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Société - Manifestation

« Nous ne quitterons pas la rue avant qu’ils n’abandonnent le pouvoir »

Pour la deuxième journée consécutive, les manifestants ont pris d’assaut des institutions publiques. Après avoir investi samedi les ministères des Affaires étrangères, de l’Économie, de l’Environnement et de l’Énergie, ainsi que l’Association des banques du Liban, les révolutionnaires ont réussi à forcer l’entrée des ministères des Déplacés et des Travaux publics.

« Nous ne quitterons pas la rue avant qu’ils n’abandonnent le pouvoir »

Des protestataires essayant de faire tomber les murs dressés pour empêcher l’accès au Parlement. Photo João Sousa

Les manifestants ne comptent plus lâcher prise. Ils sont déterminés à aller jusqu’au bout dans leur mouvement de protestation contre une classe politique, accusée d’incurie et d’incompétence et tenue pour responsable de la tragédie du 4 août, qui a fait à ce jour 158 morts, plus de 6 000 blessés et 300 000 sans-abri. Des dizaines de personnes restent en outre disparues et des quartiers entiers de Beyrouth dévastés.

Un prêtre célébrant la messe dans le quartier dévasté de Mar Mikhaël. Patrick Baz/AFP

Au lendemain de la manifestation placée sous le thème « Jour du jugement », qui a rassemblé des dizaines de milliers de personnes, des révolutionnaires se sont dirigés de nouveau hier à la place des Martyrs, dans le centre-ville de Beyrouth, pour faire exploser leur colère. Les forces de l’ordre étaient déployées en nombre et des militaires bloquaient les entrées vers le centre-ville. Du côté de Khandak el-Ghamik, plusieurs individus circulaient à mobylettes, mais les militaires leur coupaient également la route.

La colère des manifestants au milieu des gaz lacrymogènes tirés par les forces de l’ordre dans le centre-ville de Beyrouth. Photo João Sousa

Comme la veille, le climat était à la tension. En fin d’après-midi, les manifestants ont commencé à se rassembler devant l’une des entrées du Parlement dans le centre-ville, face aux forces de l’ordre, tandis que d’autres groupes de protestataires se trouvaient devant l’hôtel Le Gray et sur la place des Martyrs.

« La liberté n’est pas gratuite », peut-on lire sur la pancarte brandie par cette manifestante, hier. Photo João Sousa

Les affrontements n’ont pas tardé à éclater. Ils ont commencé peu après le début du rassemblement entre des manifestants et des gardes du corps du député Chamel Roukoz, qui a voulu se joindre aux manifestants se trouvant sur la place. M. Roukoz avait annoncé que son éventuelle démission du Parlement « allait être étudiée demain (aujourd’hui) avec un groupe de députés ». Mais les manifestants refusaient qu’un politicien se trouve parmi eux. Une dispute a alors éclaté entre eux et les gardes du corps du député.

En soirée, M. Roukoz a publié un communiqué expliquant qu’il s’était rendu à la place des Martyrs « en signe de solidarité avec les familles des victimes de l’explosion » du 4 août. Il a affirmé qu’il a agi selon ses « convictions nationales ».

Un manifestant lançant des pierres au-dessus des murs érigés par les forces de l’ordre pour barrer l’accès au Parlement. Photo João Sousa

« Situation insupportable »

Les affrontements se sont poursuivis, mais dans la rue Weygand, où les rangs des manifestants grossissaient. Des protestataires ont lancé des projectiles et des pierres contre les forces de l’ordre qui tiraient de nombreuses grenades lacrymogènes contre eux. Selon un correspondant de la chaîne LBCI sur place, au moins un individu en civil, du côté des forces de l’ordre, a tiré à plusieurs reprises à l’aide d’un fusil d’assaut. A priori, ces tirs n’ont pas fait de victimes. De nombreux blessés étaient dénombrés. En soirée, les forces de l’ordre ont démenti l’information.

« J’étais là samedi et je suis revenue aujourd’hui parce que nous sommes fatigués, dénonce Fatima, 30 ans. Ils doivent tous tomber. Rafic Hariri a construit (la ville de Beyrouth), ils (les responsables politiques, NDLR) ont tout détruit. On leur a donné l’occasion d’agir, mais ils n’ont rien fait. Nous n’avons rien, ni travail, ni à manger, ni à boire. Nous ne voulons pas un président comme le nôtre. Nous voulons un chef d’État à l’image du président français. Les ministres et les députés sont tous inutiles. Ce sont tous des voleurs. Nous ne quitterons par la rue avant qu’ils ne quittent le pouvoir. »

« Nous voulons que tous les députés, les ministres et le président démissionnent, dénonce de son côté Leslie Gebara, 25 ans. Ils n’ont pas l’air de s’en soucier. S’ils ne démissionnent pas, nous resterons ici. » « La situation est devenue insupportable. Tous les jeunes veulent quitter le Liban, dénonce un jeune de 24 ans. Le Liban est à nous, pas à ces corrompus. Nous devons rester dans la rue. La révolution ne s’est pas arrêtée. » Pour lui, les responsables doivent démissionner, et le peuple « ne doit pas faire l’erreur de les élire à nouveau ».

Hommage aux victimes

Hier encore, les protestataires ont investi les ministères des Travaux publics et des Déplacés. La veille, ils avaient pris d’assaut les ministères des Affaires étrangères, de l’Économie, de l’Environnement et de l’Énergie, ainsi que l’Association des banques, dans une tactique visant à montrer que la contestation ne peut plus se contenter des manifestations dans le centre-ville de Beyrouth.

« Nous avons pris d’assaut le ministère des Travaux publics pour réclamer la démission du ministre, du gouvernement », lance un manifestant dans une vidéo ayant circulé sur les réseaux sociaux. « Ce gouvernement, qui est une émanation du système de corruption, doit tomber », poursuit-il. Montrant du doigt des feuilles et des dossiers éparpillés sur le sol, il affirme que les protestataires « n’ont touché à rien » et que « les dossiers ont été dispersés par la force de l’explosion ». Ils ont affirmé qu’ils se rendront dans tous les ministères « jusqu’à ce que les ministres démissionnent ». Et comme pour le confirmer, des manifestants se sont rassemblés en soirée, sous la maison du ministre des Télécommunications Talal Hawat.

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Des armes illégales ont-elles été utilisées contre les manifestants samedi ?

Par ailleurs, des dizaines de personnes ont allumé des bougies sur l’autoroute Charles Hélou, en hommage aux victimes. En cours de journée, un prêtre maronite a célébré la messe dans le quartier dévasté de Mar Mikhaël.En début de soirée, une marche est également partie de Mar Mikhaël, devant l’immeuble d’Électricité du Liban, puis s’est dirigée vers le siège des sapeurs-pompiers à la Quarantaine, scandant des slogans contre la classe politique et saluant les pompiers qui n’ont pas voulu diriger leurs canons à eau contre les manifestants samedi.

Contacté par L’Orient-Le Jour, le commandant des pompiers, le général Nabil Khinkarly, a affirmé qu’il n’a pas donné ordre aux pompiers de « mater les protestataires ». « Nous avons dix victimes et nous n’avons pas d’ailleurs les moyens de prendre part à de telles opérations, d’autant que plus de la moitié de nos équipements ont été détruits par l’explosion, ainsi que nos bureaux », a-t-il ajouté. Il a souligné que les pompiers qui participent aux recherches des victimes n’interviennent que pour éteindre les feux. « Nous avons récupéré les corps de deux de nos victimes, nous espérons trouver ceux des autres pour les restituer à leurs familles », a-t-il conclu.

Les manifestants ne comptent plus lâcher prise. Ils sont déterminés à aller jusqu’au bout dans leur mouvement de protestation contre une classe politique, accusée d’incurie et d’incompétence et tenue pour responsable de la tragédie du 4 août, qui a fait à ce jour 158 morts, plus de 6 000 blessés et 300 000 sans-abri. Des dizaines de personnes restent en outre disparues...

commentaires (7)

Tout ce qu’on sait c’est que ses tonnes de nitrate étaient là depuis un certains temps et que personne depuis ne les a fait sortir du port dans le but de faire ce qui est arrivé le 4 août. C’est donc pas un accident. Un accident tout le monde comprend son sens, un événement spontané qui arrive alors qu’on ne l’attendait pas et non quand on a tout fait pour le provoquer. On appelle ça attentat et crime avec préméditation.

Sissi zayyat

18 h 08, le 10 août 2020

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Commentaires (7)

  • Tout ce qu’on sait c’est que ses tonnes de nitrate étaient là depuis un certains temps et que personne depuis ne les a fait sortir du port dans le but de faire ce qui est arrivé le 4 août. C’est donc pas un accident. Un accident tout le monde comprend son sens, un événement spontané qui arrive alors qu’on ne l’attendait pas et non quand on a tout fait pour le provoquer. On appelle ça attentat et crime avec préméditation.

    Sissi zayyat

    18 h 08, le 10 août 2020

  • Y avait plus de président le gouvernement été entre les mains de hariri Toute fois MÊME S’IL Y AVAIT UN GOUV ET UN PRÉSIDENT QU’AURAIENT IL PU FAIRE SI CETTE CARGAISON ÉTAIT DESTINER AU HEZB ?!?!?!!!! Que cela soit sous les anciens gouv ou celui là .... toute fois dans l’actuel État le président est l’allié du hezb il aurait dû user de ça pour demander au hezb de déplacer cette fameuse cargaison ou encore demander où sont passer les disparus !!!

    Bery tus

    14 h 57, le 10 août 2020

  • C'EST TRES CURIEUX CETTE INSISTANCE DE NOS MAFIEUX A NE PAS VOULOIR OU SAVOIR OU POUVOIR COMPRENDRE QU'ILS NE SONT PAS BIENVENUS , QU'ILS TOUS HONNIS, QUE LES 75% DES LIBANAIS LES VOMISSENT ...... TOUS A PART QQS UNS .

    Gaby SIOUFI

    13 h 20, le 10 août 2020

  • J'aimerais quand même bien savoir lorsque le bateau contenant le nitrate d'ammonium est arrivé au port de Beyrouth qui était le président à l'époque, qui était le 1er ministre et qui était le ministre responsable. Pourquoi est-ce que cette information n'est pas donnée? Dans l'opposition peut être... Concernant les agissements dans la rue, chacun son point de vue. C'est aussi ça la démocratie.

    Sybille S. Hneine

    11 h 49, le 10 août 2020

  • IL FAUT QU,ILS DEGAGENT IMMEDIATEMENT DE BONGRE... LE PEUPLE LE VEUT... SINON... CE SERA DE MALGRE ! PAS D,AUTRE ALTERNATIVE.

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    11 h 05, le 10 août 2020

  • Je veux attirer l’attention de tous les libanais qui crient au scandale parce qu’il y a des destructions que mieux vaut casser pour se libérer que de casser pour dominer et terroriser. La catastrophe du port prouve à tout le monde que le but de ces vendus est de rayer de la carte notre cher pays et faire oublier son visage du bon vivre et de la prospérité. Alors préférez-vous que ça soit détruit par eux, les vendus et pour eux, ou préférez vous qu’on détruise et qu’on brûle tout pour en finir de cette crasse et nous libérer une fois pour toute puisque l’épisode de destructions généralisée exécuter par les vendus est sans fin. A chaque fois que ce pays a essayer de sortir sa tête sous l’eau ils ont trouvé le moyen de l’asphyxier par des manœuvres sordides Une révolution ne se fait pas devant sa télé ou sous sa couette. C’est dans la rue que ça se passe. Il y aura des destructions du sang et des larmes mais on arrivera à récupérer notre dignité et notre souveraineté et vous serez les premiers à en profiter et c’est à ce prix que triomphera le Liban. Tout ce qui vous reste à faire est d’aller prêter main forte à vos libérateurs au lieu de pleurnicher pour des bricoles.

    Sissi zayyat

    10 h 57, le 10 août 2020

  • Détruire encore plus une ville déjà bien détruite... casser pour casser? Bof... mettre l'énergie au service d'une opposition avec des idées. Mettre l'énergie à savoir comment reconstruire la ville et la nation. Au lieu de mettre le feu à des engins d'entreprises privées mis à disposition pour les recherches d'éventuels survivants. C'est pas franchement crédible. Peu mieux faire.

    Sybille S. Hneine

    08 h 40, le 10 août 2020

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