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Lifestyle - La mode

Kansaï Yamamoto, styliste de David Bowie et chantre du « Basara », n’est plus

Si la mode occidentale célèbre ses ténors japonais tels que Yohji Yamamoto, Rei Kawakubo, Kenzo Takada ou Issey Miyake, elle a tendance à oublier « le plus joyeux de la bande », Kansaï Yamamoto, concepteur des costumes de David Bowie et de sa propre marque haute en couleur. Atteint d’une leucémie aiguë, il est décédé le 27 juillet à l’âge de 74 ans.

Kansaï Yamamoto, styliste de David Bowie et chantre du « Basara », n’est plus

David Bowie incarnant l’un de ses avatars créé par Kansaï Yamamoto dans « Aladdin Sane ».

La dernière fois que sa photo a fait le tour du monde, il était en costume rouge vif, assis au premier rang du spectaculaire défilée croisière 2018 de Nicolas Ghesquière pour Louis Vuitton au musée Miho, près de Kyoto. Dans l’architecture aussi vertigineuse que minimaliste du musée conçu par Ieoh Ming Pei comme un temple, au cœur d’une nature majestueuse et intacte, ce costume rouge de Kansaï Yamamoto résumait toute sa philosophie. Parmi ses pairs post-nucléaires ou promoteurs d’une sobriété monacale, au milieu d’une esthétique toute de sombres superpositions véhiculée par les « Japonais de Paris », lui s’est toujours démarqué en prônant la joie, la couleur et le maximalisme débridé, parce qu’il n’était pas trop fort en tristesse. Au mélancolique wabi-sabi où se résume l’esprit zen des choses modestes et décrépies, il oppose résolument le Basara, esthétique issue du graphisme des mangas, les couleurs sorties du tube et les motifs vibrants. Cette saison-là, il avait créé pour Louis Vuitton accessoires une capsule illustrée de représentations de samouraïs et de motifs empruntés au maquillage de théâtre kabuki.


Kansaï Yamamoto à côté du costume qu’il a créé pour « Aladdin Sane » de David Bowie.


Rencontre sur le terrain de l’exubérance

C’est d’ailleurs sur le terrain de l’exubérance que Kansaï Yamamoto croise le chemin de David Bowie. Né en 1944 à Yokohama, le créateur se lance d’abord dans des études d’anglais et de génie civil au Japon avant de se tourner vers la mode. Débarquant à Londres à la fin des années 60, il est le premier de ses compatriotes à y donner, en 1971, un défilé qui fait date tant par son énergie que par son originalité, qualifié par la presse du moment de « spectaculaire coup de théâtre » et « défilé de l’année ». L’enseigne qui vend quelques articles de sa création à Kings Road est littéralement dévalisée et les stars de la pop, parmi lesquelles Elton John et Stevie Wonder, flairent les premières le potentiel scénique de son esthétique. David Bowie n’est pas en reste, qui décroche les costumes de scène Woodland creatures de Ziggy Stardust dans le vestiaire de Kansaï qui deviendra bientôt son ami. Plus tard, pour la tournée Aladdin Sane de l’icône du rock, leur collaboration sera personnalisée et Kansaï Yamamoto inventera pour Bowie des tenues uniques parmi lesquelles un costume moulant rayé rouge et noir épaulé en ailerons et porté avec des bottes vernies rouges à semelles compensées, ainsi qu’une mythique combinaison bouffante, noire rayée de blanc, radicalement op’art. Le chanteur et l’habilleur inventent ensemble des personnages d’une intensité visuelle et dramatique telle qu’ils font désormais partie de l’imaginaire collectif. La légende veut que Kansaï Yamamoto n’ait eu aucune idée de qui était David Bowie avant de le découvrir pour la première fois à la télévision à New York, en 1973, sur la scène du Radio City Music-hall, ébahi de le voir descendre du plafond portant ses créations. Certains costumes de Ziggy Stardust choisis par Bowie faisaient partie, à l’origine, d’une collection féminine. Par chance, Bowie était assez mince pour se faufiler sans une retouche dans des prototypes dessinés aux mensurations des mannequins. Cette approche décloisonnée séduit infiniment Kansaï qui fait son miel de la culture kabuki, théâtre interdit aux femmes et où des hommes jouent les rôles féminins.


Création de Kansaï Yamamoto présentée au « Fashion in motion » du musée V&A. Photos DR


Quand Kansaï Yamamoto signait la nouvelle esthétique des 70’s

Lors d’une monographie consacrée en 2008 à Kansaï Yamamoto au musée Edo-Tokyo, David Bowie avait confié au sujet d’une pièce désormais exposée au V&A : « Les costumes Kansaï Yamamoto que Kansaï et moi-même avons choisis pour les tournées Ziggy Stardust et Aladdin Sane ont contribué de manière significative à tourner la page des années 60 et à créer de nouvelles sensibilités pour les années 70 postmodernes. Les idées courageuses de Kansaï ont propulsé la création japonaise au premier plan de la mode. » Le vêtement en question est une sorte de cape composée de deux demi-cercles cousus individuellement du pied à l’entrejambe et assemblés par un zip robuste, sur laquelle est brodé en rouge et blanc sur fond noir un immense masque japonais. Le musée V&A de Londres consacrera lui-même à Kansaï Yamamoto, aussitôt après Tokyo, un épisode de sa série Fashion in motion, exposition vivante dédiée aux géants de la mode à travers des défilés intégrés dans un spectacle total.

Le partenariat artistique de Kansaï avec Bowie allait inspirer de nombreux jeunes créateurs de mode, dont Jean-Paul Gaultier, Hedi Slimane et Raf Simons, faisant de ce Japonais éclectique une référence majeure d’une mode contemporaine de plus en plus émancipée des coutumes et des contraintes de genre.

La dernière fois que sa photo a fait le tour du monde, il était en costume rouge vif, assis au premier rang du spectaculaire défilée croisière 2018 de Nicolas Ghesquière pour Louis Vuitton au musée Miho, près de Kyoto. Dans l’architecture aussi vertigineuse que minimaliste du musée conçu par Ieoh Ming Pei comme un temple, au cœur d’une nature majestueuse et intacte, ce costume...

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