s’entendre réfléchir et laisser à quelqu’un d’autre le soin de parler. Ils peuvent également joindre la discussion en donnant leurs avis sur YouTube. C’est une démocratisation du contenu. »


« On discute parfois de sujets tabous, souligne encore Médéa, mais l’important, c’est qu’on parle comme tout le monde, avec la liberté que peuvent offrir les réseaux sociaux. » « Nous ne sommes pas là pour faire la morale, mais pour pousser les personnes à réfléchir », précise-t-elle, mettant l’accent sur l’importance de communiquer aux auditeurs quelque chose de nouveau. Comment la justice fonctionne au Liban, par exemple, ou comment se comporter avec une personne qui a des envies de suicide. « C’est dire aux auditeurs “ne vous en faites pas”, nous sommes tous ensemble dans le même bateau. »

Le Liban au cœur de tout
Dans leur Sardeh, les deux chroniqueurs ne mâchent pas leurs mots en abordant des sujets qui leur tiennent à cœur. Ils se rejoignent sur des idées « progressives », en défendant par exemple les droits des femmes ou ceux de la communauté LGBT au Liban. À bien des égards, le pays du Cèdre est au centre de l’alchimie qui les unit, tous les deux sont animés par un même engagement envers lui. Un engagement qu’ils traduisent également au quotidien, depuis le 4 août, et sur le terrain, en aidant les victimes de l’explosion de Beyrouth auxquels ils offrent repas et assistance, avant de pouvoir, bientôt, discuter de ce drame dans un prochain épisode. « L’important pour nous, c’est d’être avec les gens, de parler en leur nom, assure Médéa. En fait, nous sommes tellement conditionnés par le sectarisme du Liban qu’on oublie l’impact qu’on peut avoir sur des Libanais dans toutes les régions… Notre podcast a même été écouté dans des endroits jugés conservateurs, autour d’une table de sohour, durant le ramadan. »

Pourtant, Médéa Azouri et Mouin Jaber ne s’adressent pas uniquement à un public local, conscients du point auquel « les émigrés libanais ont la nostalgie du pays », comme le note le jeune homme, et combien les expatriés sont encore très nombreux à s’intéresser au Liban. Ils peuvent d’ailleurs désormais suivre le podcast grâce aux sous-titres en anglais. « Vu de loin, le Liban est difficile à comprendre, estime Médéa. Et l’image que renvoient nos télés est souvent biaisée. C’est une image vraie qu’on veut véhiculer pour toucher les jeunes, car nos médias ne s’adressent malheureusement pas à eux. »

« Les anciennes générations ne communiquent pas avec les jeunes, ne parlent pas de la guerre, déplore quant à lui Mouin Jaber. Nous sommes en train de former une génération de jeunes gens désinformés qui, pourtant, découvrent avec la révolution un nouvel attachement au pays. » « Avec Sardeh, conclut-il, nous voulons rendre justice à notre Liban. C’est bien plus qu’un État en guerre ou une république pour faire la fête. Il y a des personnes réelles, qui ont de la substance et qui ont quelque chose à dire qui vivent ici. »


« Mieux vaut être confiné seul que mal accompagné », dit l’adage revisité. Mais s’il fallait vivre son confinement avec une seule personne, c’est une aubaine de tomber sur la bonne, tout juste avant de s’enfermer pour une période longue et difficile. Entre Médéa et Mouin, il serait difficile de savoir lequel des deux a été le plus chanceux.Lui, c’est Mouin Jaber, 29...

commentaires (2)

Bravo Médéa. Je voudrais vous citez une phrase postée sur Instagram par un inconnu que j’ai trouvé absolument éloquente qui eut tout dire sur l’esprit des libanais dans la situation actuelle que vous pouvez citer sans relâche dans votre émission. « LE DIABLE A ÉCLATÉ DE RIRE VOYANT BEYROUTH A GENOUX, MAIS IL S’EST SUICIDÉ LORSQU’IL A SU QUE C’ETAIT JUSTE POUR PRIER.

Sissi zayyat

11 h 17, le 13 août 2020

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Commentaires (2)

  • Bravo Médéa. Je voudrais vous citez une phrase postée sur Instagram par un inconnu que j’ai trouvé absolument éloquente qui eut tout dire sur l’esprit des libanais dans la situation actuelle que vous pouvez citer sans relâche dans votre émission. « LE DIABLE A ÉCLATÉ DE RIRE VOYANT BEYROUTH A GENOUX, MAIS IL S’EST SUICIDÉ LORSQU’IL A SU QUE C’ETAIT JUSTE POUR PRIER.

    Sissi zayyat

    11 h 17, le 13 août 2020

  • Très bien le programme mais vous ne donnez pas l'adresse pour vous écoutez. Je ne savais pas qu'il y avait un tel programme. Je lis tous les Articles de Médéa avec plaisir. Et je viens de découvrir que vous avez un programme à la radio ? Je regrette que je n'étais pas au courant.

    Hind Faddoul FAUCON

    05 h 50, le 13 août 2020

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