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Société - Explosions de Beyrouth

Le Parlement se réunit jeudi autour de l'état d'urgence, l'enquête se poursuit

Appels à manifester contre le pouvoir à 17h au niveau de la statue de l'Emigré, en face du port ravagé.
Le Parlement se réunit jeudi autour de l'état d'urgence, l'enquête se poursuit

Vue du port dévasté de Beyrouth, le 10 août 2020, six jours après la double explosion de 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium entreposées sur place depuis 2014. Photo AFP / JOSEPH EID

Au lendemain de la démission du gouvernement de Hassane Diab, et une semaine après la double explosion meurtrière qui a ravagé le port de Beyrouth et la capitale, le chef du Parlement, Nabih Berry, a convoqué la Chambre à une réunion jeudi à 11h au Palais de l'Unesco à Beyrouth afin de se pencher sur le décret 6792 portant sur l'annonce de l'état d'urgence dans la capitale.

Un état d'urgence de deux semaines, jusqu'au 18 août, avait été décrété le 5 août dans la capitale, par le gouvernement. Au cours de cette période, qui pourra être prolongée, l'armée libanaise aura sous ses ordres l'ensemble des forces de sécurité du pays et la responsabilité de maintenir l’ordre.

L'édito de Michel Touma

Questions en stock

Le 4 août, deux explosions d'une violence inouïe ont ravagé le port de Beyrouth et de nombreux quartiers de la capitale, faisant plus de 170 morts plus de 6.000 blessés, et entre 30 et 40 disparus, selon un bilan encore provisoire. Selon la version officielle, l'explosion a été déclenchée par un incendie qui s'est déclaré à proximité d'un stock de 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium stockées au port depuis 2014, sans mesures de sécurité, de l'aveu même du Premier ministre sortant, Hassane Diab. Le président de la République, Michel Aoun, n'a pas écarté l'hypothèse d'une bombe ou d'un missile. Il a rejeté les appels à une enquête internationale, estimant qu'elle "diluerait la vérité". Les autorités s'étaient données cinq jours pour annoncer les résultats de leur enquête, mais sept jours plus tard, aucune conclusion officielle n'a été rendue publique. Toutefois, une série d'arrestations a déjà eu lieu, touchant notamment le directeur général du port de Beyrouth Hassan Koraytem, le directeur général des douanes Badri Daher, ainsi que son prédécesseur Chafic Merhi.

Dirigeants prévenus

Selon des informations exclusives de l'agence Reuters, des responsables de la sécurité libanaise ont prévenu le mois dernier le Premier ministre et le président de la présence de ce stock de nitrate d'ammonium, deux semaines avant le drame. La mise au jour de cette correspondance pourrait exacerber les critiques et la colère de la population, qui voit dans l'explosion le dernier exemple en date - et probablement le plus dramatique - de la négligence du gouvernement et de la corruption qui ont déjà poussé le Liban au bord de l'effondrement économique. Alors que les manifestations continuaient lundi de faire rage à Beyrouth, six jours après l'incident, le gouvernement de Hassane Diab a démissionné. La Sécurité de l'Etat a confirmé pour sa part mardi avoir alerté les autorités au sujet de la cargaison, mais sans dire quand exactement, ni qui au sein des autorités a été spécifiquement alerté.

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Quelques heures avant la démission de son gouvernement, l’équipe du Premier ministre a transféré le dossier du drame à la Cour de justice, à la demande du président Michel Aoun et sur proposition de la ministre de la Justice Marie-Claude Najm. Le chef de l'Etat a signé mardi le décret en question.

La Cour de justice est compétente pour juger « tous les crimes commis contre la sécurité interne et externe de l’État ainsi que certains crimes contre la sécurité publique », rappelle le ministère de la Justice.

Interrogé par L’OLJ sur la signification de cette mesure, Antoine Sfeir, avocat à Beyrouth et à Paris et maître de conférence à l’Université Saint-Joseph, explique que le gouvernement a conféré une autre portée à ce drame, qui s’élève ainsi au rang des crimes portant atteinte à la sécurité de l’État ou encore à la paix civile. "Avec la Cour de justice, pas de recours possible, explique-t-il. La ministre de la Justice, même démissionnaire, devra nommer un enquêteur judiciaire qui sera chargé des interrogatoires et de l’enquête, en coordination avec le procureur général Ghassan Oueidate, qui est d’office procureur auprès de la Cour de justice."

Mandats d'arrêt

Toujours sur le plan judiciaire, le parquet général près la Cour de cassation a donné "les directives nécessaires, quatre jours après les détentions dans l'affaire du port, pour que les individus placés en détention lui soient livrés afin qu'ils soient déférés devant le premier juge militaire d'instruction en vue de l'émission des mandats d'arrêt". Ces directives interviennent "en attente de la désignation d'un enquêteur dans l'affaire qui doit faire le suivi de l'enquête préliminaire avec les suspects et les témoins en représentant le parquet général près la Cour de cassation".

Sur le terrain, l'armée libanaise a annoncé mardi la mort de l'adjudant Georges Maalouf, tué le 4 août dans la double explosion. Du côté des manifestants anti-pouvoir qui ne décolèrent pas, des appels à un rassemblement en face du port, à 17h au niveau de la statue de l’Émigré, circulent sur les réseaux sociaux depuis ce matin.

"Plus de pain"

Rebâtir la capitale libanaise devrait coûter jusqu'à 15 milliards de dollars, dans un pays déjà en faillite. Dans ce cadre, le directeur de l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), John Barsa, s'est rendu dans les rues de Beyrouth, où il a pris part aux travaux de déblaiement des décombres. "Le peuple américain est solidaire du peuple libanais", a-t-il déclaré, rappelant que Washington s'était engagé, dans un premier temps, à assurer 17 millions de dollars d'aides immédiates. En réponse aux journalistes qui l'interrogeaient sur le soutien américain, il a fait savoir que Washington allait débloquer quatre millions de dollars supplémentaires pour les hôpitaux. M. Barsa était accompagné de l'ambassadrice des Etats-Unis au Liban, Dorothy Shea.

La déflagration a rasé le port.

Et dans un pays frappé depuis plusieurs mois par un naufrage économique, la tragédie fait craindre une insécurité alimentaire. Environ "85% de la nourriture du Liban est importée, et elle passe par ce port", a rappelé lundi le directeur du Programme alimentaire mondial (PAM), David Beasley, actuellement en déplacement au Liban. Il s'exprimait depuis le port, où un avion cargo débarquait des générateurs, des grues et de quoi fabriquer des entrepôts temporaires. L'objectif: rétablir "dans les deux semaines" certains services pour assurer l'approvisionnement alimentaire du pays. "A ce stade, les Libanais n'auront plus de pain dans les deux semaines, il est donc essentiel de lancer ces opérations", a souligné M. Beasley.

Pour sa part, l'Unesco a annoncé qu'elle prendrait en charge la réhabilitation des écoles et apporterait son aide au développement de l'enseignement à distance.

Réagissant par ailleurs à la diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo accusant les autorités municipales de Beyrouth d'avoir jeté tous les débris et déchets de la ville sur le site de l'ancienne gare de Mar Mikhayel, le directeur du programme de l'ONG internationale Greenpeace pour la région MENA a appelé la municipalité à "mettre immédiatement un terme à ces activités irresponsables et risquées. Il a appelé à ce que les débris soient stockés dans une zone non-habitée.

Au lendemain de la démission du gouvernement de Hassane Diab, et une semaine après la double explosion meurtrière qui a ravagé le port de Beyrouth et la capitale, le chef du Parlement, Nabih Berry, a convoqué la Chambre à une réunion jeudi à 11h au Palais de l'Unesco à Beyrouth afin de se pencher sur le décret 6792 portant sur l'annonce de l'état d'urgence dans la capitale.Un état...

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